La responsabilité sociétale des organisations ou RSO : une vision pour notre pays et une réponse aux colères sociales ?

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Une tribune de Michel Gire, Associé Gérant du cabinet d’expertise comptable, d’audit et de conseil GMBA Walter Allinial.

La fiscalité semble au cœur du débat national, initié par Emmanuel Macron en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Elle est manifestement le détonateur de cette crise sociale, avec le rejet de l’augmentation de la taxe carbone sur le carburant. Bien entendu, le malaise est infiniment plus profond puisque cette crise a survécu à l’annulation de ladite augmentation et autres mesures. Ce mouvement vient de loin ; il est fait de ressentis et ressentiments, de colères d’horizons extrêmes qui se nourrissent d’absences. Absence d’espérance dans un avenir meilleur, absence de confiance dans les élus, absence de respect et de considération, absence d’amélioration (voire dégradation lente et continue) des situations individuelles, etc.

Eh oui, paradoxe, la France paie aujourd’hui la qualité de son « amortisseur social » qui a fonctionné à plein régime lors de la crise financière de 2008. Nous n’avons pas connu les plans de rigueur infligés à la Grèce, à l’Italie, au Portugal, à l’Espagne… ni la pauvreté de masse qui a frappé les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore, l’Allemagne… La France a été protégée hier par son système fiscal et social, elle est minée aujourd’hui par le manque d’espérance qui en résulte (les autres pays ont « touché le fond » et se redressent…).

Plusieurs mesures ont abouti au sentiment d’injustice fiscale. La taxe carbone bien entendu mais également la suppression de l’ISF. 71 % des Français sont favorables au rétablissement de l’ISF (source : OpinionWay pour LCI) qui symbolise la justice sociale et fiscale (il fallait bien sûr réformer cet impôt mais ne pas lui donner un nouveau nom et l’amputer…). Au-delà de ce symbole, rappelons toutefois que la France est l’un des pays d’Europe où l’impôt sur le revenu est le plus progressif : un foyer fiscal sur deux ne paie pas d’impôt, une part importante des contribuables dispose d’un taux moyen d’imposition compris entre 8 et 12 %, les foyers fiscaux les plus aisés ont un taux moyen à 30 % et plus… les plus gros contribuables peuvent être amenés à payer 62 % d’impôt sur des revenus fonciers.

La France détient donc le record mondial des prélèvements sociaux et fiscaux, soit… Mais elle est aussi l’un des pays qui offre la meilleure protection sociale, l’un des pays les plus égalitaires au monde… Même si 75 % des Français jugent les écarts de salaires trop importants dans les entreprises (source : Oxfam), ces derniers concernent principalement les grands groupes du CAC 40, alors que les PME restent le plus souvent dans une proportion de 1 à 5. Les prélèvements sociaux et fiscaux sont très élevés en France, mais les contreparties, dont bénéficient tous les Français, le sont également : les minima sociaux, le salaire minimum, l’assurance chômage, l’assurance maladie, la prévoyance, le temps de travail, le système de retraite, les services publics... Rappelons également que la France a un taux de « risque de pauvreté » parmi les plus faibles d’Europe : 13 % (source : Eurostat) et que sans redistribution, il s’élèverait à 22 %. Pour se situer, l’Irlande et l’Allemagne ont, eux, un taux supérieur de trois points à celui de la France.

Bien entendu, nous ne pouvons pas nous satisfaire de tout cela pour justifier et accepter des inégalités et des exclusions croissantes. Et surtout, à ce stade, rien n’est dit sur les enjeux environnementaux, véritables défis pour l’humanité, qui doivent nous conduire à changer de modèle économique. La vision pour notre pays devrait être celle du développement durable qui prend en compte les contraintes économiques, environnementales, sociales et sociétales pour assurer un développement harmonieux ; du développement durable qui amène à décider à l’aune desdites contraintes pour un bon équilibre. Nos gouvernants devraient se saisir sans attendre de ce qui constitue le seul modèle viable ; le développement durable est une vision qui doit s’organiser en programme politique. Nombre d’organisations (entreprises, associations, collectivités…) et de citoyens appellent désormais ce changement de cap de leurs vœux. Elles sont engagées dans des démarches de responsabilité sociale (RSO ou RSE, norme ISO 26000) et peuvent ainsi en mesurer tous les bénéfices. L’expérimentation est un vrai succès, il est temps d’œuvrer maintenant pour la généralisation du modèle.

En plein « grand débat » et à la veille d’élections européennes, nous mesurons bien les menaces que constituent extrémismes, nationalisme, populisme et prenons conscience de la fragilité d’une démocratie. Des citoyens et des peuples réconciliés dans un cadre européen renforcé, au sein de nations ancrées dans le développement durable et d’organisations résolument RSO… une utopie nécessaire !

Michel Gire, Associé Gérant du cabinet GMBA Walter Allinial

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