Depuis l’adoption de la première directive de 1970, l’ensemble des dispositifs européens d’harmonisation des règles d’assiette de TVA repose sur les fondements de la loi française du 10 avril 1954, qui a fait de cette taxe un impôt unique, d’application générale, à taux différenciés. Décryptage par Vital Saint-Marc, Président du club fiscal du conseil régional de l’ordre des experts-comptables, Paris ile-de-france.
Le principe de généralité de la TVA se traduit par une application de la taxe par le plus grand nombre, à chaque stade d’une chaîne économique, avec une limitation des cas d’exonérations. Pendant 60 ans, ce principe n’a souffert d’aucune exception pour les opérations effectuées sur le territoire national. La loi de finances pour 2014 (1) a instauré, pour certains travaux immobiliers, un dispositif d’autoliquidation de TVA, qui rompt avec ce principe général dans le but "d’intensifier la lutte contre la fraude dans le secteur du bâtiment et de mettre fin à une distorsion de concurrence au détriment des entreprises sous-traitantes respectueuses de leurs obligations fiscales (2)".
Un dispositif qui concerne certaines prestations de sous-traitance immobilière
Le dispositif nouveau s’applique aux entreprises sous-traitantes, qui effectuent des travaux immobiliers pour le compte d’un preneur assujetti, quelle que soit leur place dans la chaîne de sous-traitance.
La sous-traitance s’entend au sens de l’article premier de la loi du 31 décembre 1975. L’administration a toutefois précisé (2) que les activités suivantes ne s’analysaient pas comme des opérations de sous-traitance :
-la fabrication de matériaux ou d’ouvrages spécifiques destinés à l’équipement d’un immeuble faisant l’objet de travaux ; cette opération constitue une livraison de biens meubles corporels ;
-les prestations intellectuelles confiées, par les entreprises de construction, à des bureaux d’études, économistes de la construction ou sociétés d’ingénierie ;
-les contrats de location d’engins et matériels de chantier, y compris lorsque la location s’accompagne du montage et du démontage sur site.
Les travaux éligibles comprennent en définitive les réparations, nettoyages, entretiens, transformations et démolitions effectués en relation avec un bien immobilier, pour le compte d’un preneur assujetti.
Il s’agit plus particulièrement (2) :
-des travaux de bâtiment exécutés par les différents corps de métiers participant à la construction ou à la rénovation des immeubles ;
-des travaux publics et ouvrages de génie civil ;
-des travaux d’équipement des immeubles, tels que les travaux d’installation comportant la mise en œuvre d’éléments qui perdent leur caractère mobilier, en raison de leur incorporation à un ensemble immobilier ;
-des travaux de réparation ou de réfection, ayant pour objet la remise en état d’un immeuble ou d’une installation à caractère immobilier, comme la mise en œuvre, le remplacement et l’adjonction de matériaux ou d’éléments qui s’intègrent à un ouvrage immobilier ;
-des opérations de nettoyage, qui sont le prolongement ou l’accessoire des travaux concernés. Seules les opérations de nettoyage faisant l’objet d’un contrat de sous-traitance séparé sont exclues du dispositif d’autoliquidation.
Des prestations issues de contrats conclus à compter du 1er janvier 2014
Les nouvelles dispositions concernent les prestations fournies dans le cadre de contrats de sous-traitance conclus depuis le 1er janvier 2014.
Le régime s’applique à la réalité des opérations de sous-traitance. Il n’est donc pas nécessaire que les entreprises aient formalisé leur accord. En l’absence de contrat, tout document permettant d’établir l’existence d’un accord de volonté, entre le donneur d’ordre et son sous-traitant, pour la réalisation des travaux et leur prix, comme un devis ou un bon de commande signé ou non, tiendra lieu de contrat.
Des contrats avec des dispositions spécifiques pour les accords antérieurs au 1er janvier 2014, qui continuent à produire leurs effets après cette date
Les prestations fournies en exécution de bons de commande, d’avenants ou de levée d’option de tranches conditionnelles postérieurs au 1er janvier 2014, mais relatifs à des contrats-cadres ou à des contrats de sous-traitance signés avant cette date, ne sont pas concernées par le dispositif d’autoliquidation.
En revanche, les prestations fournies en exécution d’un contrat de sous-traitance antérieur au 1er janvier 2014 entrent dans le champ du dispositif, si les deux conditions suivantes sont satisfaites :
-le contrat a fait l’objet d’une tacite reconduction postérieure à cette date,
-les prestations sont elles-mêmes réalisées après la date de la tacite reconduction.
Le sous-traitant émet une facture sans TVA
La TVA relative à ces opérations est acquittée par le preneur.
Le sous-traitant prestataire émet donc une facture sans TVA, qui fait apparaître explicitement que la TVA est due par le preneur assujetti et porte la mention « autoliquidation », en application de l’article 242 nonies A, I-13° de l’annexe II au CGI.
Même en cas de paiement direct par le maître d’ouvrage
Dans le cas de paiements directs des sous-traitants par le maître d’ouvrage, par délégation de paiement ou action directe, ce dernier paye le sous-traitant, au nom et pour le compte du donneur d’ordre, pour la part du marché dont il assure la réalisation. En conséquence, le paiement du sous-traitant est effectué sur une base hors taxes et le donneur d’ordre autoliquide la TVA.
Les opérations sont déclarées par le prestataire et par le preneur au cours de la période d’exigibilité de la TVA
Le sous-traitant mentionne la prestation hors taxes sur la ligne "autres opérations non imposables" de sa déclaration de TVACe régime ne constitue pas un dispositif d’exonération. Il n’a, en conséquence, aucune incidence sur le droit à déduction des dépenses effectuées par le sous-traitant.
Symétriquement, le preneur assujetti à la TVA en France porte le montant hors taxes des prestations de sous-traitance soumises à autoliquidation sur la ligne "autres opérations imposables" de sa déclaration de chiffre d’affaires. La TVA y afférente est déductible dans les conditions de droit commun.
Le régime nouveau ne modifie aucunement les règles d’exigibilité de la TVA. Les opérations seront déclarées conjointement par le prestataire et par le preneur dans le mois d’exigibilité de la taxe.
À défaut de quoi, le preneur s’expose à des sanctions financières
Le défaut d’autoliquidation de la TVA par le donneur d’ordre est sanctionné par une amende de 5 %, comme en matière d’acquisitions ou de prestations intracommunautaires.
Vital Saint-Marc, Président du club fiscal du conseil régional de l’ordre des experts-comptables, Paris ile-de-france
(1) Article 25 de la loi 2013-1278 du 29 décembre 2013, codifié à l'article 283, 2 nonies du CGI.
(2) BOI-TVA-DECLA-10-10-20.
A propos
Cet article provient du numéro 85 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France qui comprend notamment un dossier sur la formation en alternance.
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