Quelles procédures peuvent aider un dirigeant à ne pas se retrouver en état de cessation de paiement ?

Procédures collectives
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Une tribune du cabinet Sadec Akelys.

A l’heure où de nombreuses entreprises se trouvent contraintes de rembourser leur PGE, faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie, à l’explosion du prix des matières premières ou tout simplement à l’inflation... nombreuses sont celles, grandes ou petites, qui se retrouvent fragilisées et qui peuvent être confrontées au risque d’un dépôt de bilan. Comment l’éviter ? Quelles procédures existent en amont ? Et si malheureusement, le dirigeant doit être confronté à l’état de cessation de paiement, comment être bien accompagné ? Pour toutes ces questions l’expert-comptable est le personnage clé qui se tient aux côtés du chef d’entreprise contre vents et marées.

Qu'est-ce que l'état de cessation de paiement ?

Tout d’abord, revenons sur le terme dépôt de bilan. Selon la loi, cette expression n’existe pas : on parlera ici d’état de cessation de paiement (DCP).

On considère qu’une entreprise est en état de cessation de paiement quand elle ne peut pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible (c’est-à-dire qu’elle a des échéances : fiscales, sociales et autres qu’elle ne peut pas payer par insuffisance de trésorerie). Cet état de cessation de paiement doit être déclaré au tribunal de commerce au plus tard 45 jours après son constat. Sans quoi le tribunal de commerce pourrait y trouver une faute de gestion et faire remonter ainsi la date de cessation des paiements.

« Quand vous déposez votre demande d’état de cessation des paiements, vous donnez une date à laquelle vous ne paierez plus rien et cela vous protège. Mais le tribunal est souverain pour faire remonter dans le temps cette date jusqu’à 6 mois avant. On appelle ça une période suspecte : date du dépôt de bilan et date du tribunal qui permet justement au tribunal de voir ce qui s’est passé dans l’entreprise en amont comme par exemple, avoir favorisé un créancier plutôt qu’un autre, versé un complément de salaire à un salarié et pas à tous... Et en fonction de son enquête, le tribunal de commerce peut donc changer la date de la déclaration de cessation de paiement ou DCP » éclaire Jean-Luc Rosette, Directeur des bureaux de Saint-Dizier, Châlons en Champagne et Vitry-le-François, Sadec Akelys.

Quel est le rôle de l'expert-comptable ?

« Ce qui est important ici c’est l’amont. Lorsque l’expert-comptable sent qu’« il y a le feu », il doit voir son client rapidement puis déclencher un rendez-vous avec les banques et le dirigeant et cela doit être organisé le plus en amont possible car cela va offrir à votre client de nouvelles possibilités de continuation avant d’en arriver à l’état de cessation de paiement qui n’est donc pas une fatalité. Toujours dans cette phase, il est primordial de vérifier s’il y a des cautions personnelles dans l’entreprise. En effet, Il existe des dossiers pour lesquels le dirigeant du fait de caution personnelle ou du fait qu’il souhaiterait garder son entreprise, va pouvoir envisager soit des procédures collectives soit un plan de continuation ou redressement judiciaire. C’est un échec certes, mais l’entreprise pourra quand même continuer et cela ne la prive pas de durer si le dirigeant le souhaite. Il est donc capital ici de bien l’informer en amont » précise Jean-Luc Rosette.

Quelles sont les procédures collectives pour retarder ou éviter une DCP ?

Généralement une entreprise en difficulté doit faire face à pléthore de créanciers. On parlera alors d’une collectivité de créanciers et donc de procédures collectives (qui s’adressent en même temps à l’ensemble des créanciers) pouvant être déployées avant de se retrouver en état de cessation de paiement. Quelles sont-elles ?

Le mandat ad hoc : la procédure concerne le chef d’entreprise qui connait des difficultés passagères sans être en DCP. Il peut aller voir le tribunal de commerce qui va nommer un mandataire pour l’assister. Ce dernier va réunir les créanciers pour trouver des solutions et cela évitera à l’entreprise de faire l’objet d’une diffusion publique (ce qui est toujours néfaste en termes de réputation et d’image de l’entreprise).

La conciliation : le dirigeant pense qu’il va rencontrer des difficultés (sans être en DCP) ; face par exemple à la crise de l’énergie, le dirigeant voit que la situation va devenir difficile et il peut envisager une conciliation au tribunal de commerce qui va là aussi nommer un mandataire pour l’assister.

Attention, ces procédures de sauvegarde ont un coût pour le dirigeant, à partir du moment où un mandataire, aussi appelé administrateur va l’assister pour essayer de sauver son entreprise, le dirigeant devra le rémunérer.

La sauvegarde : intervient juste avant le redressement judiciaire.

Comme précédemment, le tribunal de commerce nomme un administrateur et gèle le passif de l’entreprise (pendant 6 mois renouvelable une fois). La procédure de sauvegarde fait l’objet d’une inscription au KBIS, ainsi qu’au BODACC ; elle fait l’objet d’une annonce légale également.

Le redressement judiciaire : concerne les entreprises qui sont en état de cessation de paiement (DCP). Il est destiné à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Après avoir entendu le dirigeant (appelé aussi débiteur), l’administrateur, le mandataire judiciaire et les représentants du personnel, le tribunal arrête un plan de redressement judiciaire qui ne peut excéder une durée de 10 ans.

La liquidation judiciaire (avec 2 branches).

La liquidation judiciaire classique : c’est la mort de l’entreprise. Cela entraine le licenciement des salariés, la vente des actifs, l’arrêt de la production... L’entreprise peut purement et simplement disparaître, sauf si un repreneur veut bien en être le successeur et dans ce cas, il peut racheter la société pour une somme symbolique mais il doit impérativement reprendre les contrats de travail.

La liquidation judiciaire simplifiée : réservée aux toutes petites entreprises (qui ne détiennent pas de biens immobiliers et qui dégagent un CA inférieur à 750 000 euros), la procédure est accélérée par rapport à la liquidation judiciaire classique.

Dans les deux cas, dès l’instant où l’entreprise est liquidée, le débiteur ne doit plus rien à ses créanciers. Mais attention, si la liquidation judiciaire simplifiée peut être assez rapide, ce n’est pas le cas pour les liquidations judiciaires classiques qui peuvent prendre des années du fait des litiges à régler : nombreuses dettes en souffrance, procédures prud'homales en cours. Ce qui est très lourd psychologiquement pour le dirigeant qui ne sait jamais si le liquidateur va encore lui demander des papiers, des justificatifs, des preuves, des bilans comptables, etc.

« C’est une mésaventure douloureuse et si vous avez accompagné votre client pendant 10 ans ou plus, quelles que soient ses difficultés, vous l’accompagnez aussi dans cette démarche. L’expert-comptable se doit d’être présent pour établir la cessation, mais il peut aussi accompagner son client à l’audience pour l’assister en présentant un mandat donné par le dirigeant au tribunal de commerce. Et pour moi, il est aussi normal que déontologique de ne pas laisser seul un chef d’entreprise dans une situation aussi douloureuse » conclut Jean-Luc Rosette.