Les mesures phares de la loi de finances pour les entreprises

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Lors d’un récent webinaire, Philippe Hupé, Frédéric Thienpont et Laure Virazels, Associés fiscalistes de Walter France, ont identifié et commenté les mesures les plus significatives de la loi de finances pour les entreprises.

La loi de finances pour 2022 est moins volumineuse que les années précédentes, avec notamment de nombreuses mesures qui sont prorogées. Rappelons que l’année 2020 a été catastrophique puisque le déficit a atteint 211,5 milliards d’euros, soit 9,2 % du produit intérieur brut, et que la dette publique a explosé à 115,7 % du PIB. Le bilan 2021 ne devrait être guère plus réjouissant. Le gouvernement tente malgré tout de tenir le cap en continuant la baisse des prélèvements obligatoires, notamment la baisse de l’impôt sur les sociétés : la réforme arrive à son terme et le taux de 25 % s’appliquera à compter de l’exercice 2022, le taux réduit à 15 % continuant de s’appliquer pour les bénéfices des PME n’excédant pas 38 120 euros.

L’amortissement des fonds commerciaux devient possible par dérogation

Il est important pour comprendre cette mesure de la loi de finances de connaître la différence entre un fonds de commerce et un fonds commercial. Le fonds de commerce est un ensemble d'éléments incorporels et corporels affectés à l'exploitation d'une activité commerciale. Il peut comprendre, par exemple, une enseigne, un nom commercial, un droit au bail, du mobilier, etc. Le fonds commercial est constitué des éléments incorporels du fonds de commerce qui ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation, qui ne peuvent pas être affectés à un élément spécifique du fonds de commerce et qui concourent au maintien et au développement du potentiel de l’activité. C’est par exemple le cas de la clientèle.

D’un point de vue comptable, le fonds commercial est présumé avoir une durée d’utilisation non limitée et ne peut faire l’objet d’un amortissement, sauf à démontrer que sa durée d’utilisation est limitée. Dans ce cas, l’amortissement est possible sur sa durée d’utilisation ou sur dix ans.

Les petites entreprises peuvent recourir de plein droit à cette durée d’amortissement de dix ans, sans devoir prouver la durée limitée d’utilisation du fonds. La loi de finances pour 2022 :

  • confirme que l’amortissement comptable des fonds commerciaux n’est pas déductible fiscalement. Cette non-déduction est désormais inscrite dans le code général des impôts ;
  • mais stipule qu’à titre dérogatoire et temporaire, pour les fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, l’amortissement comptable sera admis en déduction du résultat imposable de l’entreprise.

Un doute subsiste sur le fait que cette dérogation puisse s’appliquer aux activités artisanales et libérales : des précisions sont attendues à ce sujet.

Cette mesure est extrêmement importante et est susceptible de faire évoluer les modes d’acquisition d’entreprises durant cette période. En effet, à ce jour, bon nombre d’entreprises s’acquièrent par l’achat de titres. Avec cette disposition dérogatoire, les acquéreurs pourront avoir intérêt à acheter le fonds de commerce pour bénéficier de cet amortissement fiscal.

Les entrepreneurs individuels pourront opter pour l’IS

Cette mesure est également significative. En effet, le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante prévoit de créer un statut unique et protecteur pour les entrepreneurs individuels. Jusqu’à maintenant, les entrepreneurs individuels étaient obligatoirement soumis à l’IR, sauf ceux qui avaient opté pour l’EIRL. Cette loi de finances anticipe la loi sur les indépendants qui doit être votée début 2022. Les entrepreneurs individuels (sauf ceux qui sont soumis au régime micro) pourront désormais, à compter de l'entrée en vigueur de ce nouveau statut, opter pour l’IS en étant assimilés à une EURL, sans avoir à modifier leur statut juridique. Il n’y aura donc plus besoin de déclarer le patrimoine d’affectation à son activité professionnelle – mesure qui permettait de protéger son patrimoine personnel – puisque cela se fera automatiquement. La rémunération du dirigeant sera déduite fiscalement, comme l’est la rémunération d’un gérant de SARL. Ce dirigeant pourra se verser des dividendes qui seront soumis à cotisations sociales dès que leur montant excèdera 10 % du bénéfice net imposable. Avec ces nouvelles dispositions, le statut d’EIRL va certainement être amené à disparaître.

La déclaration d’échanges de biens (DEB) est supprimée et remplacée par deux autres déclarations

La DEB, qui avait une double fonction fiscale et statistique, est supprimée et remplacée par deux déclarations distinctes, à l’instar de ce qui existe dans les autres pays européens.

L'état statistique ne concerne que les assujettis figurant dans un échantillon. Les opérateurs en cause ont reçu au cours du mois de décembre un courrier ou un e-mail les informant de l’obligation à laquelle ils étaient soumis. Cet échantillon sera susceptible d’évoluer dans le temps.

L'état récapitulatif TVA concerne tous les assujettis réalisant des opérations intracommunautaires.

En pratique, un dispositif de préremplissage automatique de l'état récapitulatif TVA à partir de l'état statistique devrait être proposé pour limiter la surcharge administrative résultant du dédoublement de la DEB. Cela ne change pas fondamentalement les éléments à déclarer.

Concernant la TVA d’importation, à compter du 1er janvier 2022, sa gestion et son recouvrement sont donc transférés de la Direction générale des douanes vers la Direction générale des finances publiques. Du fait de ce transfert, la déclaration et le paiement de la TVA sur les importations sont effectués directement sur la déclaration de TVA et non plus à l'appui de la déclaration en douane : l’autorisation d’autoliquidation est de fait supprimée puisque celle-ci est généralisée.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2023, en cas de versement d’un acompte avant l’intervention de la livraison d’un bien, la TVA sera exigible au moment de l’encaissement de cet acompte à concurrence du montant encaissé.

Un taux unique de TVA à 5,5 % dans le secteur agroalimentaire

La loi de finances pour 2022 simplifie les règles de taux de TVA applicables en matière d’alimentation. Désormais, le taux réduit de 5,5 % sera applicable à tous les produits destinés à l’alimentation humaine, tout au long de la chaîne de production, sans distinguer les produits susceptibles d’être consommés en l’état ou non. Ainsi, les denrées alimentaires (sauf les boissons alcoolisées, les produits de confiserie, certains chocolats), les produits destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires (produits d’origine agricole, de la pêche...) et les produits normalement utilisés pour compléter ou remplacer ces denrées (compléments alimentaires) sont soumis au taux réduit de TVA.

La coopération européenne en matière de contrôle fiscal est renforcée

A compter du 1er janvier 2023, dans le cadre de l’exercice de leur mission de contrôle, les agents de l’administration des finances publiques peuvent recourir aux instruments de coopération administrative prévus dans le domaine fiscal par la réglementation européenne. Le code général des impôts va être amendé en ce sens. Les administrations vont être autorisées à entamer des procédures et à réaliser des saisies dans les différents Etats membres européens.

Par ailleurs, l’expérimentation qui permet au gouvernement d’autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne qui lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte de certaines infractions (aviseurs fiscaux) est prolongée jusqu’au 31 décembre 2023.

Enfin, concernant le droit de visite et de saisie à domicile, désormais, en cas de contrôle fiscal et douanier, le montant des amendes applicables pour obstacle à l'accès aux pièces dématérialisées visées par le droit de visite ou aux documents sur support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, est augmenté à 50 000 euros en cas d’obstacle dans les locaux occupés par le contribuable (au lieu de 10 000 euros) ; à 50 000 euros en cas d’obstacle dans les locaux occupés par le représentant en droit ou en fait du contribuable (au lieu de 10 000 euros) ; et à 10 000 euros (au lieu de 1 500 euros) en cas d’obstacle dans les locaux d’un tiers.

De nombreuses autres dispositions de cette loi de finances concernent des délais d’option, l’exonération de plus-values professionnelles, des réductions et des crédits d’impôt, etc.