L’EFRAG a publié, le 1er octobre 2025, un rapport de synthèse du symposium sur les normes VSME. Organisé à Rome en mai dernier avec l’OIC (organisme italien de comptabilité), l’événement a réuni experts, banquiers et représentants d’entreprises pour explorer comment le reporting de durabilité peut devenir un atout stratégique, au service de la performance et de l’accès au financement.
Et si le reporting extra-financier devenait un outil de croissance pour les PME ? C’est le pari défendu par les intervenants du symposium organisé le 29 mai 2025 à Rome par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) et l’Organismo Italiano di Contabilità (OIC), à l’occasion du 47ᵉ congrès annuel de l’European Accounting Association (EAA) à Rome.
L’événement a porté sur la nouvelle norme volontaire de reporting durable pour les PME non cotées (VSME Standard), conçue pour répondre à la multiplication des demandes d’informations ESG émanant des banques, investisseurs et grandes entreprises.
« Le VSME Standard a été développé pour fournir un modèle de données standardisées, capable de satisfaire la majorité des demandes non coordonnées adressées aux PME », a expliqué Chiara Del Prete, présidente du groupe technique de durabilité de l’EFRAG.
Pensée pour les entreprises de moins de 250 salariés, la norme comprend deux modules : un niveau de base simplifié pour les micro-entreprises et un niveau complet pour les PME plus structurées avec pour objectif de réduire la charge administrative, tout en améliorant la comparabilité des informations entre entreprises.
Dépasser la simple conformité : trois leviers stratégiques identifiés
Alexander Stevens, président de Greenomy, a identifié trois avantages stratégiques majeurs :
- Premièrement, la réduction des coûts de financement : « Les institutions financières devront de toute façon collecter ces informations auprès des PME pour leurs propres obligations de reporting » ;
- Deuxièmement, l'amélioration des performances opérationnelles grâce à l'identification des axes d'amélioration en matière de consommation d'eau ou d'électricité ;
- Troisièmement, la réduction des coûts de mise en conformité via la standardisation : les PME pourraient éviter de collecter des informations similaires, mais légèrement différentes pour chaque partenaire commercial.
De son côté, Katharina Byan, responsable de la politique de reporting développement durable chez Amazon, a souligné l'importance d'un reporting volontaire comme préparation aux exigences obligatoires futures, permettant aux entreprises d'améliorer progressivement leurs pratiques « sans que tout soit parfait dès le départ ».
Un fossé béant entre comportement durable et capacité de reporting
Le constat des participants est sans appel : la majorité des PME européennes ne sont pas prêtes pour le reporting de durabilité. Sophia Zakari, directrice des politiques d'entreprise et des affaires juridiques de SMEunited (association des artisans et des PME d'Europe), a nuancé : « Cela ne signifie pas qu'elles n'ont pas adopté un comportement durable. Elles ne savent simplement pas comment le reporter. »
Elbano de Nuccio, président du Conseil national italien des experts-comptables, a confirmé cette dichotomie : « Les PME adoptent un comportement ESG dans leurs organisations, mais de manière informelle, sans le divulguer. » Il a insisté sur le rôle crucial des professionnels comptables pour accompagner cette transformation : « Le reporting de durabilité n'est que le résultat final d'un processus de collecte d'informations. Les PME ont besoin d'aide pour gérer ces données. »
Le défi principal reste la formation. Sophia Zakari a soulevé un point critique : « Même les comptables qui pourraient former le personnel des PME doivent d'abord être formés eux-mêmes. Cette formation est très largement en cours. »
La standardisation : condition sine qua non de l'adoption
Le débat a mis en lumière un obstacle majeur : la multiplication des questionnaires et exigences divergentes. Angela Tanno, de l'Association bancaire italienne, a expliqué que les banques ont développé leurs propres questionnaires, différents d'un établissement à l'autre, en attendant un signal formel de la Commission européenne pour adopter la norme VSME. « La mise à jour des procédures internes est très coûteuse. Les banques veulent s'assurer qu'il n'y aura pas de changements majeurs. »
Sophia Zakari (SME United), a été catégorique : « Si la norme VSME avait été unique et utilisée par tous, y compris les banques, elle aurait été considérée comme plus utile. » Elle a appelé l'UE à interdire aux banques et autres parties d'exiger des informations supplémentaires au-delà de celles requises par la norme VSME.
Alexander Stevens (Greenomy) a renchéri en plaidant pour « plus d'ambition et pour rendre la norme VSME obligatoire », afin d'en faire le standard unique de reporting de durabilité pour les PME.
Les outils numériques, catalyseurs d'adoption
Les participants ont identifié trois leviers technologiques essentiels :
- La sensibilisation et l'éducation, où l'intelligence artificielle pourrait jouer un rôle majeur.
- L'automatisation de l'exercice de reporting, l'IA pouvant identifier quelles données des questionnaires électroniques correspondent aux points requis par les normes.
- Le benchmarking : Alexander Stevens (Greenomy) a appelé à la création d'une base de données européenne unique permettant aux entreprises et parties prenantes de comparer les performances.
EFRAG a déjà lancé plusieurs initiatives : un forum PME, un modèle numérique gratuit VSME, une taxonomie XBRL, et des vidéos de formation. Angela Tanno (Association bancaire italienne) a toutefois souligné la nécessité de traduire ces ressources dans toutes les langues européennes.
Vers un repositionnement du débat
En conclusion, les participants ont plaidé pour un changement de paradigme. Sophia Zakari ( SME United) a appelé à « recentrer le débat sur les actions de durabilité plutôt que sur le reporting de durabilité ». Une proposition qui convainc, Katharina Bryan (Amazon) : « ce qui compte au final, c'est la décarbonisation. J'aurais été plus inquiète si la situation avait été inversée avec des PME qui reportent sans agir », a-t-elle renchéri.
Angela Tanno (Association bancaire italienne) a néanmoins mis en garde contre le risque inverse : « Il est important de reporter ce qui est fait, sinon il y aurait un risque de sous-estimer le travail accompli par les PME. »
En fait, le symposium a révélé une tension fondamentale entre la nécessité de standardiser pour réduire la charge administrative et le besoin de flexibilité pour les institutions financières et les grandes entreprises.
Comme l'a résumé Elbano de Nuccio, président du Conseil national italien des experts-comptables, la simplification doit signifier « standardisation, proportionnalité et modularité », et non simplement la fourniture de moins d'informations. Un équilibre délicat que l'Union européenne devra trouver pour faire du reporting de durabilité un véritable outil stratégique au service de la transition écologique des PME.
Retrouvez le rapport de synthèse complet ici
Samorya Wilson
