La confiance reste le talon d’Achille de l’adoption de l’IA

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L’étude « Trust, attitudes and use of Artificial Intelligence : A global study 2025 », menée par KPMG et l’Université de Melbourne, dresse un état des lieux inédit sur l’usage, la perception et les attentes vis-à-vis de l’IA dans 47 pays, dont la France. L’enquête, publiée le 30 avril dernier, révèle que si l’intelligence artificielle s’impose dans la vie quotidienne et professionnelle, la confiance du public reste fragile.

L’IA fait désormais partie du quotidien : selon l’étude « Trust, attitudes and use of Artificial Intelligence : A global study 2025 », deux tiers (66 %) des personnes interrogées à travers le monde déclarent l’utiliser régulièrement, que ce soit dans leur vie professionnelle (73 %) ou personnelle (78 %). Chez les étudiants, ce taux atteint 92 %, illustrant une intégration profonde dans les usages éducatifs. Pourtant, cette adoption ne s’accompagne pas d’une confiance équivalente : seuls 46 % des répondants se disent prêts à faire confiance à l’IA, un chiffre qui tombe à 33 % en France.

Formation et connaissance : le maillon faible

L’enquête, réalisée auprès de plus de 48 000 personnes dans 47 pays entre novembre 2024 et janvier 2025, pointe un paradoxe : l’utilisation de l’IA progresse, mais la formation ne suit pas. À l’échelle mondiale, 39 % des personnes interrogées déclarent avoir bénéficié d’une formation à l’IA, et 48 % estiment n’en avoir qu’une connaissance limitée.

En France, le retard est marqué : 76 % des répondants n’ont reçu aucune formation, plaçant le pays au 40ᵉ rang sur 47 pour ce critère. Seuls 24 % des Français se considèrent formés, contre 50 % dans les économies émergentes.

Cette méconnaissance se traduit par une sous-estimation du rôle de l’IA dans des outils du quotidien : 90 % des personnes utilisent les réseaux sociaux, mais près de la moitié ignorent que l’IA en est un moteur clé.

Des inquiétudes marquées sur les impacts négatifs

La France se distingue par une acceptation et une confiance dans l’IA inférieures à la moyenne mondiale. Si 67 % des Français utilisent l’IA régulièrement, ils sont 61 % à l’accepter ou l’approuver (contre 72 % dans le monde). La perception des risques l’emporte sur celle des bénéfices pour 41 % des Français, alors que, mondialement, la balance penche davantage vers les avantages (42 %).

Les Français expriment également, à 81%, de fortes préoccupations sur les effets négatifs liés à l’IA. Et ils sont 41 % à estimer que les risques dépassent les bénéfices. La désinformation générée par l’IA est particulièrement pointée du doigt : 50 % disent y avoir été confrontés, et 87 % réclament des lois pour y faire face.

Un appel à une régulation et à une gouvernance plus stricte

L’étude met en lumière une aspiration croissante à un encadrement plus strict de l’IA, tant au niveau national qu’international. 76 % des personnes interrogées soutiennent une régulation internationale, 69 % une régulation nationale, et 71 % une co-régulation impliquant à la fois les industriels et les autorités publiques.  Du côté des Français, 71 % souhaitent un cadre réglementaire renforcé pour l’IA, et 87 % réclament des lois spécifiques contre la désinformation générée par ces technologies. Pourtant, 92 % des répondants ignorent l’existence de lois sur l’IA en vigueur.

Pratiques professionnelles : entre opportunités et dérives

Au travail, l’IA s’impose, mais son usage reste parfois opaque ou risqué. En France, seuls 39 % des salariés adoptent une démarche critique face à l’IA, et 45 % ne vérifient pas l’exactitude des résultats obtenus. Plus de la moitié (57 %) préfèrent ne pas révéler l’utilisation d’outils d’IA, présentant le contenu généré comme étant le leur.

Enfin, 53 % admettent un usage inapproprié de l’IA, parfois en contradiction avec les règles de l’entreprise, exposant ainsi leur organisation à des risques juridiques ou de cybersécurité.

Ces pratiques soulignent la nécessité de mettre en place des règles d'utilisation claires et d'accompagner les salariés dans l'adoption responsable de l'IA.  

Un enjeu de compétitivité et de société

Les résultats de cette étude soulignent l'urgence pour la France de combler son retard en matière de littératie et de confiance envers l'IA. Pour Damien Allo, membre du directoire de KPMG France, « les pays à économie émergente pourraient bénéficier d’un avantage concurrentiel stratégique à long terme » grâce à une adoption plus rapide et responsable de l’IA.

Pour tirer pleinement parti des opportunités offertes par cette technologie, la formation des talents et la diffusion d’une IA éthique et de confiance apparaissent comme des leviers essentiels pour transformer durablement les modèles économiques et sociaux.

Samorya Wilson