Le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) a publié les résultats de son inspection 2024 de la filiale française de KPMG SA, en date du 26 juin 2025. Le rapport révèle que le bureau français du géant de l'audit a présenté un taux de défaillances de 67% lors de l'inspection 2024, affichant des lacunes significatives dans les procédures d'audit de sociétés cotées.
L’inspection 2024 du PCAOB, réalisée en coopération avec la Haute autorité de l’audit en France, a porté sur trois missions concernant des entreprises cotées. KPMG France était auditeur principal dans deux cas, et intervenant secondaire dans un troisième. Le verdict est sévère : 67 % des audits examinés comportaient des déficiences majeures. Le superviseur américain a précisé que ces lacunes ne signifient pas nécessairement que les états financiers soient erronés, mais elles montrent que les équipes n’avaient pas collecté suffisamment d’éléments probants pour justifier leurs opinions d’audit.
Des lacunes majeures dans l'audit des chiffres d'affaires
La première société contrôlée (désignée comme « Émetteur A ») concentre l'essentiel des critiques. Le PCAOB a identifié pas moins de cinq déficiences distinctes dans l'audit des chiffres d'affaires, un domaine particulièrement sensible pour les investisseurs.
Les inspecteurs reprochent notamment à KPMG de ne pas avoir suffisamment testé les contrôles internes sur la reconnaissance des chiffres d'affaires. L'audit du cabinet n'a pas identifié et testé les contrôles sur l'exactitude et l'exhaustivité des informations utilisées dans le système de facturation, et n'a pas correctement évalué l'impact des défaillances des interfaces entre systèmes informatiques.
Selon le superviseur américain, KPMG n'a pas effectué de procédures substantives suffisantes pour tester certains revenus, se contentant d'examiner les factures clients et de vérifier leur exactitude mathématique, sans approfondir l'analyse.
Défaillances sur l'audit des stocks et des écritures comptables
La seconde société examinée par le PCAOB (« Émetteur B ») révèle d'autres carences significatives. Pour cet audit où KPMG jouait un rôle de co-commissaire, l'équipe n'a pas effectué les procédures substantives nécessaires pour tester l'existence et le coût des stocks, ni évalué si ces derniers étaient comptabilisés au plus bas du coût ou de la valeur nette de réalisation.
Concernant les écritures comptables, domaine à risque de fraude identifié par KPMG elle-même, l'équipe d'audit a exclu certaines écritures de ses tests « sans justification appropriée », selon le rapport du PCAOB.
Le PCAOB pointe notamment des erreurs de méthodologie sur l’audit des revenus. Dans un dossier, les contrôles retenus par KPMG n’assuraient pas la fiabilité des systèmes de facturation et de consolidation des données. Les tests analytiques effectués étaient jugés trop imprécis pour détecter d’éventuelles anomalies.
Dans un autre cas, où KPMG n’était pas auditeur principal, les inspecteurs notent des lacunes dans la vérification des stocks : absence de tests suffisants sur l’existence, la valorisation et la provision pour obsolescence. De plus, l’audit des écritures comptables liées aux risques de fraude a été jugé incomplet, certaines écritures ayant été exclues sans justification.
Un rappel à l’ordre dans un contexte sensible
Avec seulement cinq clients d’audit d’émetteurs en tant qu’auditeur principal, mais une implication dans 26 autres missions en Europe et ailleurs, KPMG France reste sous surveillance étroite. Ces constats interviennent alors que la confiance dans les grands cabinets est régulièrement mise à l’épreuve après plusieurs scandales financiers.
L’audit, censé être un gage de transparence pour les investisseurs, se retrouve une nouvelle fois au centre des critiques. Le PCAOB rappelle ainsi que son objectif n’est pas seulement de sanctionner, mais de pousser les cabinets à renforcer leurs procédures et leur culture de la qualité.
Un périmètre d'activité limité, mais des enjeux importants
KPMG SA France présente un profil particulier avec seulement 5 clients en tant qu'auditeur principal et 26 missions en tant que co-commissaire aux comptes. L'équipe ne compte qu'un seul associé responsable d'audits de sociétés cotées, ce qui explique la taille réduite de l'échantillon inspecté.
Malgré cette taille modeste, les défaillances identifiées soulèvent des questions sur la qualité du contrôle interne du cabinet et sa capacité à appliquer rigoureusement les standards internationaux d'audit.
Aucun problème d'indépendance détecté
Point positif du rapport : il ne relève aucune violation des règles d’indépendance imposées par la SEC et le PCAOB. Toutefois, le régulateur souligne que des insuffisances répétées pourraient traduire un problème plus profond de contrôle qualité au sein du cabinet.
Si KPMG France ne corrige pas ces manquements dans les douze mois, le PCAOB pourra rendre publiques ses critiques sur le système de contrôle qualité du cabinet, ce qui constituerait un nouveau coup dur pour sa réputation.
Conformément à la législation Sarbanes-Oxley, le PCAOB n'a pas rendu publiques ses observations sur le système de contrôle qualité de KPMG France (Partie II du rapport). Le cabinet dispose de 12 mois pour corriger les déficiences identifiées. Faute d'amélioration satisfaisante, ces critiques pourraient être rendues publiques.
Cette inspection s'inscrit dans le cadre du renforcement de la surveillance des grands cabinets d'audit opérant sur les marchés américains, particulièrement après les scandales financiers des années 2000 qui ont conduit à l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley.
Retrouvez le rapport d’inspection de KPMG France ici.
Samorya Wilson
