L'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) vient de publier son premier rapport d'analyse sur l'application des normes européennes de reporting de durabilité (ESRS) par les entreprises pour l'exercice 2024, ce 23 juillet 2025. Ce document révèle un paysage contrasté où les bonnes intentions se heurtent encore aux défis de standardisation.
Premier bilan mitigé de l'application des normes ESRS en 2024 : si les entreprises s'approprient progressivement les nouvelles exigences de transparence environnementale et sociale, d'importantes disparités subsistent dans la qualité et la comparabilité des déclarations. C’est ce qu’il ressort du premier panorama de l’EFRAG qui analyse l’application des Normes Européennes de Reporting de Durabilité (ESRS) par les entreprises, dans le cadre de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive),
Des rapports aux formats très hétérogènes
La première observation frappante concerne l'extrême variabilité des déclarations de durabilité. Avec une longueur moyenne de 115 pages, ces documents oscillent entre 25 et 440 pages selon les entreprises. Seules 25% des déclarations font moins de 70 pages, témoignant d'une approche encore très disparate de l'exercice.
« Le style rédactionnel varie considérablement d'une entreprise à l'autre », note le rapport, certaines optant pour une approche narrative détaillée, d'autres privilégiant un format plus schématique et synthétique.
Malgré cette hétérogénéité formelle, la structure générale reste relativement cohérente, toutes les déclarations suivant l'architecture imposée par les ESRS avec leurs catégories environnementales, sociales et de gouvernance.
Matérialité : convergence sur les grands enjeux
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, les entreprises ne se contentent pas d'appliquer mécaniquement l'ensemble des dix normes thématiques disponibles. Seuls 10% des préparateurs identifient toutes les normes comme matérielles pour leur activité, tandis qu'un quart se limite à quatre normes ou moins. Six normes thématiques apparaissent comme centrales, étant jugées matérielles par au moins 60% des entreprises.
Cette approche sélective fait émerger un socle commun : plus de 90% des entreprises considèrent comme prioritaires trois normes : le changement climatique (E1), la main-d'œuvre propre (S1) et la conduite des affaires (G1). Trois autres normes atteignent également des taux d'adoption significatifs : les consommateurs et utilisateurs finaux (68%), l'économie circulaire (65%) et les travailleurs dans la chaîne de valeur (63%).
À l'inverse, certains sujets restent largement ignorés, moins de 5% des entreprises traitant de la pollution des organismes vivants, des microplastiques ou des droits des peuples autochtones.
Un engagement des parties prenantes à géométrie variable
L'analyse révèle également les limites de l'engagement sociétal des entreprises. Si 97% consultent leurs parties prenantes internes (principalement les employés) et que 60 à 70% impliquent clients, fournisseurs et investisseurs, l'ouverture vers la société civile reste timide.
Seules 33% des entreprises consultent les ONG, 30% les communautés locales, et moins de 20% les syndicats ou le monde académique. Cette priorisation des parties prenantes "business" au détriment des acteurs sociétaux questionne la portée réelle de l'exercice de matérialité.
Climat : des ambitions contrastées selon les périmètres
Sur le volet climatique, les résultats sont en demi-teinte. Si 55% des entreprises affirment disposer d'un plan de transition pour l'atténuation du changement climatique, la qualité et la comparabilité de ces plans restent problématiques.
Plus encourageant : 70% des entreprises s'engagent à limiter le réchauffement sous la barre des 1,5°C pour leurs émissions directes et indirectes (Scope 1 et 2). Cependant, seules 40% étendent cet engagement aux émissions de leur chaîne de valeur (Scope 3), pourtant souvent les plus importantes.
La tarification interne du carbone reste également marginale, adoptée par seulement 20% des entreprises, principalement dans les secteurs minier (60%), électrique (53%) et des transports (32%).
Biodiversité et droits humains : des sujets encore émergents
La biodiversité peine à s'imposer dans les préoccupations, avec seulement 30% des entreprises rapportant des métriques dédiées, et ce, de manière très fragmentée. Les secteurs de la construction et de l'immobilier se montrent plus proactifs (60-64% de divulgation), tandis que des disparités géographiques apparaissent entre la France (49%) et l'Allemagne (23%).
Sur les droits humains, le tableau est paradoxal : plus de 90% des entreprises déclarent respecter les standards de salaire minimum, et 81% rapportent des incidents de discrimination. Mais seulement 5% signalent des violations graves des droits humains dans leurs opérations, soulevant des questions sur la sincérité ou l'exhaustivité de ces déclarations.
Un premier pas vers plus de transparence
Ce premier bilan de l'application des normes ESRS dessine les contours d'un exercice encore en rodage. Si l'effort de structuration et la prise de conscience des enjeux sont réels, la route vers une véritable comparabilité et transparence reste longue.
L'enjeu pour les prochaines années sera de dépasser la simple conformité réglementaire pour atteindre une réelle standardisation des pratiques, condition sine qua non d'une information financière, durable, crédible et utile aux investisseurs et à la société.
Samorya Wilson
L'EFRAG lance le portail de statistiques et de ESRS
L'EFRAG lance le portail de statistiques et de rapports ESRS L'EFRAG a lanée son nouveau portail « État des lieux EFRAG 2025 » : une plateforme interactive présentant les principaux enseignements de sa dernière étude de marché sur la mise en œuvre anticipée des Normes européennes de reporting durable (ESRS) dans le cadre de la CSRD. La plateforme est désormais en ligne et donne accès à un :- Tableau de bord des statistiques, pour explorer les tendances et les mesures globales de 656 déclarations de durabilité publiées en 2025.
- Référentiel de rapports, permettant d’accéder à l’ensemble des 656 déclarations de durabilité ESRS analysées, publiées en 2025 (collectées entre le 1er janvier et le 20 avril).
