La Haute Autorité de l’Audit (H2A) vient de publier son rapport triennal sur le marché du contrôle légal des comptes en France, le 15 juillet dernier. Entre concentration accrue et enjeux de qualité, le secteur du commissariat aux comptes traverse une période de bouleversements notables, avec des conséquences majeures pour la transparence financière et la diversité de l’offre.
Le dernier rapport de la a Haute Autorité de l'Audit (H2A) révèle une concentration croissante du secteur de l’audit, avec une diminution significative de 16,9% du nombre d'entités soumises à l'obligation de commissariat aux comptes entre 2021 et 2024.
Cette baisse, principalement attribuée à la loi Pacte de 2019, a fait passer le nombre d'entités contrôlées de 241.369 à 200.469. Parallèlement, le nombre total de mandats confiés aux commissaires aux comptes a chuté de 16,5%, s'établissant à 210.604 mandats.
Malgré cette contraction, le marché affiche une santé financière robuste avec des honoraires totaux de certification qui ont progressé de 7,9% pour atteindre 2.689 millions d'euros en 2024. Cette augmentation témoigne d'une revalorisation des prestations dans un contexte de raréfaction des mandats.
Une concentration marquée autour de cinq grands réseaux
La concentration du marché s'accentue autour des cinq principaux réseaux d'audit : Deloitte, EY, KPMG, PwC et Forvis Mazars. Ces acteurs majeurs détiennent désormais 26,6% des mandats en 2024, contre 24,8% en 2021, et captent 53,5% des honoraires de certification, soit une progression de 3 points par rapport à 2021.
Cette domination est encore plus marquée sur le segment des entités d'intérêt public (EIP), où les cinq grands réseaux se partagent 88,4% des honoraires. Dans les sociétés cotées, leur présence est quasi-hégémonique : 100% des sociétés du CAC 40 ont au moins un mandat confié à l'un de ces cinq réseaux, et 72,8% des sociétés du SBF 120 leur ont confié leurs deux mandats de co-commissariat.
Une population de commissaires aux comptes en évolution
La profession compte 18.260 commissaires aux comptes inscrits au 31 décembre 2024, répartis entre 11.360 personnes physiques et 6.900 sociétés. Si le nombre global reste stable, la répartition des mandats évolue sensiblement : les personnes physiques détenant des mandats en nom propre ont diminué de 22,9%, tandis que les sociétés de commissariat actives ont reculé de 16,8%.
Cette évolution reflète une professionnalisation accrue du secteur, avec une tendance à la structuration en sociétés plutôt qu'en exercice individuel. Le co-commissariat, qui concerne 5,3% des entités soumises au contrôle légal, représente un facteur de diversification important selon la H2A.
Le segment des entités d'intérêt public particulièrement concentré
Le marché des entités d'intérêt public (EIP) illustre de manière particulièrement frappante cette concentration. Avec seulement 219 commissaires aux comptes détenant des mandats EIP en 2024, ce segment affiche une spécialisation poussée. Malgré une baisse de 10,4% du nombre d'EIP, les honoraires ont progressé de 14%, témoignant d'une montée en gamme des prestations.
Les 1.342 entités d'intérêt public contrôlées génèrent 2.105 mandats, dont 1.532 en co-commissariat. Cette pratique du co-commissariat, spécifique au marché français, constitue selon la H2A "l'une des mesures contribuant à favoriser la diversité de l'offre", permettant à des acteurs de taille plus modeste de participer aux missions les plus prestigieuses.
Des comités d'audit de plus en plus impliqués dans la gouvernance
L'étude révèle également une professionnalisation croissante des comités d'audit des entités d'intérêt public. Avec un taux de réponse de 84% au questionnaire de la H2A, ces instances démontrent leur engagement dans l'amélioration de la qualité des contrôles. Les comités d'audit se composent en moyenne de quatre membres, avec 97% disposant d'au moins un membre compétent en information financière.
Leur rôle s'étend désormais au-delà du seul suivi des travaux de certification : 90% des entités ont désigné des vérificateurs pour certifier les informations de durabilité, et 83% des comités se sont impliqués dans ce processus de désignation. Cette évolution traduit l'adaptation du secteur aux nouveaux enjeux réglementaires européens en matière de reporting extra-financier.
À noter que le rapport de la Haute Autorité de l’Audit sera transmis à la Commission européenne et au CEAOB (Committee of European Audit Oversight Board). En définitive, le document dresse un panorama contrasté d'un secteur en mutation qui devra relever de multiples défis entre concentration, vigilance sur la qualité et ouverture vers de nouveaux enjeux de durabilité afin de maintenir la crédibilité de l’audit en France.
Le rapport complet est consultable ici.
Samorya Wilson
