Selon le dernier baromètre Grant Thornton – OpinionWay de mai 2025, la remontée des droits de douane, notamment américains, impacte lourdement la confiance des PME et ETI françaises. Chute des intentions d’investissement à l’international, perturbations logistiques et inquiétudes croissantes chez les dirigeants : l’incertitude commerciale pèse sur la stratégie des entreprises.
Le 146ᵉ baromètre « Challenges de la confiance dirigeants d’ETI » publié par Grant Thornton et OpinionWay dresse un tableau préoccupant des d'entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 20 millions d'euros. Interrogés entre le 23 avril et le 15 mai 2025, 220 dirigeants d'ETI témoignent de l'impact des annonces américaines relatives aux droits de douane sur leurs business.
Un effondrement de la confiance sans précédent
La confiance dans l'économie mondiale connaît une chute spectaculaire : seuls 36% des dirigeants se déclarent confiants en mai, soit une dégringolade de 24 points par rapport au mois précédent. Cette défiance s'accompagne d'une montée des inquiétudes : 37% des dirigeants se disent désormais « très inquiets », une hausse vertigineuse de 33 points.
L'économie française n'échappe pas à cette vague de pessimisme. Après une reprise encourageante qui avait porté la confiance à 66% en avril, celle-ci s'effondre à 38% en mai (-28 points). Un tiers des dirigeants (33%) se déclare même "très inquiet" concernant les perspectives hexagonales, soit un bond de 32 points. %. Ce repli concerne tous les secteurs, et particulièrement celui des services (-33%). L’industrie/construction et le commerce reculent chacun de 27%, atteignant respectivement 34 % et 40 %.
Cette inquiétude s’inscrit dans un contexte budgétaire tendu : le déficit public pourrait atteindre 5,6% du PIB en 2025. Si la baisse continue des taux d’intérêt, ainsi que la stabilité de l’euro, permettent aux chefs d’entreprise de maintenir leurs projets d’investissement, ils sont particulièrement inquiets des efforts supplémentaires qui pourraient leur être demandés pour réduire ce déficit, conformément aux engagements pris par le gouvernement vis-à-vis de la Commission européenne.
À noter que l’écart entre la cote de confiance pour l’économie française (38%) et celle pour l’économie mondiale (36 %, -24 points) s’établit à 2 points en faveur de la France.
Les tensions géopolitiques en tête des préoccupations
L'analyse des sujets d'inquiétude révèle un basculement majeur des préoccupations. Alors qu'en janvier 2025, les dirigeants se focalisaient sur les enjeux internes français, soit l'instabilité politique (67%) et budgétaire (63%), leurs craintes se tournent désormais massivement vers l'international.
Les tensions géopolitiques internationales arrivent en tête avec 83% des mentions (+45 points par rapport à janvier), suivies du contexte économique international (76%, +36 points). L'instabilité politique française, qui dominait les inquiétudes en début d'année, chute à 42% (-25 points).
Cette réorientation des préoccupations s'explique notamment par la multiplication des foyers de tension : guerre en Ukraine, nouvelles tensions entre l'Inde et le Pakistan, situation à Gaza, sans oublier les décisions "instables et incontrôlées" de Donald Trump, selon l'étude.
Tous les secteurs sont affectés par cette dégradation, avec des reculs particulièrement marqués pour le commerce (-27 points de confiance mondiale) et les services (-26 points). Dans l'économie française, le secteur des services accuse la plus forte baisse (-33 points de confiance).
Trump et les droits de douane : un impact direct sur les entreprises
L’élection de Donald Trump et la perspective de nouvelles hausses de droits de douane américaines ont marqué un tournant dans la perception des dirigeants français. Désormais, 29% d’entre eux expriment leur inquiétude face à la hausse des droits de douane, et 78% craignent un impact sur leurs exportations, même si seuls 4% anticipent un effet « important à très important ».
Face à ces turbulences, les stratégies d'investissement évoluent sensiblement. Une entreprise sur trois a revu ses projets : 27% les ont reportés, 16% réorientés et 6% annulés. Néanmoins, une majorité (63%) maintient ses projets, illustrant des approches différenciées entre repli tactique et maintien des ambitions.
Au final, seuls 24% des dirigeants envisagent de développer leur activité à l'étranger dans les 12 prochains mois, contre 30% en janvier 2025. Cette frilosité s'inscrit dans un contexte où la confiance en l'économie mondiale a chuté de 24 points entre avril et mai.
Chaînes d’approvisionnement sous tension
Les droits de douane ne se limitent pas à l’export : 61% des entreprises interrogées ont constaté des perturbations dans leur chaîne d’approvisionnement. Les principales difficultés concernent :
- La disponibilité des matières premières et composants (41%)
- Les coûts (29%)
- Les délais de livraison (20%)
Ces perturbations forcent les entreprises à revoir leur organisation et à chercher des alternatives, parfois plus coûteuses ou moins efficaces.
L'emploi reste en mode attente
Sur le front de l'emploi, la prudence demeure de mise. Les intentions d'embauche restent faibles : 8% des entreprises envisagent de recruter dans les 6 prochains mois (contre 6% en avril). Cette stabilité relative confirme une tendance prudente installée depuis le début de l'année, avec un solde d'emplois salariés qui se maintient à +4 points.
En définitive, cette 146ᵉ édition du baromètre révèle ainsi un tournant dans les préoccupations des dirigeants d'ETI, désormais confrontés à un environnement international de plus en plus imprévisible qui influe directement sur leurs décisions stratégiques et leurs perspectives de développement.
Samorya Wilson
