Quelques semaines avant le célèbre cru du beaujolais, le nouveau « redressement judiciaire simplifié » est arrivé. Deux décrets parus le 17 octobre 2021 rendent applicables la très attendue « procédure de traitement de sortie de crise ». Décryptage.
Contexte
Le 1er juin 2021, les ministres de l’Economie et de la Justice ont présenté un plan d’accompagnement des entreprises en sortie de crise. Parmi les mesures du plan d’action, figure l’instauration d’une nouvelle procédure collective. L’article 13 de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a ainsi instauré un redressement judiciaire « Covid » d’une brève durée de trois mois. L’un des deux décrets parus le 17 octobre précise les seuils applicables. Cette procédure s’adresse aux TPE en état de cessation des paiements, de moins de vingt salariés et ayant un total de passif de trois millions d’euros hors capitaux propres. Le critère relatif au bilan s’apprécie à la date de clôture du dernier exercice comptable. Le nombre de salariés à prendre en compte est celui à la date de la demande d’ouverture de la procédure.
Particularités
La procédure de traitement de sortie de crise s’appliquera de façon temporaire aux demandes d’ouverture formulées entre le 18 octobre 2021 et le 1er juin 2023. L’une des autres spécificités réside dans l’intervention d’un seul professionnel de l’insolvabilité, qualifié de mandataire. Dans certains cas particuliers (accroissement du BFR lié au redémarrage de l’activité, problématique de stocks), cette procédure permettra aux TPE en difficulté de bénéficier d’un moratoire de leurs dettes dans le cadre d’un plan d’apurement judiciairement accordé, dont les échéances seront d’une durée maximale de dix ans comme en sauvegarde ou en redressement judiciaire. Le montant des annuités prévues par le plan d’apurement à compter de la troisième année ne pourra toutefois pas être inférieur à 8 % du passif.
Remboursement de PGE
Compte tenu de la brutalité de la crise, les TPE les plus fragiles, qui ne pourront pas assurer le remboursement de leurs échéances de PGE, auront la faculté de solliciter du tribunal l’ouverture de cette nouvelle procédure collective. Cette procédure nouvelle est en effet mentionnée au sein de l’article 6 de l’arrêté du 23 mars 2020. Les banques ayant prêté à des entreprises qui se placeront dans ce cadre judiciaire ne perdront donc pas la garantie de l’Etat en cas d’arrêté d’un plan dont la durée excède celle du PGE, normalement limitée à six ans. Ces dispositions opportunes permettront en parallèle aux entreprises les plus fragiles d’éviter de devoir supporter des échéances de remboursement trop importantes dans le cadre du plan.
Rôle des conseils de l’entreprise et succès de la procédure
Reste à savoir si cette cuvée 2021 du redressement trouvera son public. Les entreprises qui entreront dans cette procédure devront avoir préparé en amont le plan d’apurement par exemple au cours d’une procédure de prévention amiable (mandat ad hoc ou conciliation). Les conseils habituels de l’entreprise (avocats, experts-comptables) devront s’approprier ce nouvel outil et auront un rôle déterminant dans le futur succès ou l’éventuel échec de cette nouvelle procédure.
Rappelons enfin que l’instauration de la procédure de traitement de sortie de crise intervient en parallèle d’une réforme importante du droit des entreprises en difficulté consécutive à l’ordonnance du 15 septembre 2021, entrée en vigueur le 1er octobre. Les nombreux outils déjà existants (sauvegarde, sauvegarde accélérée, redressement judiciaire, etc.) limiteront peut-être la portée effective de la procédure de traitement de sortie de crise. Verdict en 2023.
Olivier Buisine, Président de l'IFPPC (Institut français des praticiens des procédures collectives)