Le plus dangereux pour les entreprises pendant cette crise du coronavirus serait de paniquer. Pour étudier la situation avec objectivité et réalisme, elles doivent prendre du recul, s'appuyer sur leur expert-comptable et utiliser si nécessaire les facilités accordées par les banques. Les Associés de Walter France donnent la méthodologie à adopter et Patrice Bégay, Directeur exécutif de la communication de Bpifrance, assure les entreprises du soutien total de cette banque d'Etat.
Salariés et fournisseurs à payer, échéances à honorer, réduire la voilure sans tout casser, demander un prêt ou pas : il n'est pas facile pour un dirigeant de TPE-PME de savoir quelles sont les bonnes décisions. Pour Pascal Ferron, Vice-Président de Walter France : « Notre première mission en cette période agitée est de faire en sorte que nos clients ne paniquent pas et ne se précipitent pas. Nous les aidons à analyser objectivement leur situation et leurs besoins pour qu'ils puissent passer ce cap le moins mal possible. »
Rassembler les données, les analyser, faire plusieurs scénarios
Les entreprises doivent commencer par identifier leurs charges fixes : salaires, achats, impôts et charges sociales, loyers, etc. Si elles ne l'ont pas déjà fait, elles doivent construire un tableau de suivi de trésorerie. Ce document est incontournable pour pouvoir faire des projections. Ce sont les dirigeants qui doivent le construire, l'expert-comptable intervenant ensuite pour le compléter et le rectifier. Ce document est systématiquement demandé par les banques. « Mais il ne suffit pas » indique Michel Gire, Vice-Président de Walter France. « Je conseille aux dirigeants d'établir également un budget pour 2020 et un budget pour 2021, selon leur perception de la situation dans leur secteur d'activité puis, dans un deuxième temps, d'envisager le pire et d'établir un budget dégradé. C'est-à-dire faire un stress-test. » Ce n'est pas parce qu'une entreprise a de la trésorerie aujourd'hui qu'elle en aura dans trois ou quatre mois. Personne à ce jour ne peut connaître le rythme de la reprise... Il faut anticiper les besoins en cash.
Lister les aides, contacter son expert-comptable, faire preuve de civisme
Si certaines décisions sont relativement évidentes, comme le recours au chômage partiel pour les entreprises qui ne peuvent absolument pas continuer leur activité, la mise en pratique l'est moins. En effet, si le secteur du BTP est familier de cette pratique, 90 % des PME n'y avaient jamais eu recours. Les experts-comptables ont été très fortement sollicités pour ouvrir un compte sur le site de la Direccte, expliquer les raisons de la demande puis saisir les salariés concernés, les heures, etc.
Pour les impôts et les charges dus, certaines entreprises n'ont pas eu d'autre choix que d'utiliser la possibilité qui leur était donnée de les reporter. Mais les experts-comptables peuvent également conseiller à leurs clients de les payer si la trésorerie le permet, car les reporter signifie peser sur la trésorerie future.
La règle d'or : payer ses fournisseurs. Les aides de l'Etat sont faites pour cela : éviter la rupture de la chaîne de paiement. Ensuite, il ne faut solliciter les aides que lorsque l'on en a véritablement besoin. C'est une question de civisme et de bon sens. Pas question d'être opportuniste : les aides doivent bénéficier aux entreprises qui en ont réellement besoin.
Les experts-comptables, un relais d'information vital
La multitude d'informations reçues est considérable, elles sont parfois contradictoires, floues et changeantes. Xavier Lafont, Associé Walter France, envoie chaque semaine une feuille de route à ses clients : « Plutôt que de diffuser les informations brutes, nous avons fait le choix d'envoyer chaque semaine à nos clients les priorités d'actions qu'ils doivent mettre en œuvre. Ensuite, nos collaborateurs appellent tous leurs clients tous les deux jours, pour s'assurer qu'ils ont compris la feuille de route et vérifier qu'ils ont engagé les actions nécessaires. Lors de ces contacts, nous prenons d'ailleurs souvent la main pour effectuer les démarches. » Il va sans dire que les entreprises apprécient beaucoup cet accompagnement proactif. « Nous sommes pleinement reconnus dans notre rôle de conseiller proche de nos clients, toujours à leurs côtés, aussi et surtout dans les moments difficiles. »
Utiliser le prêt garanti par l'Etat
Solliciter un prêt PGE (prêt garanti par l'Etat) est le plus souvent la bonne solution, dans le sens où les conditions annoncées sont particulièrement intéressantes. Ce prêt est garanti à 90 % par Bpifrance. Selon Patrice Bégay, Directeur exécutif de la communication de Bpifrance : « Le plan de soutien présente un certain nombre de mesures comme la prolongation des garanties classiques des crédits d'investissement ou le réaménagement des crédits moyen et long termes pour les clients Bpifrance. Le mot d'ordre est de créer le pont aérien de cash vers les entreprises. » Les quatre valeurs essentielles de Bpifrance : proximité, simplicité, volonté, optimisme, prennent tout leur sens aujourd'hui ainsi que le slogan « Servir l'avenir ». Patrice Bégay poursuit : « Entrepreneurs, on ne vous lâchera pas, contractez dans votre banque le prêt garanti par l'Etat, il peut représenter le quart de votre chiffre d'affaires. Il suffit de vous renseigner auprès de votre banque ou de bpifrance.fr. »
Pour rappel : l'entreprise peut faire appel à une ou plusieurs banques, même s'il n'y aura jusqu'à fin avril qu'un seul avis de garantie Bpifrance, l'important étant que le total du prêt n'excède pas 25 % du chiffre d'affaires ou deux ans de masse salariale pour les entreprises en création ou innovantes. Personne ne pouvant prédire le temps du confinement, ni la manière dont se déroulera le redémarrage, mieux vaut, pour ce prêt, prévoir le plus large possible. Le prêt peut être sollicité jusqu'au 31 décembre 2020. Et si l'entreprise utilise cette possibilité et s'aperçoit ensuite qu'elle n'en a pas eu besoin, elle pourra le rembourser en fin d'année par anticipation sans pénalité.
La banque, qui prend un risque sur les 10 % restants (non garantis par Bpifrance), demande des éléments pour justifier ce prêt : prévoir de fournir le dernier bilan et un tableau de trésorerie. Bpifrance prend une commission de garantie qui sera refacturée à hauteur de 0,25 % pour les PME de moins de 250 salariés ou avec un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Soyez ferme vis-à-vis de votre banquier : si vous êtes une PME, votre banque ne peut pas vous demander d'autres garanties !
Patrice Bégay affirme que « toutes les équipes de Bpifrance sont mobilisées, c'est l'union sacrée ».
Prêt bancaire : les entreprises ne sont pas toutes logées à la même enseigne
Selon Mathieu Orosco, Associé Walter France : « Les demandes des banques sont encore relativement hétérogènes : certaines se fondent sur l'équivalent de deux mois de salaires, d'autres sur deux mois de fonctionnement, ou trois mois, d'autres encore demandent un tableau de trésorerie complet, ou seulement les charges fixes... Peu à peu, les pratiques s'alignent. Mais bien sûr, les banques conservent leurs exigences : il faut pouvoir prouver qu'on va pouvoir rembourser ! »
Trois catégories d'entreprises peuvent être identifiées :
- les entreprises qui avaient déjà des difficultés avant la crise du Covid-19, avec des fonds propres dégradés. Celles-ci ne s'en sortiront pas de cette manière et ont de fortes chances de ne pas obtenir de prêt ;
- celles qui étaient un peu juste et qui ont par conséquent du mal à obtenir un nouveau prêt, car leur capacité d'autofinancement est la plupart du temps déjà utilisée par des prêts en cours ;
- celles qui ont de la trésorerie, mais qui veulent emprunter pour « voir venir ». Celles-ci n'ont aucun problème pour obtenir leur prêt.
Attention, car certains banquiers en profitent pour tenter de vendre des assurances invalidité, décès ou autres...
Nul doute que la pugnacité des entrepreneurs, la disponibilité des banquiers et le professionnalisme des experts-comptables permettront à la majorité des entreprises de survivre à cette période de chaos.