Rencontre avec Camille Boivin le nouveau président du CRCC Paris qui nous expose les chantiers qu’ils comptent engager au service des CAC.
LMC : Comment abordez-vous votre mandat à la tête de la CRCC de Paris et quelles sont vos priorités ?
Camille Boivin : Selon moi, la CRCC doit être une institution de proximité au service des commissaires aux comptes. Dès le début, je me suis demandé ce qu’un commissaire aux comptes peut attendre d’une institution comme la nôtre. J’ai défini trois axes principaux : la formation, le développement d’activités, et le recrutement. Je résume cela par : technique, business et recrutement. Pour atteindre ces objectifs, nous devons répondre rapidement aux besoins des commissaires aux comptes et les accompagner efficacement dans leur développement.
LMC : Quelles actions envisagez-vous de mettre en place pour améliorer les pratiques de vos paires ?
C.B. : Mon ambition est que mes confrères gagnent en compétences et maintiennent leur niveau d'expertise. Dans un premier temps, nous allons conserver nos événements clés, comme la formation annuelle sur l’actualité et les universités d’été qui rassemblent jusqu’à 6 000 participants. Mais nous comptons déployer de nouveaux cycles de formation, par exemple sur la prévention des difficultés des entreprises, en réponse à l'augmentation des dépôts de bilan qui s’annoncent. Nous prévoyons aussi d’aborder des thèmes d’avenir comme l’intelligence artificielle ou la directive CSRD (*).
LMC : L’application de la directive CSRD ne demande-t-elle pas une formation accrue, au regard de sa technicité ?
C.B. : Oui, nous devons soutenir les CAC dans la gestion des nouvelles obligations liées à la CSRD. Ainsi, nous prévoyons d’élaborer des formations spécialement dédiées à l’obtention du visa de durabilité, nécessaire pour signer les rapports de durabilité des entreprises, avant le 31 décembre 2025. Nous comptons aussi œuvrer pour la simplification du processus pour les professionnels déjà en exercice, sans nécessité de stage ou d'épreuve écrite supplémentaire.
Nous allons aussi engager des actions de sensibilisation aux enjeux de la durabilité à travers des supports pédagogiques, comme des vidéos explicatives. Cela servira à exposer les raisons pour lesquelles il convient de s'engager dans cette nouvelle mission car elle est stratégique pour le développement de l'activité des cabinets. Nous fournirons également aux CAC des lettres de mission adaptées et des exemples pour faciliter la mise en œuvre des nouvelles obligations liées à la CSRD.
LMC : Quelles seront vos démarches en faveur du recrutement qui reste un enjeu majeur de la profession ?
C.B. : Je compte poursuivre les actions déjà entreprises pour attirer les nouveaux diplômés comme le dispositif « Make it Easy » qui consiste à octroyer des bourses pour aider financièrement les étudiants méritants, dès le post-bac. Nous organisons aussi des événements festifs et pédagogiques, comme notre jeu concours annuel «AuditParty » en lien avec l’OEC Paris IDF, afin de sensibiliser les étudiants de licence et master à l’intérêt du métier.
Nous souhaitons montrer aux futurs candidats que la profession est moderne et que les cabinets indépendants offrent des carrières enrichissantes, souvent plus variées et autonomes que dans les grands groupes.
LMC : Justement, la modernisation de la profession passe-t-elle par une utilisation significative de l’IA ?
C.B. : Oui, l’IA prend de l’ampleur dans la profession. Nous allons donc préparer davantage nos membres à utiliser ces technologies de manière efficace dans leur pratique quotidienne.
Nous sommes aussi en train de mettre en place un cycle de formation dédié à l’IA et aux outils d’analyse de données, notamment les nouvelles applications d'aide à l'audit utilisant l'IA. Nous espérons convaincre les CAC des possibilités offertes par l'IA pour améliorer la productivité et la qualité des audits. À terme, il serait opportun d’effectuer des tests d’évaluation de ces produits pour guider les choix des commissaires aux comptes.
Je pense que l’utilisation de l'IA reste un sujet d'intérêt pour attirer les jeunes "geeks" vers la profession, en montrant les aspects modernes et technologiques du métier.
LMC : Au final comment allez-vous aider les CAC à développer leur activité, particulièrement les indépendants ?
C.B. : Nous allons accompagner nos confrères dans leur développement en leur fournissant des outils adaptés pour faciliter leur travail et explorer le secteur non marchand, qui représente une part croissante de notre activité.
Par ailleurs, nous défendons des spécificités comme le co-commissariat. Car cela améliore la qualité des audits et permet aux cabinets intermédiaires de se positionner face aux grands groupes, sachant que le relèvement des seuils (*) récemment décidé par les pouvoirs publics, impacte lourdement les petits cabinets.
Nous travaillons enfin à maintenir une gouvernance équilibrée au sein des instances nationales, pour éviter que les grands cabinets monopolisent les décisions.
Propos recueillis par Samorya Wilson
(*) Corporate Sustainability Reporting Directive (Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises)
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32022L2464