Claude Robin est à la tête du groupe Amarris, une entreprise tentaculaire spécialisée en comptabilité, paie et fiscalité, qui rassemble plus de 550 personnes et génère un chiffre d’affaires de plus de 37 millions d’euros. Rencontre avec un self-made-man qui, depuis plus de 25 ans, bouscule non sans plaisir les codes d’une profession parfois engoncée dans ses traditions.
Dans le monde feutré de l’expertise comptable, Amarris détonne. Depuis sa création à Guérande en 1999, l’entreprise et son fondateur Claude Robin, se jouent d’un environnement complexe empreint de formalisme, aux règles strictes et où la filiation paternelle est le plus souvent de mise. Mais de ce terrain de jeu qui en aurait fait fuir plus d’un, ce fils d’ouvrier et de femme au foyer, lui, n’y a vu que des opportunités de marché. Plus qu’un cabinet d’expertise comptable, Claude Robin souhaite aller plus loin. En 2005, il part en quête d’une plateforme offrant une meilleure communication client et un transfert simplifié de toutes les pièces justificatives… Mais il fait chou blanc : « Aucun éditeur ne commercialisait ce type d’outil et notre éditeur métier ne proposait qu’une solution peu aboutie qui coûtait très cher ». Et c’est ainsi, qu’Amarris créé en 2005 la toute première plateforme d’échange de données entre le cabinet et ses clients, une Dropbox avant l’heure.
Intuition et audace
« Le marché est fermé ? Ouvrons-le ! C’est un marché de proximité ? Digitalisons une partie de notre offre et adressons tout le marché français ! » Et c’est ainsi que le premier modèle d’offre de comptabilité en ligne a vu le jour dès 2008, sous la forme d’ECL Direct (devenu par la suite Amarris Direct). Un changement de paradigme important pour l’époque et pour ce marché réglementé et monopolistique. Deux ans plus tard, il constate qu’il n’existait pas de logiciel adapté aux TPE, s’adressant aux non comptables. Il créée ainsi Fizen, une plateforme qui repose sur les flux bancaires qui deviendra l’outil de pilotage de plus de 5000 clients. Un pari osé aussi mais qui s’est très vite révélé gagnant pour ce tout jeune entrepreneur.
En 2013, une rencontre avec un commercialisateur de biens immobiliers en location meublée fait prendre conscience à Claude Robin qu’il existe un marché exponentiel et mal exploité par les experts-comptables. Une nouvelle opportunité que Claude Robin s’empresse de saisir : « Nous avons créé Amarris Immo sous l’impulsion initiale de cette entreprise en recherche d’un accompagnement pour gérer les centaines de clients LMNP (loueur en meublé non professionnel) qu’il nous apportait. Nous avons uni les expertises de nos collaborateurs pour forger un service clé en main, adapté aux besoins spécifiques des investisseurs immobiliers. Ensuite, nous avons multiplié les canaux d’acquisition et élargi nos offres » Aujourd’hui, le succès est tel que c’est devenu la première ligne de revenus du groupe et qu’Amarris Immo se classe dans le top 3 des solutions sur le marché du meublé avec plus de 25.000 biens gérés.
Touche pas à la paye (TPLP) complète la constellation des marques du groupe, avec une offre d’externalisation des bulletins de paie. « Sur ce marché de l’externalisation de la paie qui croit chaque année en moyenne de 15%, nous souhaitons devenir un acteur de référence. Nous gérons chaque mois près de 20.000 bulletins de paie » précise Claude Robin.
Cette stratégie de diversification de son offre de services permet au groupe d’adresser finement 30.000 clients aux typologies et besoins différents. Et le groupe ne compte pas s’arrêter là comme l’explique son président : « Deux nouvelles enseignes verront le jour en 2024 pour accompagner de nouvelles cibles de professionnels aux besoins très spécifiques ». Affaire à suivre.
Stratégie et croissance
Aujourd’hui, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 37 millions d’euros, avec une croissance moyenne de 20% par an. Si l’aventure a démarré à Guérande, Amarris a essaimé au grès des rencontres et des opportunités rencontrées sur le chemin. Ainsi l’entreprise emploie aujourd’hui 550 personnes en France (15 sites dont le siège à Nantes), Belgique, Roumanie et Ile Maurice.
Si Amarris a su faire évoluer son offre de services en fonction des opportunités de marché, l’entreprise a aussi pu compter sur le succès de croissances externes réussies. C’est comme cela que le groupe s’est développé en Belgique où il compte maintenant 5 bureaux et 80 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros. « Le sens de notre présence en Belgique est de faire de ce territoire cousin, un véritable relais de croissance. » détaille le fondateur.
En 2023, Amarris alors sponsor d’un équipage à la voile, décide de racheter un cabinet d’expertise comptable basé à Lorient, non loin du bateau. Claude Robin témoigne : « Lorient est l’un des principaux pôles d’activité autour de la course au large et il était essentiel pour nous de nous y implanter évidemment dans le cadre de notre plan voile, mais aussi sur le volet économique, avec le renforcement de nos services d’expertise comptable. »
En 2024, c’est à Bordeaux que le groupe décide de poser ses valises avec le rachat d’un cabinet d’expertise comptable porté par Myriam Jarnigon et une équipe de 10 personnes. Claude Robin : « Cette collaboration est importante sous tous ses aspects : partage des valeurs fondamentales, nouvelle présence géographique qui renforce nos implantations déjà existantes dans le sud avec Montpellier et Toulon, cabinet spécialisé dans les professionnels de santé. Nous aimons les métiers de niche chez Amarris et ce fut un atout déterminant. »
Jeu de miroir
Amarris est à l’image de son fondateur. Ce fou de sport, qui a bouclé 15 marathons et demeure un passionné de voile, a fait d’Amarris le sponsor principal d’un Class 40, avec son skipper Achille Nebout. Une aventure qui s’annonce déjà payante puisque le marin s’est distingué en 2023 avec son co-skipper Gildas Mahé en décrochant une deuxième place très convoitée au terme d’une course épique sur la mythique Transat Jacques Vabre. Un podium qui vient confirmer un palmarès déjà prometteur.
L’esprit libre du quinquagénaire rejaillit également sur la culture de l’entreprise, comme en témoigne la raison d’être d’Amarris, édifiée il y a peu et inscrite au cœur de sa stratégie : « Nous sommes une bande de 550 bousculateurs qui façonne ensemble depuis 25 ans une expérience de comptabilité, de paie et de fiscalité pragmatique et responsable au service des entrepreneurs et des investisseurs immobiliers. » La communication engagée par Amarris est elle aussi détonante et disruptive. Elle s’amuse à casser les codes de la profession et à démonter l’image ringarde du comptable. Et qui de mieux placé que Claude Robin pour incarner le rôle du comptable des années 80 ?
La famille occupe également une place centrale dans les grandes et les petites décisions de l’entrepreneur comme il l’explique dans son autobiographie Itinéraire d’un entrepreneur bousculateur d’ordre établi : « Cette aventure s’est construite à deux avec Nathalie, mon épouse (…) Elle m’a toujours soutenu dans toutes mes décisions, même si parfois elles étaient risquées. » Un esprit de famille qui rejaillit aussi sur Amarris : « Avec nos collaborateurs, nous partageons des valeurs, un savoir-faire, une histoire et un quotidien. Ce sont plus de 500 familles qui sont liées à Amarris et je suis fier de compter toujours dans nos effectifs notre toute première employée, arrivée chez Amarris en 2000. »
Le dirigeant se plait en outre à rappeler que « les petits chefs n’ont pas leur place chez Amarris ». L’entreprise, qui prône un management bienveillant et une vision décontractée du métier de comptable, se distingue sur son marché en offrant à ses collaborateurs des avantages rares dans la profession : la semaine de 4,5 jours, le télétravail libre (10% des effectifs sont d’ailleurs en 100% télétravail) ou encore le don de deux jours par collaborateur et par an au profit d’une association.
Enfin, pour piloter le développement d’Amarris -de la vision à la mise en œuvre- Claude Robin s’est entouré de huit collaborateurs clés au sein d’un comité de direction, dans lequel figure également Cédric Gaborit, directeur général d’Amarris depuis 2013.
S’il y a fort à parier que de nouveaux projets trotte déjà dans la tête de l’entrepreneur, il garde la tête froide : « Nous tirons aujourd’hui notre force de notre agilité, de la prise de décision jusqu’à la capacité d’exécution, mais nous sommes également engagés dans une démarche d’amélioration continue afin de faire évoluer constamment nos produits et services pour faire face aux nouveaux enjeux du marché.»