Mieux vaut vendre son fonds de commerce que les parts sociales

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La loi de finances 2022, pour sauver les transmissions d’entreprises lors de la crise du Covid, a offert aux entreprises la possibilité de déduire de leur résultat imposable l’amortissement du fonds de commerce. Mohammad Patel, associé Walter France, explique l’intérêt de cette mesure et les précautions à prendre.

Avant la loi de finances 2022, qu’un repreneur achète les parts sociales ou uniquement le fonds de commerce, la règle était identique : il était impossible d’amortir fiscalement le fonds.

Aujourd’hui, s’il rachète les parts, il ne peut toujours rien déduire. En revanche, en rachetant uniquement le fonds de commerce, le fait de pouvoir l’amortir sur dix ans va, mécaniquement, faire baisser son résultat et par voie de conséquence son impôt sur les sociétés. En prenant l’exemple d’un fonds de commerce acheté un million d’euros, le gain fiscal peut atteindre 250 000 euros.

Attention toutefois, pour bénéficier de cette mesure, l’entreprise doit être au-dessous de deux des trois seuils suivants : 6 millions d’euros de total du bilan, 12 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés.

Une mesure qui s’arrêtera en décembre 2025

Il s’agit d’un dispositif temporaire qui doit s’arrêter en décembre 2025. Il a motivé certains cédants à anticiper la vente de leur fonds de commerce pour optimiser le prix de la vente. Certains experts pensent que ledit dispositif pourrait être transformé en mesure définitive. Affaire à suivre...

Pouvoir acheter malgré la hausse des taux

Lorsque le législateur a ouvert la possibilité d’amortir les fonds de commerce, il ne savait pas que, deux ans plus tard, les taux d’intérêt allaient fortement augmenter. Aujourd’hui, cette mesure permet de faire face à cette hausse. En prenant le même exemple d’un fonds de commerce acheté un million d’euros, le surcoût total lié à l’augmentation des taux d’intérêt sur une base de 1,5 % à 4 % s’élève à près de 95 000 euros, pour une économie fiscale liée à l’amortissement du fonds de 250 000 euros.

Le vendeur, quant à lui, a souvent intérêt à vendre les parts sociales dont le régime de plus-value est généralement plus favorable, notamment si les parts sont détenues par une holding.

Pour que le vendeur et le repreneur y trouvent chacun leur compte, ils pourraient s’accorder sur le fait que le vendeur vende son fonds, et pas les parts sociales, mais plus cher... Le risque est donc de créer de l’inflation sur les cessions de fonds.

Attention à prendre en compte tous les impacts de cet « effet d’aubaine »

- L’acheteur devra prendre soin de décomposer les éléments qui peuvent être amortis des autres éléments d’actif qui ne le peuvent pas. Par exemple les brevets, les licences et le droit au bail, entre autres, sont exclus de ce dispositif temporaire. La précision s’impose pour que l’administration fiscale ne puisse pas contester l’amortissement.

- Le fait d’amortir est certes intéressant en termes de trésorerie, mais comptablement, cela conduit à réduire le résultat, voire à le rendre déficitaire. Impossible dans ce cas de distribuer des dividendes. Par ailleurs, les banques refuseront le financement de la reprise, et ce même si l’opération est économiquement viable.

- Si le prix d’acquisition a été élevé à cause de l’économie fiscale liée à l’amortissement du fonds, à la fin de la période d’amortissement, la valeur du fonds pourrait baisser. Or, les banques prennent souvent le fonds en garantie lors d’un prêt. Pour que cette garantie soit tangible auprès des banques, la valeur du fonds doit être cohérente avec la valeur future du fonds sans amortissement.

- En termes de fiscalité, si le repreneur achète le fonds un million d’euros sans amortissement, et qu’il le revend le même montant dix ans plus tard, il ne paiera pas de plus-value. En revanche, s’il amortit, et qu’il vend le fonds au bout des dix ans, la plus-value s’élèvera à 250 000 euros. Dans ce cas, il bénéficie d’un simple différé de paiement de l’impôt et non pas d’une économie réelle.

Sauf, bien sûr, s’il peut vendre les parts sociales de la société et pas son fonds de commerce. En effet, une holding qui cède ses titres de participation est soumise au régime spécial d'imposition des plus-values à long terme : l'impôt sur les sociétés s'applique uniquement sur 12 % du montant total de la plus-value, soit un taux d’imposition effectif de 3 %. Auquel cas, il est gagnant sur toute la ligne !

Toutefois le futur acheteur pourrait fort bien ne pas accepter. En effet, le remboursement de l’emprunt existant de cette société consomme souvent l’essentiel de la trésorerie générée par l’activité ; et la distribution de dividendes à l’associé pour lui permettre de payer son emprunt contracté pour l’acquisition des parts est limité faute d’avoir du résultat distribuable du fait de l’impact sur le résultat comptable de l’amortissement du fonds.

- Dernière mise en garde : il n’est pas possible de se vendre à soi-même et d’utiliser cette mesure d’amortissement en faisant racheter le fonds de commerce par une autre société possédée par la même personne.

L’exonération de la plus-value de cession pour les « petits » fonds reste d’actualité

Cet « effet d’aubaine » pour l'acquéreur se rajoute à une autre mesure préexistante et non limitée dans le temps au bénéfice du vendeur : l'exonération de la plus-value de cession pour les petits fonds de commerce. Cette mesure a été significativement renforcée par la loi de finances 2022. Rappelons que l'exonération est totale pour un prix de vente n'excédant pas 500 000 euros et partielle jusqu'à 1 000 000 euros, ou si le dirigeant part à la retraite dans la limite d'un prix de cession de 500 000 euros. L’activité doit notamment avoir été exercée depuis au moins cinq ans ; et la vente à soi-même est toujours proscrite.