À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse les métiers de l’audit et du chiffre, Xavier Niffle, associé chargé de l’innovation chez KPMG France, nous explique comment le cabinet déploie des outils d’IA au service de la performance, de la conformité et de la souveraineté numérique. Rencontre avec un acteur engagé dans la transformation de son métier.
L’Expert. Pouvez-vous vous nous présenter votre parcours et votre mission chez KPMG ?
Xavier Niffle. Je suis associé, chargé de l’innovation et de la transformation digitale et technologique de l’audit. Concrètement, cela consiste à proposer à nos clients des approches d’audit leur apportant un regard nouveau sur leur communication financière et extra-financière, et à nos professionnels des méthodes de travail totalement renouvelées, qui s’appuient massivement sur l’IA. Ainsi, je pilote une équipe de 100 data analysts consacrée à nos clients français. Cela nous permet d’offrir une expérience d’audit enrichie à l’ensemble de nos clients, de la start-up aux grands comptes.
Au-delà, j’accompagne en tant que commissaire aux comptes de grands groupes internationaux, notamment des acteurs de la Tech. Pour moi, cette proximité avec le terrain est essentielle pour capter les tendances émergentes, les nouveaux enjeux et attentes des entreprises.
Comment le cabinet aborde-t-il la montée en puissance de l’intelligence artificielle dans le secteur ?
X.N. : Nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans la transformation digitale, bien avant l’arrivée de ChatGPT en novembre 2022. Personnellement, cela fait vingt ans que j’œuvre chez KPMG, et j’ai vécu la formidable transformation de notre métier qui a évolué d’un univers très manuel vers un environnement largement digitalisé. Cette révolution s’est faite au rythme de la transformation digitale de nos clients, facilitant l’accès à des données de qualité.
Après avoir tiré le meilleur parti des technologies d’automatisation (Robotic Process Automation) et d’analyses de données en masse (data analytics), nous avons mis le cap sur l’intégration de l’IA dans chacune des étapes de notre approche d’audit. Aujourd’hui, l’IA est pleinement opérationnelle pour l’ensemble de nos équipes, pas seulement quelques équipes pilotes. Et l’IA continue d’évoluer très rapidement : il y a un an, on ne parlait que de chatbots conversationnels comme ChatGPT, puis il y a six mois, on est passé aux agents IA pour des cas d’usage spécifiques. Actuellement, nos data scientists travaillent sur des systèmes agentiques, plus complexes, qui font interagir plusieurs agents dans l’optique d’être encore plus performants.
À cela s’ajoute un plan d’accompagnement ambitieux pour nos professionnels, afin de favoriser l’adoption de l’IA, en formant nos 7 200 talents en France, quel que soit leur métier : audit, conseil et expertise juridique et fiscale.
Comment l’IA transforme-t-elle le métier d’audit ?
X.N. : Toutes nos équipes d’audit en France, soit 3 200 personnes, utilisent aujourd’hui des outils basés sur l’IA. Pour vous donner un exemple concret : nous sommes capables d’analyser toutes les transactions comptables de nos clients, en les passant au scanner via une quarantaine de points de contrôle, et d’identifier les transactions présentant un comportement atypique. Par exemple, si le ticket moyen d’un supermarché est de 100 euros et qu’une transaction s’élève à 1 000 euros, cela attirera automatiquement notre attention. Pour les grandes entreprises soumises à des délais de clôture rapide (dit fast close), l’IA permet d’identifier les écritures comptabilisées tardivement par rapport aux procédures internes. Avec cette technologie, le regard de nos professionnels se concentre sur des anomalies potentielles, qu’elles soient liées à des erreurs ou des fraudes.
Face à cette automatisation accrue, vos équipes ne craignent-elles pas d’être remplacées par l’IA ?
X.N. : Au contraire, nous n’avons jamais autant recruté en audit que cette année ! Si l’IA promet une automatisation des tâches les plus chronophages, la valeur de l’audit repose avant tout sur l’expertise humaine, le jugement professionnel et l’interprétation des résultats. C’est pourquoi nous avons besoin de profils hybrides, issus d’écoles mêlant finance et data, capables de comprendre à la fois l’entreprise et le monde de la donnée. Nous investissons également dans la formation continue de nos équipes, notamment pour les acculturer aux systèmes agentiques, qui représentent le prochain bond technologique dans l’audit. En pratique, le métier évolue, il devient plus riche et plus passionnant !
Comment KPMG se positionne-t-il face aux investissements massifs dans l’IA annoncés par les autres Big Four ?
X.N. : Parce que nous croyons pleinement aux bénéfices de l’IA pour tous nos métiers, KPMG a annoncé un plan d’investissement mondial de 5 milliards sur quatre ans consacrés à l’IA. Cela permet notamment à notre « communauté innovation » française de développer des solutions sur mesure pour répondre aux enjeux spécifiques des entreprises. Résultat : avec mon équipe de data analysts, nous avons produit cette année près de 50 000 livrables digitaux pour que les audits de l’ensemble de nos clients, de la start-up aux grands groupes, soit plus performants et pertinents [...]
Propos recueillis par Samorya Wilson
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