Frédéric Thienpont, juriste fiscaliste et directeur associé chez GMBA Baker Tilly, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre sur la loi de finances pour 2018. Il nous livre ainsi un « Palmarès » des trois dispositions phares pour les experts-comptables, les entreprises et les particuliers.
Quelles sont selon vous les trois mesures principales, portées par la loi de finances pour 2018, qui intéressent l’activité des experts-comptables ?
La première mesure à relever de mon point de vue est la question des logiciels de caisse. Nous attendons des précisions sur ce point pour satisfaire les attentes de nos clients. Cette mesure est importante. Elle a été mise en place par la loi de finances pour 2016 mais est effective depuis le 1er janvier 2018. Certaines entreprises doivent s’équiper de logiciels de caisse certifiés, insusceptibles de faire l’objet de modifications. Sont concernés un certain nombre d’assujettis à la TVA qui travaillent en « B to C ». L’objectif est de lutter contre la fraude fiscale : taxe sur la valeur ajoutée, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés…
Ensuite, le prélèvement à la source est également à relever. Des adaptations sont prévues, non pas dans la loi de finances pour 2018 mais dans la loi de finances rectificative pour 2017. Pour les experts-comptables, cela représente une importante charge de travail en perspective. Il faudra informer nos clients sur le dispositif et ses conséquences, notamment pour les salariés des structures. Il conviendra d’être attentif aux évolutions et aux informations transmises par l’administration fiscale. Celle-ci va fournir un « kit » pour les entreprises.
Enfin, en troisième lieu, il convient de relever de mon point de vue la diminution du CICE en 2018 et sa transformation à venir en baisse de charges. Cela aura un impact important, d’autant qu’une baisse de charges signifie une augmentation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés… C’est un point de vigilance à mesurer, qui peut avoir des conséquences sur la trésorerie des entreprises.
Et quel est votre « palmarès » s’agissant des entreprises d’une manière générale ? Quelles sont les trois dispositions à retenir pour ces dernières ?
Tout d’abord, la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés est une mesure phare du gouvernement. Il s’agit de s’aligner progressivement sur ce qui se fait au niveau européen. Une baisse de 33,33 % à 25 % à l’horizon 2022 est tout de même importante. Cette mesure a été initiée par le précédent gouvernement Hollande et est poursuivie par le gouvernement Macron.
Ensuite, l’augmentation des seuils des régimes micro pour les entreprises est également à relever. Ces plafonds sont doublés et ainsi déconnectés des seuils de TVA. Il conviendra de porter une attention toute particulière aux structures qui étaient soumises au régime réel du fait du dépassement des anciens plafonds et qui seront de nouveau éligibles au régime micro, en raison du rehaussement des seuils. Il faudra regarder s’il est opportun de conserver ou non le régime réel, effectuer des calculs pour déterminer ce qui est le plus avantageux entre le forfait de charges et les charges réelles.
Enfin, en troisième lieu, je retiens la CVAE. Le dispositif a été modifié à la suite de la décision d’inconstitutionnalité du conseil constitutionnel. Le champ d’application de la mesure a été élargi. Elle intéressait auparavant les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré. Désormais, elle concerne véritablement les groupes de sociétés, celles qui détiennent ou sont détenues à 95 %.
Quel est votre « Top 3 » des mesures à retenir concernant la fiscalité des particuliers ?
Tout d’abord, le prélèvement forfaitaire unique ou « Flat Tax » est véritablement la mesure phare à retenir, c’est-à-dire de manière très générale, l’imposition des revenus du capital au taux de 30 %.
Ensuite, la mise en place de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) à la place de l’ISF est également un point d’attention majeur. Concernant cette mesure, presque tous les textes ont été changés. Nous sommes donc en attente d’informations et de commentaires de la part de l’administration fiscale.
Et en troisième lieu, je citerai l’exonération de la taxe d’habitation qui concernera à terme 80 % des français, donc un large public.
Enfin, quelle est votre appréciation globale de la loi de finances pour 2018 ? Etes-vous satisfait de ce texte et de la politique fiscale qu’il met en place ?
Ce que je peux dire, c’est que l’objectif de la loi de finances pour 2018 était de remettre la France dans la compétitivité fiscale au niveau mondial. Cela se voit avec les deux mesures importantes que sont la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et le prélèvement forfaitaire unique. Nous verrons si cet objectif fonctionne et ramène des entreprises et des particuliers dans le giron français. Pour ma part, je suis plutôt satisfait de ce texte.
Propos recueillis par Hugues Robert