Marion Ayadi, avocat associé au sein du cabinet Raphaël Avocats, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre sur le télétravail, qui a fait l’objet d’une récente réforme par les ordonnances Macron. Le télétravail : une formule intéressante pour les cabinets d’expertise comptable – afin d’attirer et fidéliser les collaborateurs – et pour leurs clients entreprises…
Il est fréquent de lire que depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, le télétravail est devenu un droit pour le salarié. Quel est votre point de vue d’expert à ce sujet : vrai ou faux ?
Je dirais : plutôt faux car en réalité, le salarié ne peut jamais imposer le télétravail à son employeur. En revanche, le refus par l’employeur de faire passer un collaborateur en télétravail est désormais beaucoup plus encadré.
Auparavant, lorsqu’un employeur déclinait une demande de télétravail, il n’avait pas à fournir d’explications à l’intéressé alors qu’aujourd’hui, il est clairement indiqué dans les ordonnances que le refus de faire passer un salarié en télétravail doit être motivé et de manière objective.
Et dans la mesure où l’accord collectif – dès lors qu’il existe – doit déterminer les catégories de postes qui sont éligibles au télétravail, si le salarié entre dans ces catégories, l’employeur aura du mal à légitimer un refus…
Donc le télétravail n’est pas un droit mais il y a tout de même plus de garanties aujourd’hui pour les salariés qui souhaitent en bénéficier.
Autre changement souvent relevé : depuis les ordonnances Macron, le télétravail est affaire de négociation collective et ne requiert plus de stipulation particulière au contrat de travail. Vrai ou faux ? Et plus généralement, comment aujourd’hui mettre en place le télétravail au sein de l’entreprise ?
C’est vrai. Aujourd’hui, il n’est plus besoin de mentionner formellement le télétravail dans le contrat de travail ou dans un avenant. La loi dit clairement que ce n’est plus requis, par différence avec ce que prévoyait auparavant l’accord interprofessionnel de 2005.
Désormais, le télétravail suppose en priorité, selon les ordonnances, la signature d’un accord collectif avec les organisations syndicales ou sinon, une charte mise en place unilatéralement par l’employeur après consultation des représentants du personnel. Et ce n’est qu’à défaut d’avoir pu recourir à ces deux modalités que l’employeur pourra mettre en place le télétravail en discutant directement avec le collaborateur. Il s’agit donc bien fondamentalement d’une affaire de négociation collective.
Cela dit, l’employeur devra tout de même formaliser le passage au télétravail du salarié. Il n’est plus besoin d’une clause spéciale au sein du contrat de travail avec toutes les modalités de retour dans l’entreprise, de réversibilité, de contrôle du temps de travail, etc. Mais un document reste nécessaire, un échange de mails par exemple, qui permette de formaliser le principe et les modalités du télétravail (date de commencement, durée...).
Il s’agit donc de simplifier le télétravail, en ouvrant davantage le droit à en bénéficier et en assouplissant la procédure pour le mettre en place ?
Exactement, l’idée est de proposer une simplification. Auparavant, il y avait beaucoup de « télétravail gris », c’est-à-dire que deux tiers des télétravailleurs l’étaient hors de tout cadre juridique. On a pu constater qu’il y avait une pratique du télétravail et une demande de part et d’autre. L’idée était donc d’encadrer cette pratique mais de le faire de manière suffisamment simple pour que finalement, le formalisme ne soit pas un obstacle.
Y a-t-il des droits et obligations de l’employeur et du salarié qui méritent une attention particulière dans le nouveau cadre ?
Globalement, on reste sur les mêmes droits. Les garanties sont peut-être un peu plus claires. Par exemple, tout accident ayant lieu pendant le temps du télétravail est présumé être un accident du travail. C’était déjà le cas auparavant mais ce n’était pas écrit de manière aussi claire que maintenant. Certaines garanties ont donc été formalisées pour parer aux discussions.
Un aspect constitue néanmoins une modification notable : la suppression de l’obligation légale pour l’employeur de prendre en charge les coûts du télétravail (liés par exemple à l’occupation d’une pièce dans le domicile du collaborateur, à la connexion internet, au téléphone, à l’imprimante…). Cette obligation légale n’est plus, mais les ordonnances prévoient tout de même que l’accord collectif puisse encore organiser cette prise en charge des coûts du télétravail par l’employeur.
Pour le reste, les garanties du nouveau cadre sont les mêmes qu’auparavant : les télétravailleurs doivent disposer des mêmes droits que les autres salariés, leur temps de repos doit être respecté, etc.
Pour finir, quel est votre point de vue sur la réforme du télétravail par les ordonnances Macron ? Bonne ou mauvaise réforme ?
Tout ce qui va dans le sens d’une simplification est toujours une bonne idée, je pense. En outre, le fait de passer par la négociation responsabilise les parties. Cela facilite l’adhésion. C’est donc appréciable. La réforme permet également, comme je le disais, de faire revenir le « télétravail gris » dans un cadre juridique.
Propos recueillis par Hugues Robert
Marion Ayadi, avocat associé au sein du cabinet Raphaël Avocats, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre sur le télétravail, qui a fait l’objet d’une récente réforme par les ordonnances Macron. Le télétravail : une formule intéressante pour les cabinets d’expertise comptable – afin d’attirer et fidéliser les collaborateurs – et pour leurs clients entreprises…
Il est fréquent de lire que depuis l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, le télétravail est devenu un droit pour le salarié. Quel est votre point de vue d’expert à ce sujet : vrai ou faux ?
Je dirais : plutôt faux car en réalité, le salarié ne peut jamais imposer le télétravail à son employeur. En revanche, le refus par l’employeur de faire passer un collaborateur en télétravail est désormais beaucoup plus encadré.
Auparavant, lorsqu’un employeur déclinait une demande de télétravail, il n’avait pas à fournir d’explications à l’intéressé alors qu’aujourd’hui, il est clairement indiqué dans les ordonnances que le refus de faire passer un salarié en télétravail doit être motivé et de manière objective.
Et dans la mesure où l’accord collectif – dès lors qu’il existe – doit déterminer les catégories de postes qui sont éligibles au télétravail, si le salarié entre dans ces catégories, l’employeur aura du mal à légitimer un refus…
Donc le télétravail n’est pas un droit mais il y a tout de même plus de garanties aujourd’hui pour les salariés qui souhaitent en bénéficier.
Autre changement souvent relevé : depuis les ordonnances Macron, le télétravail est affaire de négociation collective et ne requiert plus de stipulation particulière au contrat de travail. Vrai ou faux ? Et plus généralement, comment aujourd’hui mettre en place le télétravail au sein de l’entreprise ?
C’est vrai. Aujourd’hui, il n’est plus besoin de mentionner formellement le télétravail dans le contrat de travail ou dans un avenant. La loi dit clairement que ce n’est plus requis, par différence avec ce que prévoyait auparavant l’accord interprofessionnel de 2005.
Désormais, le télétravail suppose en priorité, selon les ordonnances, la signature d’un accord collectif avec les organisations syndicales ou sinon, une charte mise en place unilatéralement par l’employeur après consultation des représentants du personnel. Et ce n’est qu’à défaut d’avoir pu recourir à ces deux modalités que l’employeur pourra mettre en place le télétravail en discutant directement avec le collaborateur. Il s’agit donc bien fondamentalement d’une affaire de négociation collective.
Cela dit, l’employeur devra tout de même formaliser le passage au télétravail du salarié. Il n’est plus besoin d’une clause spéciale au sein du contrat de travail avec toutes les modalités de retour dans l’entreprise, de réversibilité, de contrôle du temps de travail, etc. Mais un document reste nécessaire, un échange de mails par exemple, qui permette de formaliser le principe et les modalités du télétravail (date de commencement, durée...).
Il s’agit donc de simplifier le télétravail, en ouvrant davantage le droit à en bénéficier et en assouplissant la procédure pour le mettre en place ?
Exactement, l’idée est de proposer une simplification. Auparavant, il y avait beaucoup de « télétravail gris », c’est-à-dire que deux tiers des télétravailleurs l’étaient hors de tout cadre juridique. On a pu constater qu’il y avait une pratique du télétravail et une demande de part et d’autre. L’idée était donc d’encadrer cette pratique mais de le faire de manière suffisamment simple pour que finalement, le formalisme ne soit pas un obstacle.
Y a-t-il des droits et obligations de l’employeur et du salarié qui méritent une attention particulière dans le nouveau cadre ?
Globalement, on reste sur les mêmes droits. Les garanties sont peut-être un peu plus claires. Par exemple, tout accident ayant lieu pendant le temps du télétravail est présumé être un accident du travail. C’était déjà le cas auparavant mais ce n’était pas écrit de manière aussi claire que maintenant. Certaines garanties ont donc été formalisées pour parer aux discussions.
Un aspect constitue néanmoins une modification notable : la suppression de l’obligation légale pour l’employeur de prendre en charge les coûts du télétravail (liés par exemple à l’occupation d’une pièce dans le domicile du collaborateur, à la connexion internet, au téléphone, à l’imprimante…). Cette obligation légale n’est plus, mais les ordonnances prévoient tout de même que l’accord collectif puisse encore organiser cette prise en charge des coûts du télétravail par l’employeur.
Pour le reste, les garanties du nouveau cadre sont les mêmes qu’auparavant : les télétravailleurs doivent disposer des mêmes droits que les autres salariés, leur temps de repos doit être respecté, etc.
Pour finir, quel est votre point de vue sur la réforme du télétravail par les ordonnances Macron ? Bonne ou mauvaise réforme ?
Tout ce qui va dans le sens d’une simplification est toujours une bonne idée, je pense. En outre, le fait de passer par la négociation responsabilise les parties. Cela facilite l’adhésion. C’est donc appréciable. La réforme permet également, comme je le disais, de faire revenir le « télétravail gris » dans un cadre juridique.
Propos recueillis par Hugues Robert