Patrick de Cambourg : « La comptabilité rend-elle compte de manière utile de l’économie numérique ? »

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patrick-de cambourg-recherche-comptableA l’occasion des 7èmes Etats généraux de la recherche comptable organisés par l’ANC le 11 décembre 2017 sur le thème : « Comptabilité et numérique », nous avons rencontré le Président de l’ANC Patrick de Cambourg qui a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre.

Quel est le but des Etats généraux de la recherche comptable proposés par l’ANC ?

Il s’agit de la 7ème édition de cet événement. Il entre dans le cadre de l’une des trois missions fondamentales de l’Autorité des normes comptables : élaborer la réglementation comptable applicable aux sociétés opérant en France, contribuer à la normalisation internationale et enfin, stimuler la recherche en matière comptable et l’apport académique.

L’idée fondamentale est que la communauté académique française, qui a de véritables ressources, ait une occasion de présenter ses travaux. L’ANC le fait de deux manières. D’une part, nous sélectionnons des projets de recherche – entre huit et dix par an – que nous contribuons ensuite à financer. D’autre part, nous organisons ces Etats généraux où sont confrontés des « policy papers » préparés par des Professeurs d’université sur des sujets choisis par nos soins. Puis, les académiques débattent avec des préparateurs, des auditeurs, des régulateurs et également des personnalités d’autres pays, généralement des normalisateurs.

Nous essayons de faire de la fertilisation croisée.

Quels sont les principaux sujets qui mobilisent aujourd’hui la recherche comptable ?

Nous avons un spectre assez large de sujets. Mais généralement, les Etats généraux sont focalisés sur un thème central.

En 2015, nous avons travaillé sur les principes généraux de la comptabilité et sur les critères d’homologation en Europe des normes internationales, également sur le cadre conceptuel de l’IASB.

En 2016, l’attention s’est portée sur le thème de la mesure de la performance car pour nous, il est important que la comptabilité contribue à mesurer la performance de l’entreprise et sa création de valeur. Etant entendu que la comptabilité a souvent un biais statique par les positions bilancielles, nous voulions mettre l’accent au contraire sur les flux, leur articulation, leur compréhension qui nous paraissent essentiels pour les utilisateurs de l’information financière.

Et pour cette année 2017, le thème retenu par l’ANC est : « Comptabilité et numérique », pourquoi ce choix ?

Cette année, nous avons fait un choix qui peut sembler un peu à la mode mais qui ne l’est pas tant que cela sous l’angle comptable, car les travaux en cours doivent être amplifiés à mon avis : la transformation numérique, l’information financière et la comptabilité. A cet égard, nous avons consacré deux tables rondes, sur la base de policy papers, à deux questions fondamentales.

Tout d’abord, dans quelle mesure le numérique modifie-t-il l’accessibilité, la communication, le périmètre et l’inscription dans le temps de l’information financière ? Et comment y répondre ?

Nous avons l’habitude de disposer d’une information financière qui ressemble à un rapport annuel dont on connaît la structure et auquel on accède manuellement ou sur écran en version PDF. Mais aujourd’hui, l’information va être coupée en morceaux. La frontière entre les informations financières, para-financières ou pré-financières devient plus floue. Les moyens d’analyses sont beaucoup plus rapides et beaucoup plus puissants. Par ailleurs, un flux quasi-continu de données impacte l’information financière en général.

Ensuite, la seconde question abordée sous l’angle de la transformation numérique est : la comptabilité rend-elle compte de manière utile de l’économie numérique, c’est-à-dire les nouveaux intervenants, les nouvelles transactions, la blockchain, les cryptomonnaies, l’acquisition de données ? Nos mécanismes comptables, tels que prévus pour une économie industrielle ou de service, répondent-ils aux besoins d’informations sur ces « animaux nouveaux » qui travaillent dans l’immatériel ?

Sur ce second point, les participants ont tous diagnostiqué l’écart qui se crée aujourd’hui entre les mécanismes de mesure comptable et les transactions qui résultent de l’économie numérique. Deux voies sont envisageables à cet égard.

La première consiste à approfondir certaines mesures comptables qui sont aujourd’hui restrictives. L’immatériel est plus difficile à mesurer. Les professionnels du chiffre sont donc prudents sur sa comptabilisation. Il y a probablement des progrès à faire dans ce domaine.

Ensuite, seconde voie : concevoir un cadre de reporting probablement para-financier qui fasse état des grandeurs significatives des activités immatérielles, par exemple le volume des données collectées ou échangées. Il faut également considérer l’aspect gestion du talent : les frais de personnel sont pour l’essentiel comptabilisés en charges alors pour ces entreprises du numérique, le talent constitue probablement un des actifs principaux.

Le talent et la donnée sont les ingrédients de l’économie numérique.

Pour finir, quels sont les projets de l’ANC pour promouvoir et encourager encore davantage la recherche comptable à l’avenir ?

Chaque année, nous avons nos Etats généraux, donc je vous donne rendez-vous en décembre 2018 ! Nous n’avons pas encore choisi le thème, nous avons aujourd’hui une bonne vingtaine de projets en cours. Personnellement, je suis attaché à la mesure de l’immatériel, à l’information para-financière. Je suis également sensible aux éléments du cadre conceptuel.

Propos recueillis par Hugues Robert

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