Interview loi de finances 2018 : quelles répercussions pour les PME et leurs dirigeants ?

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

BercyLa loi de finances n’a cessé de faire parler d’elle au cours des derniers mois. CICE, impôt sur les sociétés, augmentation de la CSG, prélèvement forfaitaire unique, fin de l’ISF sont quelques-unes des mesures concernées. Mais quelles sont celles à retenir et quel impact peut-on anticiper pour les PME et leurs dirigeants ? Jérôme Grellié, expert-comptable chez Soregor et Christopher Silly, avocat fiscaliste chez TGS France Avocats, s'expriment à ce sujet.

Si la loi de finances devait être résumée en un seul élément, quel serait-il ?

Christopher Silly : Le projet de loi de finances, tel qu’il est annoncé, présente un volet qui me semble essentiel et peut-être pas assez souligné : la Flat Tax. Une mesure plutôt simple sur le principe, qui présente un avantage majeur pour tous les dirigeants dont le taux marginal d’imposition est de 30 % ou plus. Avec elle, l’ensemble des revenus du capital (intérêts, dividendes, cessions de part, et pour partie les produits d’assurance vie), qui étaient auparavant alignés sur la taxation du travail au barème progressif, relèveront d’un taux unique de 30 % (17,2 % de CSG et 12,8 % d’impôt sur le revenu).

Une Flat Tax qui va faire parler d’elle puisqu’elle offre des optimisations qui vont orienter les chefs d’entreprise à se rémunérer davantage en dividendes, tant que la fiscalité est plus faible que celle du travail. 


jrme-grelliJérôme Grellié : J’aurais pour ma part tendance à retenir les éléments de la loi de finances qui concernent directement les entreprises, et notamment la fin programmée du CICE, normalement compensée par l'allègement des cotisations patronales au 1er janvier 2019. C’est un vrai sujet qui est loin d’être anecdotique dans les entreprises. Le CICE a permis à beaucoup d’entre elles de maintenir leur niveau de rentabilité, dans un contexte économique « tendu ». Sa suppression en 2019 et la compensation annoncée par la baisse des charges patronales devraient être neutres pour les entreprises, si tant est que la promesse de l’Etat soit tenue.

Une mesure tout aussi importante : la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés avec un taux de 25 % à horizon 2022 contre un taux de 33,33 % aujourd’hui. Entre 2000 et 2016, la France a été le pays d’Europe qui a le moins baissé cette taxe, mais aussi celui affichant le taux fiscal le plus élevé. C’est donc une mesure qui va permettre aux entreprises françaises de devenir plus compétitives à l’échelle européenne, et probablement favoriser la création d’emploi.

Quid de l’immobilier ? 

christopher-sillyChristopher Silly : L’immobilier, en tant qu’investissement, se voit pénalisé par la loi de finances car ne relevant pas de la Flat Tax. Les revenus immobiliers resteront soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, qui vont par ailleurs progresser de 1,7 %, alourdissant les charges liées à l’investissement locatif. La volonté est ainsi d’orienter les investisseurs vers les entreprises pour relancer l’économie réelle et non la « rente » immobilière.

Jérôme Grellié : Cette hausse des prélèvements sociaux rendant les revenus locatifs 2018 davantage taxés qu’ils ne l’étaient en 2017 pose question aux dirigeants qui souhaitent acquérir leur immobilier professionnel. Dois-je soumettre mes revenus locatifs à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés ? Ce questionnement n’est pas nouveau mais il aura encore plus d’importance suite à cette réforme. Les revenus locatifs en régime IR n’entrant pas dans le champ de la Flat Tax, il sera important de s’interroger sur l’intérêt de soumettre les revenus locatifs à l’IS dans le cadre de nouveaux projets par exemple. De nombreux paramètres sont à considérer pour faire le bon choix de régime fiscal, ce qui demande une analyse au cas par cas. L’essentiel est donc de prendre conscience de cette possibilité et de bien analyser la situation pour agir en conséquence.

Quelles sont les perspectives à moyen terme pour les entreprises et leurs dirigeants ?

Jérôme Grellié : Pour les entreprises, les perspectives sont plus ou moins intéressantes à moyen terme. La baisse de l’impôt sur les sociétés impactera finalement très peu les TPE qui bénéficient déjà du taux réduit d’IS de 15 % sur tout ou partie de leur bénéfice. Par conséquent, la plupart des TPE ne tireront pas grand avantage de cette mesure. En revanche, les PME vont gagner 8 % d’IS, ce qui n’est pas négligeable. Toutes ces entreprises, qui bénéficiaient souvent du CICE, vont dans le même temps se voir impactées par sa suppression. Celle-ci est censée être compensée par les baisses des charges patronales, mais le planning de mise en application pourrait présenter un décalage qui risquerait d’affecter les trésoreries.

Christopher Silly : Une fenêtre de tir se présente pour tous les chefs d’entreprise qui sont à la tranche à 30 % du barème progressif. Pour 2018, en favorisant les dividendes au salaire, s’offre à eux une fiscalité clémente, avec une taxation globale de 30 % sur les dividendes, qui étaient auparavant taxés au barème progressif après abattement de 40 %.

Par exemple, un dirigeant verrait ses dividendes taxés à 30 % là où ces mêmes dividendes sont taxés globalement à 38 % aujourd’hui, lorsqu’ils sont soumis à une tranche d’impôt à 41 %. Ceci étant, les possibilités d’optimisation pourraient rapidement être limitées. En effet, un amendement, actuellement en cours de discussion, prévoit de limiter les possibilités d’appliquer la Flat Tax sur les dividendes dépassant un certain seuil.

« En 2018, nous assisterons probablement à une augmentation des distributions de dividendes, notamment dans les PME et grandes entreprises », s’accordent à dire les deux experts. « Mais il ne faudra pas s’y tromper : ces rentrées fiscales seront le fait de l’opportunité d’utiliser la Flat Tax et non en lien avec le retour de la croissance que nous souhaitons tous », concluent-ils.

 

Les Annuaires du Monde du Chiffre