A l’occasion de la Journée annuelle de la prévention organisée par la CNCC le mardi 10 octobre 2017, Olivier Bafunno, Vice-président du groupe de travail Prévention de la CNCC, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre sur l’action du commissaire aux comptes dans la prévention des difficultés des entreprises.
Dans le contexte d’une France en proie à des difficultés économiques certaines (malgré la relance légère qui semble s’amorcer actuellement et pour 2018), quel est selon vous le rôle du commissaire aux comptes pour prévenir les difficultés des entreprises ?
La loi prévoit ce que l’on appelle une « procédure d’alerte » qui est assez ancienne. Elle date en effet de la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises.
Cette procédure d’alerte du commissaire aux comptes est un moyen d’avertir le dirigeant sur les difficultés que l’auditeur légal a identifié et dont le chef d’entreprise n’a pas forcément conscience ou bien – cas autrement plus fréquent en pratique – dont il ne veut pas avoir conscience.
Cette procédure d’alerte fonctionne bien comme un outil de prévention. C’est ce que nous cherchons à démontrer au sein du groupe de travail Prévention de la CNCC. La procédure d’alerte se déroule en quatre phases prévues par la loi. Mais ce qui importe surtout, c’est ce qui advient en amont du déclenchement de la procédure d’alerte, c’est-à-dire comment le commissaire aux comptes va s’efforcer d’aider le chef d’entreprise pour lui faire prendre conscience des difficultés afin précisément d’éviter l’enclenchement de la procédure, en lui exprimant qu’il est temps de réagir. C’est ce que nous appelons la « phase 0 » de la procédure.
A cet égard, le commissaire aux comptes a véritablement un rôle d’assistance à la prévention. Il doit être attentif et à l’écoute de son client en détectant les points clés qui recèlent des difficultés.
Lorsqu’un commissaire aux comptes est confronté à une entreprise qui entre manifestement dans une phase de difficultés économiques, comment doit-il réagir selon vous ?
Confronté à une telle situation, le commissaire aux comptes doit tout d’abord réaliser un diagnostic. Il doit proposer de faire un point à un instant t de l’année sur la situation de l’actif et du passif, effectuer la balance entre ces deux aspects afin de déterminer si oui ou non, l’entreprise est en état de cessation des paiements. Cela constitue un premier outil de diagnostic.
Ensuite, si la cessation des paiements est avérée, il convient d’identifier les causes de cette situation. Par exemple, l’exploitation est-elle déficitaire structurellement ou bien conjoncturellement ? Et dans un troisième temps, il faut établir des prévisionnels d’exploitation et de trésorerie pour identifier les actions à mener afin de rétablir la santé financière de l’entreprise.
Si, à l’analyse de ces prévisions, la situation semble compromise à brève échéance, il convient alors de conseiller le dirigeant de se rapprocher de professionnels afin d’entamer une procédure amiable ou collective.
Quels sont les points de vigilance à retenir pour un commissaire aux comptes confronté à une entreprise en difficulté ?
La trésorerie, la trésorerie et la trésorerie ! Plus sérieusement, le premier point de vigilance est la surveillance de l’exploitation mois par mois à travers la consultation du compte de résultat mensuel. Ensuite, le deuxième point de vigilance réside dans les prévisions de trésorerie à très court terme. Enfin, dernier point particulièrement important : produire une analyse économique de l’entreprise. Dans quel marché évolue-t-elle ? Quel est son business model ? Est-il pertinent ? Que faut-il modifier pour que l’entreprise retrouve le cercle vertueux du profit ?
Pour finir, avez-vous un message à transmettre à la profession, aux commissaires aux comptes, concernant cette question de la prévention des difficultés des entreprises ?
Oui, le message est : n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur de l’entreprise en difficulté. Lorsque vous prenez conscience que l’un de vos clients est en difficulté, surtout ne fuyez pas. Essayez de comprendre les causes et informez le dirigeant sur ce qu’il peut faire, notamment ce que lui offre le Code de commerce en termes de solutions. Et accompagnez-le à votre niveau : le commissaire aux comptes peut en effet valider des prévisions, faire des attestations sur l’état de cessation des paiements… et bien entendu, continuer à être au chevet de l’entreprise et à côté du dirigeant.
Propos recueillis par Hugues Robert