A l’occasion de l’édition 2024 de La REF du MEDEF, KPMG, en partenariat avec le METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire), publie une étude consacrée à la réindustrialisation de la France menée par les ETI.
Intitulée « (Ré)industrialisation : le facteur ETI. Renforcer la dynamique industrielle des ETI ancrées dans nos territoires », l’étude confirme que la revitalisation du tissu industriel français est, et continuera d’être, portée en grande partie par les ETI installées dans des villes petites et moyennes. Pour faire réussir cet élan économique et social dans les territoires, l’opinion et la puissance publiques doivent miser puissamment sur le « facteur ETI ».
Les ETI et les villes moyennes, deux leviers pour réindustrialiser la France
Plus que jamais placée au centre du débat économique, l’ambition de réindustrialiser la France constitue une importance cruciale pour la revitalisation du tissu industriel menée au cœur des territoires par les ETI. La France compte aujourd’hui 6 200 ETI, dont plus de 40% ont des activités industrielles – alors que la part de l’industrie dans le PIB est de 10% – et 70% ont un siège social basé hors d’Ile-de-France, majoritairement des villes petites et moyennes.
A rebours de certaines idées reçues, aucun des projets de création ou d’extension de capacités de production considérés dans cette étude, tous mis en opération au cours des trois dernières années, n’a rencontré́ d’aléa significatif et impactant concernant les délais de concrétisation – même si toutes les ETI interrogées s’accordent sur une certaine surabondance de couches administratives.
Cette fluidité dans l’exécution de ces nouveaux projets repose sur trois raisons propres à la taille et l’agilité des ETI :
- Tout d’abord, la surface des projets portés par ces ETI (généralement entre 2 000 et 15 000 m2), plus maîtrisables en termes de complexité et de taille de chantier, loin de celle des gigafactories (entre 300 000 et 400 000 m2) ;
- Ensuite, les montants d’investissement, la plupart du temps en dessous des seuils réglementaires nécessitant une concertation publique génératrice d’incertitude ;
- Enfin, la maîtrise de l’écosystème local et la proximité avec les pouvoirs publics, qui se montrent souvent facilitateurs et aidants, du fait de l’ancrage territorial fort des ETI.
Basée sur une enquête qualitative menée auprès d’un échantillon ciblé de 9 ETI françaises, issues de territoires et de secteurs d’activités différents, l’étude de KPMG en France et du METI identifie cinq facteurs, que maîtrisent parfaitement les ETI, et qui conditionnent la capacité de notre pays de se réindustrialiser.
Les cinq facteurs clés pour réindustrialiser, que maîtrisent parfaitement les ETI
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Le facteur opérationnel. La (ré)industrialisation portée par les ETI se concrétise opérationnellement par des nouveaux sites de production automatisés et digitalisés, au service d’un projet ambitieux. Dans une majorité des cas observés, les projets de développement de capacités industrielles ne sont pas de simples augmentations de capacité mais sont synonymes de fortes évolutions du modèle opérationnel. Qu’il s’agisse d’un changement de positionnement sur la chaîne de valeur (intégration en amont) ou d’une innovation produit majeure, la nouvelle unité est considérée comme une réelle opportunité de transformer l’activité de production, mais également toutes les fonctions associées (conception, logistique, contrôle qualité...). La modernisation des processus de production en est un exemple : que ce soit dans un objectif de compétitivité, d’amélioration des conditions de travail ou encore de qualité, l’automatisation de processus et la mise en place de solutions digitales avancées (pilotage de production, gestion des énergies, inspection qualité, maintenance prédictive, etc.) sont des leviers systématiquement mis en œuvre.
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Le facteur foncier. L’anticipation des ETI et leur ancrage territorial leur permet un accès facilité au foncier économique et expliquent leur capacité à développer de nouveaux sites industriels. La mise en place du ZAN (Zéro Artificialisation Nette) et la crainte d’une pénurie foncière préoccupent particulièrement les pouvoirs publics et le législateur. Pourtant, on observe que les ETI interrogées ont quasiment toutes anticipé la question foncière en mobilisant des réserves constituées, à dessein, quelques années auparavant. D’autres ont sollicité les élus locaux pour leur proposer des surfaces ou locaux prêts à les accueillir. Lorsque les conditions le permettent, les ETI n’hésitent pas à développer quelques centaines ou milliers de mètres carrés supplémentaires lors de la construction de leurs bâtiments, profitant ainsi d’un coût marginal faible, plutôt que de devoir ré-initier quelques années plus tard un nouveau projet et se replonger dans les contraintes administratives. Cette faculté d’anticipation et de projection sur le long terme est un trait commun aux ETI et, au-delà de la bonne pratique, constitue une grande force dans la dynamique de (ré)industrialisation que nous observons. Néanmoins, ces entreprises sont conscientes que les règles du jeu changent profondément, que ce qui était abondant hier ne le sera plus demain. Le sujet du foncier figurera en bonne place dans la hiérarchie de leurs préoccupations pour les prochaines années. Compte tenu de la rareté foncière à venir, le choix sera binaire : quitter son territoire d’ancrage pour s’implanter sur des territoires disposant d’un foncier plus accessible ou bien reconquérir des sites préexistants, en friche ou délaissés, à l’instar de ce qui est, par exemple, déjà fréquemment pratiqué sur les territoires littoraux traditionnellement plus contraints.
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Le facteur environnemental. La décarbonation de leurs activités à travers ces nouveaux sites de production est vue par les ETI, à la fois comme un pré-requis, et comme un avantage concurrentiel pour renforcer leurs positions. Soutenues par de fortes convictions, les ETI souhaitent être perçues par leur marché comme des précurseurs en matière de respect de l’environnement et de décarbonation. Les exigences environnementales associées aux projets industriels de développement (maîtrise des consommations d’eau et d’énergie, réduction des rejets, etc.) ne sont ainsi pas perçues comme des contraintes imposant des restrictions sur les choix techniques ou des surcoûts majeurs, mais comme des opportunités pour revoir intégralement leurs modes de fonctionnement et bénéficier, in fine, d’un avantage concurrentiel en termes de réputation, d’image de marque et de marque-employeur, tout en faisant baisser leur facture énergétique et d’achats de matières premières. De nombreux leviers sont ainsi mis en œuvre : optimisation des procédés industriels et des bâtiments (récupération de chaleur, d’eau ou monitoring des consommations), revue du mix énergétique (installation de panneaux photovoltaïques ou mise en place de contrats d’énergie renouvelable de long terme), développement de la circularité (réutilisation des déchets) ou bien encore optimisation logistique, amenant les industriels à dépasser la réglementation.
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Le facteur humain. Les ETI sont bien placées pour répondre à la montée en compétences et aux aspirations nouvelles des collaborateurs induites par le développement de nouveaux sites de production. Avec des processus de production et de stockage davantage digitalisés, ces nouvelles unités industrielles impliquent la création de nouveaux types d’emplois, afin d’en assurer la conception, la mise en œuvre, la maintenance et l’adaptation régulière. Les ETI doivent donc aller chercher de nouvelles compétences, de méthodistes, d’agents de maintenance et d’informaticiens très spécialisés, que les filières de formation françaises savent bien produire, mais que s’arrachent les entreprises sur le marché de l’emploi. D’où l’accent mis par les ETI, dont les sièges sociaux, comme les sites de production, sont souvent implantés dans des villes de taille moyenne, de proposer un cadre de travail et de vie qualitatif, au service d’un projet entrepreneurial attractif. Se doter des bonnes compétences est vital, les fidéliser est critique : c’est pourquoi les ETI intègrent très en amont de leurs nouveaux projets tous les éléments d’attractivité nécessaires, en prenant en considération les nouvelles aspirations sociétales, notamment celles attendues par la génération Z : renouvellement et évolution des carrières grâce à la formation continue, partage de la valeur via l’actionnariat salarial, accompagnement dans la recherche d’un logement, engagements environnementaux des dirigeants de l’entreprise.
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Le facteur territorial. La participation active des ETI au sein de leur écosystème de proximité immédiate offre des possibilités de mutualisation entre industriels et renforce l’acceptabilité de leurs projets sur le territoire. Un trait commun à la réussite des ETI qui ont récemment mis en opération de nouveaux sites de production réside dans l’importance accordée à l’écosystème territorial, qu’il soit public ou privé. S’il est une bonne pratique, que redécouvrent certains grands groupes, c’est bien celle de l’ancrage territorial des ETI, lesquelles évoluent avec aisance dans leur écosystème local. Cela passe notamment par des relations nourries avec les exécutifs locaux, une implication significative dans les réseaux professionnels et des échanges avec le monde de la formation supérieure. Cette connaissance du territoire et de ses entreprises est déjà à l’origine de nombreux projets de mutualisation entre acteurs industriels, notamment en matière de recyclage, et sera un élément de facilitation dans l’acquisition progressive d’une culture d’écologie industrielle et territoriale. Au-delà de cette volonté de répondre aux questionnements et aspirations sur le plan environnemental comme sociétal, ces projets mutualisés permettent de faciliter d’autant plus l’acceptabilité par les associations de riverains des projets industriels implantés sur le territoire.