TRIBUNE - Par Jérémy Soued, associé du cabinet d’expertise comptable et de conseil ECAI
Au cœur d'une course mondiale effrénée où la technologie façonne les équilibres économiques et géopolitiques, la France ne peut plus se permettre de négliger l’innovation, véritable moteur de sa compétitivité économique et technologique. Pourtant, alors que l'État multiplie les déclarations volontaristes sur la nécessité d’investir massivement dans la recherche et l’innovation, les dispositifs qui constituent la colonne vertébrale du soutien aux startups françaises subissent paradoxalement des rabotages répétés.
Des dispositifs stratégiques en perte de vitesse
Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR), le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) ou encore les dispositifs spécifiques dédiés à l’innovation sont aujourd’hui indispensables aux startups françaises. Le CIR, longtemps loué comme le dispositif fiscal le plus généreux d’Europe, voit ses conditions d’éligibilité se durcir, et ses contrôles s’intensifier, à tel point que de nombreuses jeunes entreprises hésitent désormais à y recourir.
Le statut JEI, quant à lui, essentiel à l’amorçage, subit progressivement des réductions de ses avantages fiscaux et sociaux, érodant sa pertinence au fil du temps.
Conséquences : entre ralentissement et fragilisation
Ces décisions ne sont pas sans conséquences concrètes. Sur le terrain, nous observons l’impact de ces réductions auprès des startups. Nombre d’entre elles peinent désormais à sécuriser leurs premiers tours de table, essentiels pour leur développement et leur survie. Confrontées à des dispositifs moins avantageux, elles sont contraintes de ralentir leur innovation, réduisant drastiquement leurs ambitions, et parfois même de renoncer à embaucher des talents pourtant cruciaux pour leur croissance.
Pire encore, ces restrictions génèrent des effets de bord inquiétants. Face aux difficultés croissantes de financement, certaines startups se tournent vers des fonds d’investissement étrangers, voire envisagent ouvertement l’exil fiscal vers des pays aux régimes d’aides plus attractifs. Cette situation crée une fuite des cerveaux et des capitaux, paradoxalement contraire aux ambitions affichées d’une France innovante et souveraine.
Par ailleurs, les complications administratives et fiscales ont fait émerger une économie souterraine autour des dispositifs de financement, où certains acteurs privés prélèvent des pourcentages pour des services pourtant accessibles gratuitement. Cette dérive accentue les inégalités entre startups, certaines ayant les moyens d'y recourir, tandis que d'autres restent sur le bord de la route.
Des mesures urgentes pour préserver notre attractivité
Pour préserver l’attractivité de la France, il est urgent d’agir. Le gouvernement doit rapidement rétablir une cohérence entre ses ambitions politiques et les réalités économiques. Parmi les propositions concrètes, citons la nécessité d’assouplir et de clarifier les critères d’éligibilité au CIR, en réduisant les délais et l'incertitude liés aux contrôles fiscaux. De même, le statut JEI doit retrouver son attractivité initiale, notamment via une extension de sa durée d’application ou un renforcement significatif de ses exonérations fiscales et sociales.
Il est impératif que l’État entende enfin ce message et traduise ses déclarations en actes forts et cohérents.
Le temps presse. Les startups françaises, ces graines de souveraineté technologique, attendent plus que des discours. Elles attendent des actes.
Aujourd’hui le gouvernement doit assumer notre ambition technologique et mettre immédiatement en place les mesures nécessaires pour faire de la France une terre fertile pour l’innovation de demain. Il est encore temps, mais demain sera peut-être trop tard.
