Alfred Lortat-Jacob et Gauthier Moulins, respectivement avocat associé et avocat collaborateur au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel, livrent une tribune sur les conséquences fiscales de la mise en place du prélèvement à la source pour l'imposition des dirigeants d'entreprise en 2018.
Avec un an de retard sur son calendrier initial, le prélèvement à la source verra le jour en 2019. La France s’aligne ainsi sur la pratique des autres pays européens.
Le système actuel de l’impôt sur le revenu prévoit que l’impôt dû au cours d’une année donnée est calculé sur la base des éléments déclarés par le contribuable au titre de l’année précédente.
L’instauration d’un prélèvement à la source a pour objectif de supprimer ce décalage entre la date de perception des revenus et celle du paiement de l'impôt. Cette réforme vise donc à adapter le recouvrement de l'impôt au titre d'une année à la situation réelle du contribuable, sans modifier les règles d’assiette et de détermination de l’impôt. Le contribuable continuera ainsi de souscrire sa déclaration.
Cela étant précisé, la mise en œuvre de ce régime en 2019 pourrait faire peser un double paiement de l’impôt : celui selon le régime actuel, à savoir un paiement sur les revenus 2018 et un prélèvement direct assis sur les revenus 2019.
Pour éviter cette double imposition, l’impôt sur les revenus 2018 pourra faire l’objet d’un crédit d’impôt, dit crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) venant compenser l’impôt sur les revenus non exceptionnels. 2018 serait donc une année blanche : l’impôt sur les revenus éligibles au CIMR ne sera pas effectivement payé en 2019.
Afin d’éviter les abus liés à l’utilisation du CIMR, des dispositions sont prévues pour que les contribuables, dont les dirigeants d’entreprise, ne puissent pas majorer artificiellement leur revenu 2018. La mesure consiste à encadrer la nature des revenus éligibles à l’assiette du CIMR par rapport aux revenus exceptionnels qui ne le sont pas.
Aussi et schématiquement, la fraction du revenu 2018 qui excèdera le plus élevé des revenus des trois dernières années ne sera pas éligible au CIMR, sauf si le revenu 2019 dépasse finalement celui de 2018. Cela revient à retenir une appréciation pluriannuelle des revenus, à déterminer les revenus éligibles sur une longue période et à procéder par voie de réclamation pour obtenir a posteriori un remboursement de l’impôt.
Face à l’imprécision actuelle du texte, la loi a certes prévu la possibilité de demander à l’administration fiscale de prendre position sur les situations pratiques. Sauf un délai de 3 mois donné à l’administration pour se prononcer, le cadre de cette procédure n’est toujours pas défini.
Il est donc fort probable que de nombreux dirigeants d’entreprise rencontrent des difficultés lors de la détermination de leurs revenus 2018 et lors de leur déclaration.
Relevons enfin que certains revenus ne sont pas concernés par le prélèvement à la source. Il en est ainsi par exemple des plus-values mobilières et immobilières, des intérêts, des dividendes, des gains sur les stocks options ou actions gratuites qui resteront imposés selon les modalités actuelles.
Me Alfred Lortat-Jacob
Avocat associé, Cabinet Cornet Vincent Ségurel
Me Gauthier Moulins
Avocat collaborateur, Cabinet Cornet Vincent Ségurel