La transformation est partout. La fonction de directeur administratif et financier est elle aussi en pleine mutation. Parmi les clés de réussite, le recours au management de transition peut être un atout majeur. Témoignages de Philippe Soullier, dirigeant de Valtus (management de transition) et de Laurent Bastian, directeur administratif et financier chez ESI group, lors d'une conférence organisée par Baker Tilly France en partenariat avec la DFCG, et animée par Pascal Ferron, vice-président de Baker Tilly France.
Aujourd'hui, tous les métiers deviennent vulnérables. Les nouvelles technologies ont bouleversé nos vies. Les consommateurs sont devenus des consom'acteurs, qui se notent mutuellement (Blablacar par exemple). De tout petits acteurs peuvent mettre à terre des géants si ceux-ci n'évoluent pas assez vite (tel Kodak qui n'a pas cru au numérique). Tesla Motors, champion de la voiture électrique, créé en 2010, est valorisé à 30 milliards d'euros...
> Le management de transition s'oriente vers le management du changement
Le management de transition avait jusqu'à une époque récente une forte connotation « management de crise », utilisé essentiellement pour redresser les entreprises en difficulté. Mais aujourd'hui, assez logiquement, 58 % des missions réalisées par Valtus se font dans le cadre de transformations et de changements. Selon Philippe Soullier, même avec des lourdeurs au départ, on a pu constater que certaines grandes entreprises, telles qu'Orange ou La Poste, ont parfaitement réussi à rester dans la course, au prix de remises en cause, d'innovations et d'adaptations permanentes, s'appuyant sur une vision.
De plus en plus d'entreprises font appel à un manager de transition, chargé de leur faire passer un cap. Ce fut le cas d'ESI Group, Laurent Bastian ayant eu recours lors de son embauche à un manager de transition pour l'aider dans les premiers mois de sa prise de poste.
> La transformation de la fonction finance
La fonction finance doit d'abord faire face à des enjeux externes : un environnement disruptif, la volatilité des conditions économiques (par exemple le cours du dollar et du baril de pétrole), la globalisation croissante, la pression sur les marges, des modèles économiques innovants et parfois difficiles à mesurer, l'indispensable veille technologique des outils, le contexte de croissance et décroissance rapide, que le DAF doit pouvoir anticiper.
A cela s'ajoutent de forts enjeux internes. La pression sur les délais d'abord : par le contrôle de gestion, le DAF doit pouvoir éclairer le plus en amont possible les dirigeants. La pression sur la qualité ensuite : il faut savoir gérer la multiplicité des systèmes d'information au sein d'une même entreprise. La pression sur les coûts également : le DAF est producteur de valeur, avec un coût associé qu'il doit maîtriser en recherchant sans cesse l'efficacité et la productivité.
Même si le terme de « business partner » est galvaudé, il reflète parfaitement le nouveau positionnement que doit avoir le directeur administratif et financier. Et enfin le plus important : le DAF doit savoir manager ses équipes pour qu'elles acceptent la transformation de leurs méthodes de travail et soient parties prenantes dans la transformation de l'entreprise.
> Les 6 causes de la sous-performance
Pour Philippe Soullier, les causes qu'il a identifiées au cours des nombreuses missions financières de Valtus sont les suivantes : un système d'information hétérogène, à bout de souffle, trop « excelisé », un mauvais management de la trésorerie, une organisation de la finance souvent dupliquée sur les différents sites, des reportings trop lourds. Ce qui est le plus frappant : toutes les équipes sont monopolisées pour récupérer les données et y passent un temps phénoménal, sans ensuite consacrer le temps qui serait nécessaire pour nettoyer les données, les hiérarchiser, les synthétiser pour fournir un document compréhensible et exploitable par la direction. Ce qui est d'ailleurs confirmé par Pascal Ferron au vu des expériences récurrentes de Baker Tilly lors de missions d'organisation et d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la refonte de systèmes d'information.
Mais ce qui explique le plus souvent la sous-performance de la fonction DAF, c'est l'insuffisance de qualités managériales du DAF. Si le DAF est un bon manager, alors il pourra agir sur les causes précitées.
Les 6 causes de sous-performance de la fonction finance
> Les solutions
Pour atteindre la performance, la première évidence consiste à harmoniser les référentiels financiers et à faire converger les systèmes d'information. Il s'agit ensuite de bien repenser les indicateurs de pilotage : quels sont les 2 à 5 critères les plus importants ? Une fois qu'ils sont mis en place, les processus d'élaboration doivent être eux aussi standardisés.
Enfin et surtout, le directeur administratif et financier doit être un excellent manager. Il doit motiver ses équipes, partager avec elles, les faire adhérer, fixer les priorités, et les évaluer en permanence afin d'adapter leurs compétences et leurs besoins en formation.
> Une méthode qui a fait ses preuves
Lorsque Laurent Bastian a pris ses fonctions de directeur administratif et financier chez ESI Group, sa mission était, très clairement, de mettre la fonction finance au niveau de la stratégie et de l'ambition du groupe. En synthèse, il s'est attaché à améliorer la fiabilité de production des chiffres, en mettant les mains dans le cambouis, et à devenir un vrai soutien pour les opérationnels. Pour passer de « support function » à « enabling function », il a voyagé à travers le monde pour tisser un lien fort avec les équipes, les convaincre que des chiffres fiables leur permettraient de calculer leurs marges, d'embaucher...
Le DAF est aussi le représentant de la société, son rôle est d'expliquer l'entreprise aux investisseurs.
> Les piliers de la transformation : les hommes, les outils, les process
Les règles de bon sens sont les meilleures, encore faut-il les concevoir, les mettre en place, les faire accepter et les faire vivre.
Les hommes : mettre les bonnes personnes au bon endroit, recruter en prenant en compte les spécificités locales. Si par exemple un DAF chinois refuse de parler, c'est parce qu'un bon DAF, en Chine, est un DAF qui ne parle pas, justement... Laurent Bastian a obtenu que les « financiers » à travers les pays lui soient directement rattachés. Et au siège parisien, il a regroupé physiquement dans des bureaux en open space ou adjacents toutes les équipes de la fonction Finance ; ce qui, bien évidemment, favorise naturellement la concertation.
Les outils : il est essentiel de bien utiliser les fonctionnalités des outils existants, ou de prendre le temps de définir les critères de choix d'un nouvel outil.
Les process : la collecte des données et leur traitement intelligent doivent permettre de fournir des chiffres plus fiables, mieux exploitables, plus rapidement.
> Se faire accompagner, l'une des clés du succès de la transformation
Laurent Bastian s'est fait accompagner pendant neuf mois par une manageuse de transition. Au départ, son idée était de la faire intervenir essentiellement sur les aspects qu'il maîtrisait moins bien. Mais finalement, au-delà de la stratégie des prix de transfert que cette manageuse a définie, son rôle a été de l'aider à mettre en place toute cette fonction Finance.
Au final, une fonction Finance structurée, unifiée, et reconnue par les opérationnels, comme la CEO Chine qui en a même fait des compliments en public !
> Bouger même et surtout quand ça va bien
Philippe Soullier insiste sur l'intérêt pour les entreprises de remettre en permanence les schémas en cause, même quand tout va bien. C'est un état d'esprit qu'il faut entretenir, et le recours à un manager de transition peut accélérer, faciliter et professionnaliser le processus. Après une phase d'audit obligatoire, les conditions d'intervention sont fixées. « En général, nous faisons intervenir des managers de transition surdimensionnés, avec un timing et un plan d'action ».
Pour Pascal Ferron : « Un manager de transition, au même titre qu'un cabinet de conseil ayant de réelles valeurs de partenariat avec ses clients, n'est pas un flatteur mais un challenger permanent qui a une liberté de pensée, de parole et d'action largement supérieure à celle des hommes et des femmes en place. Il offre une vision différente qui s'appuie sur ses expériences variées antérieures. Pour les dirigeants, c'est une formidable opportunité d'assurer la transformation de leur entreprise dans de bonnes conditions d'efficacité. »