Nicolas Sidier, avocat associé, et Pierre Détrie, avocat, reviennent sur un arrêt de la Cour de de cassation du 24 novembre 2015 ayant jugé qu’une société par actions simplifiée pouvait confier sa direction générale à une société tierce par le biais d’une convention de prestation de services, dès lors que ses statuts prévoyaient seulement les modalités de désignation du président, éventuellement assisté d’un vice-président.
La Cour de cassation a, par un arrêt du 24 novembre 2015 qui n’est pas destiné à être publié au Bulletin, jugé qu’une société par actions simplifiée pouvait confier sa direction générale à une société tierce par le biais d’une convention de prestation de services, dès lors que ses statuts prévoyaient seulement les modalités de désignation du président, éventuellement assisté d’un vice-président.
En l’occurrence, une SAS avait conclu avec une SARL une convention de prestation de services de 24 mois. Les parties ont ensuite régularisé une convention de mandat social par laquelle la SARL se voyait confier la direction générale de la SAS. Peu avant la fin de leurs relations, la SARL avait été nommée aux fonctions de vice-président par l’assemblée générale.
La SARL assignait ensuite la SAS en paiement d’une indemnité de rupture contractuelle. Afin d’y échapper, la SAS invoquait la nullité de la convention de prestation de services pour défaut de cause sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux management fees.
Cette jurisprudence a été établie par deux arrêts remarqués que sont les arrêts Samo Gestion (Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-16.084) et Mecasonic (Cass. com., 23 octobre 2012, n°11-23.376) aux termes desquels la Cour de cassation a jugé que deux conventions de management fees conclues afin de confier à une société l’exercice de la direction générale d’une société anonyme étaient nulles pour défaut de cause.
Il est vrai que ces deux espèces présentaient la particularité suivante. Dans les deux cas, une société anonyme A avait pour dirigeant une personne physique B. B avait ensuite créé une société C laquelle concluait ensuite avec la société A une convention de prestation de services pour la fourniture de services de direction. L’obligation pour A de rémunérer C avait donc été jugée nulle pour absence de cause dans la mesure où celle-ci rémunérait une société tierce pour la mise à disposition de son propre dirigeant personne physique.
L’arrêt du 24 novembre 2015 remet-il en cause la jurisprudence Samo Gestion et Mecasonic ? Ou faut-il en déduire que la jurisprudence sur les management fees est inapplicable aux SAS ?
Il convient de relever en premier lieu que le cas d’espèce est différent, car ce n’est pas le dirigeant de la SAS qui avait été mis à disposition de celle-ci par le biais de la convention de prestation de services.
En effet, dire que la jurisprudence de la Cour de cassation sur les management fees serait inapplicable aux SAS paraît difficile à justifier dans la mesure où l’on ne voit pas comment le défaut de cause serait réparé.
Néanmoins et comme le souligne le Professeur Dondero (Dondero B., Le directeur général de SAS : mandataire social ou prestataire de services ? JCP E n° 2, 14 janvier 2016, 1018), « les arrêts de 2010 et 2012 pouvaient également être interprétés de manière plus large comme interdisant à un dirigeant social de déléguer ses pouvoirs à un tiers, y compris lorsque ce tiers n’a aucun lien avec le dirigeant ».
C’est l’apport de l’arrêt ici commenté en ce qu’il nous indique qu’en SAS, certaines fonctions de direction peuvent être confiées à une société tierce par le biais d’une convention dès lors que ses statuts ne l’empêchent pas.
En l’occurrence, les statuts de la SAS prévoyaient seulement des modalités applicables à la désignation du président, éventuellement assisté d’un vice-président, ce qui ne représentait pas un obstacle à ce que la société confie sa direction générale à une société tierce.
Rappelons que la jurisprudence sur les management fees s’inspire de la jurisprudence fiscale qui considère que le Code de commerce prévoit que c’est à l’assemblée générale de fixer la rémunération du mandataire social de sorte que cette règle de compétence interdit son contournement par une convention de prestation de services.
Enfin, l’on peut s’interroger sur la pérennité de cette jurisprudence eu égard à la disparition de la cause comme motif d’annulation des conventions et dont le sort a été scellé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Ses dispositions n’entreront cependant en vigueur que le 1er octobre prochain.