Manager avec un esprit entrepreneurial

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professionnelsLors d'une conférence organisée conjointement par Baker Tilly France et l'APDC*, plusieurs entrepreneurs ont fait part de leurs expériences qui peuvent servir de référence sur la manière de manager avec un esprit entrepreneurial. Pascal Ferron, vice-président de Baker Tilly France, le réseau des entrepreneurs qui parlent aux entrepreneurs, orchestrait les débats.

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Les intervenants, qui avaient tous des parcours entrepreneuriaux très différents, ont témoigné de leurs expériences vécues. Philippe Savajols a repris, après un parcours dans la finance dans des grands groupes, la société Isopace, spécialisée en aménagement de bureaux, en 2007. Pour lui, tout entrepreneur a, à la base, « une petite graine », qui, un jour, germe et grandit. Mais entrepreneur, on le devient aussi. Quand on reprend une entreprise, l'enthousiasme du démarrage n'empêche pas les erreurs. La différence avec un grand groupe, c'est que les conséquences sont quasiment immédiates. Résultat : on rectifie et on apprend très vite !

> Une volonté réelle de création de valeur

Pour Pascal Hardouin, qui a repris la maison Tapissier Seigneur, société familiale spécialisée dans la tapisserie d'ameublement de luxe, on n'est pas intrinsèquement entrepreneur, mais on le devient, par opportunité, par envie à un moment de son parcours professionnel, par nécessité aussi parfois. Etre entrepreneur, c'est avant tout une posture, avec une réelle création de valeur. Création de valeur comptable bien sûr, mais surtout création de valeur du travail effectué. Ceci est encore plus vrai dans une activité d'artisanat de luxe.

> Une organisation qui s'adapte par pragmatisme immédiat

Manager avec un esprit entrepreneurial, c'est tester, puis sélectionner et renforcer ce qui fonctionne, et éliminer très rapidement ce qui ne fonctionne pas. Simplissime... En théorie... mais plus facile à appliquer quand on est patron chez soi que lorsqu'on est cadre d'un grand groupe, où les lourdeurs hiérarchiques retardent considérablement, voire empêchent, de prendre des décisions pourtant salutaires.

Le groupe Altarea Cogedim, actuellement dirigé par son fondateur assisté par deux co-gérants, a su insuffler à ses cadres salariés cet esprit entrepreneurial. C'est ce dont témoigne Eric Dumas, directeur général Finances du groupe. Un exemple : quand Altarea a repris Cogedim, cette ancienne filiale de BNP Paribas était très institutionnelle. Après avoir identifié une piste possible dans les résidences seniors, un cadre a été missionné, avec son propre budget, pour construire une offre. Il a constitué son équipe, qui pendant trois ans n'a rien rapporté. Mais ils ont inventé à l'époque ce nouveau concept de résidences seniors, alternative aux maisons de retraite à la renommée peu attrayante. Résultat : ce type de résidences représente aujourd'hui 15 % des ventes du groupe.

Dans une logique entrepreneuriale, le choix des collaborateurs est également crucial. Quand on est entrepreneur dans l'âme, on privilégie généralement le recrutement de collaborateurs qui ont fait leurs preuves, pour gagner du temps et être efficace rapidement. Mais le patron doit s'adapter... Pascal Hardouin a dû revoir ses méthodes managériales. Dans sa vie de salarié, il gérait des cadres de la génération Y. A la tête de la maison Tapissier Seigneur, il gère une équipe d'artisans ultra-spécialisés. La manière de se comporter et de motiver ses troupes ne peut pas être la même !

> La primauté de l'opérationnel sur le fonctionnel

Dans le même ordre d'idées, l'esprit d'entreprendre suppose une capacité à favoriser ce qui produit à très court terme de la valeur pour l'entreprise. Pas de Powerpoint de 100 pages sur la stratégie envisagée pour les dix ans à venir, mais des décisions souvent à court terme, voire immédiates, pour assurer le chiffre d'affaires du mois ou du trimestre et les rentrées de cash correspondantes.

Ceci est vrai pour les PME, mais aussi dans les groupes qui ont su conserver cet esprit entrepreneurial. Chez Altarea Cogedim, les comités dédiés à un projet spécifique ont toujours été prioritaires sur d'autres comités plus fonctionnels mis en place au fur et à mesure que le groupe grandissait.

>Savoir passer des paliers

Lorsque Philippe Savajols a repris Isospace en 2008, le chiffre était de 1,6 million. Il atteint aujourd'hui 10 millions. Comment a-t-il réussi cette très forte croissance ? Selon ses propres termes : « en cassant la société tous les deux ans. J'essaie d'être super lisible. J'informe mes collaborateurs qu'une nouvelle aventure commence dans 6 mois, mais que dans deux ans on casse tout ! » Mais attention, « casser » au sens positif du terme. Casser ce qui est obsolète pour construire plus solide et surtout réorganiser, s'adapter pour proposer de nouvelles offres, être capable de répondre à la demande de clients plus exigeants, plus nombreux, avec des équipes qui s'étoffent.

Pour un dirigeant, savoir passer des paliers consiste aussi à savoir faire évoluer sa propre fonction. « Régulièrement, je renonce à réaliser moi-même des tâches que je délègue. Je ne fais plus du tout ce que je faisais il y a 7 ans », constate Philippe Savajols. Et surtout, le plus difficile est de savoir se séparer de collaborateurs qui malheureusement ne réussissent pas à s'adapter à la nouvelle configuration de l'entreprise, sans tenir compte de l'affect qui se crée dans les petites structures.

>Etre innovant tout en analysant les risques en permanence

Ce qui caractérise le management avec un esprit entrepreneurial, pour l'ensemble des intervenants, c'est l'audace, l'esprit rebelle, l'envie de se faire plaisir aussi ! Et la capacité d'innovation permanente. Même si elle sera traitée différemment dans une petite PME et un grand groupe, l'esprit reste le même.

Comme le résume très bien Pascal Hardouin en citant Nietzsche : « Il faut du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse. » A méditer !

En clôture des débats, Pascal Ferron a insisté sur un point essentiel : « Manager avec un esprit entrepreneurial, ce n'est pas réservé aux chefs d'entreprise, c'est un mode de pensée, une attitude, un esprit : c'est avoir une vision du long terme, aller toujours de l'avant, mais avec une analyse permanente des risques à mettre en face des enjeux, oser en conséquence et décider rapidement, gérer en souplesse, en mode agile et surtout ne jamais hésiter à changer de chemin tout en gardant le cap, à remettre en cause ce qui a été fait la veille, à consolider au fur et à mesure, en privilégiant l'Humain sur la théorie, sans oublier la théorie et en faisant confiance à ses équipes : c'est cela qui permet d'aller plus vite, plus loin, plus sûrement ! »

* Association des professionnels et directeurs comptabilité gestion

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