Comment sortir de la loi Hamon ?

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janin-audas2bisComment sortir de la loi Hamon sur l’obligation d’information des salariés préalable à une cession d’entreprise ? Il suffirait de changer le mot « cession » par « cessation », selon Janin Audas, commissaire aux comptes. 

Les articles 19 et 20 de la loi ESS du 31 juillet 2014, dite loi Hamon, impose une obligation d’information des salariés avant la cession de toute entreprise de moins de 250 salariés, afin de leur permettre de faire une offre de reprise et ce depuis le 1er novembre 2014.

L’ensemble des organisations et associations patronales et les professionnels de la transmission d’entreprise sont contre ce texte qui est un texte idéologique et inutile, et, en outre imprécis. N’oublions pas que cette obligation s’inscrit dans la loi « Economie sociale et solidaire » qui, selon l’exposé des motifs de la loi, entend « dépasser le modèle économique classique fondé sur la maximisation des profits ».

Rappel des objectifs annoncés par Monsieur le Ministre Hamon

Les articles 19 et 20 de la loi Economie Sociale et Solidaire mettent en place de prétendues « dispositions facilitant la transmission des entreprises à leurs salariés » afin « d’éviter la fermeture d’entreprises saines ou viables faute de repreneur ».

Selon Monsieur Hamon, il s’agit de rechercher une transmission interne lorsqu’aucune solutionexterne n’a pu être trouvée et ce, afin d’éviter une fermeture entrainant des licenciements.

Jusque-là, on ne peut qu’ être favorable, même si l’on peut penser qu’il n’y a pas besoin d’une loi pour initier un dialogue entre le dirigeant et les salariés susceptibles de pouvoir reprendre l’entreprise. Favoriser l’esprit d’entreprise est un objectifque nous devons promouvoir.

Le prétexte de Monsieur Hamon

Pour appuyer ce projet, Monsieur Hamon a déclaré qu’un grand nombre d’entreprises financièrement saines ne trouvaient pas de repreneur entrainant le licenciement de 50.000 salariés ! La réalité est très différente. Tous les professionnels du secteur de la transmission ont déclaré que cette situation n’existait pas car des entreprises saines et profitables finissent toujours par trouver un repreneur lorsque le prix de cession est cohérent avec leur rentabilité. En outre, on voit mal un entrepreneur préférer dissoudre son entreprise plutôt que de la céder à des salariés qui, dans une PME, ont nécessairement été informés d’un tel projet, ne serait-ce que de façon informelle, et, de ce fait, ont la possibilité de faire une proposition de reprise.

On peut comprendre que la loi organise une meilleure information des salariés dans une telle situation, mais il aurait été logique que cela ne se fasse qu’en l’absence d’un repreneur.

Cependant, la loi du 31 juillet ignore le bon sens et impose une information des salariés préalable à toute cession, ce qui ne correspond plus aux objectifs initiaux de sauver l’entreprise qui n’a pas pu trouver de repreneur. La loi prévoyait même que le défaut d’information préalable entraine la nullité d’une cession d’entreprise (le contraire de l’objectif recherché : la pérennité de l’entreprise et de l’emploi) ! Par définition, une cession signifie qu’un repreneur a été trouvé et, dès lors, la loi ne devrait pas avoir à s’appliquer ! Alors, pour quelle raison rendre nulle une cession dans ces conditions ? Rappelons que l’objectif de la loi est de trouver un repreneur aux entreprises qui n’en n’auraient pas trouvé ! Comprenne qui pourra ? Madame Fanny DOMBRE-COSTE, députée chargée par le Premier ministre de présenter des recommandations pour faciliter la transmission d’entreprise a reconnu dans son rapport que cette sanction était disproportionnée. Cependant la recommandation d’y substituer une amende pouvant atteindre 3% du prix de cession semble encore tellement déraisonnable que ce texte restera un frein à la transmission. La loi Macron a en partie corrigé le texte se basant sur les recommandations de Madame Fanny DOMBRE-COSTE, mais cela reste très insuffisant aux yeux des professionnels de la transmission.

Une loi contraire aux intérêts des salariés repreneurs

On peut affirmer que cette procédure d’information préalable est contraire aux intérêts des salariés-repreneurs puisqu’elle impose une entrée en négociation sur les conditions de la cession en amont du processus de cession et que le vendeur, sachant qu’il a déjà un repreneur potentiel, sera d’autant moins enclin à transiger sur certaines éléments de la cession (forme, prix, garanties…).

Une loi idéologique

Il est permis de penser que la loi souhaite instaurer un « quasi droit de préférence » au bénéfice des salariés. En effet, lorsqu’une offre sera présentée par un ou plusieurs salariés, le vendeur sera-t-il obligé de l’accepter ou bien, à conditions égales, pourrait-il vendre à un tiers ? Et si plusieurs offres concurrentes de salariés sont présentées, le vendeur aurait-il la possibilité de choisir parmi les différentes offres ? Selon quels critères ? La loi n’apporte pas de réponse à ces questions et à bien d’autres.

On aura compris que le texte va très au-delà de la motivation initialement annoncée. Etait-ce un faux prétexte pour faire passer une mesure peu avouable (un droit de préemption des salariés) ? Il est raisonnable de le penser.

L’absurdité : rendre public ce qui doit rester confidentiel

Outre l’inapplicabilité du texte dans la « vraie vie » des transmissions d’entreprise (voir les nombreuses réactions sur ce thème des professionnels de la transmission), ces obligations sont contraires aux intérêts des entreprises et de leurs salariés car elles vont ralentir, complexifier etfragiliser les opérations de cession et de transmission en les rendant quasi publiques.

En effet, la règle d’or en matière de transmission et de cession est la confidentialité et la discrétion, cela afin de ne pas détourner le potentiel de l’entreprise au profit de ses concurrents (clients, salariés, fournisseurs, banquiers…). Informer la totalité des salariés (jusqu’à 250) équivaut à porter sur la place publique l’intention des vendeurs de céder, et ce, malgré l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les salariés.

Et que dire de l’obligation faite aux propriétaires d’entreprise d’information des salariés, tous les 3 ans, sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés ! Encore une obligation administrative inutile.

Les décrets qui ont été publiés fin octobre 2014 ne font que préciser (et quelquefois contredire) certaines modalités d’application d’un texte inapplicable et contraire aux intérêts des acquéreurs et investisseurs, de l’emploi et de la France. En effet, qui aura envie d’investir dans un pays qui empêche « une libre cession des entreprises » ?

Ce texte doit certainement s’inscrire dans le cadre du « choc de simplification » et dans « le contrat de compétitivité emploi » !

La modification proposée : changer cession par cessation

Pour réaliser l’objectif initialement annoncé, nous aurions compris qu’une obligation d’information soit faite aux entrepreneurs qui n’ont pas trouvé de repreneur et qui se verraient contraints de dissoudre leur entreprise. Dans ce cas, le ou les salariés intéressés se trouveraient en meilleure situation de négociation et gageons qu’ils pourraient acquérir l’entreprise dans des conditions avantageuses (le prix pourrait être calculé en fonction du solde disponible après liquidation amiable). Ainsi, on ferait d’une pierre deux coups : l’entreprise ne serait pas dissoute et les salariés pourraient négocier des conditions très favorables.

Une loi inefficace et absurde

La lecture attentive de la loi et des décrets rend cette disposition inapplicable. En outre, la sanction d’annulation de la vente était absurde dès lors qu’aucune obligation de céder à un ou plusieurs salariés ne peut, constitutionnellement, être imposée et que l’objectif de pérennité est atteint. Le Conseil constitutionnel s’est d’ailleurs prononcé en ce sens.

Nous regrettons quela loi Macron n’ait tout simplement pas changé le mot cession par cessation d’entreprise. Cette simple modification aurait eu le mérite de conserver le volet social du texte et de le rendre opérant.
Les professionnels de la transmission espèrent « une modification de la loi ayant modifié la loi initiale ».


Janin AUDAS

Commissaire aux comptes - Conseil en management et transmission d’entreprise – Expert-comptable honoraire. Associé de 01 AUDIT ASSISTANCE.
Vice-président du Mouvement ETHIC - Président de la Commission PME et finances 

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