La nouvelle gouvernance des PME

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

professionnelsLes nouveaux entrepreneurs fonctionnent différemment. Gilles Blanchard, expert-comptable associé Baker Tilly, explique leurs nouvelles bonnes pratiques.

baker-tilly-france

Pour reprendre l'image du navigateur, gouverner c'est définir le cap (la vision), tracer la route (la stratégie), conduire le navire et l'équipage à bon port (la gestion et le management).

> L'exercice solitaire du pouvoir n'est plus de mise

La gouvernance est le système de direction et de contrôle dont l'entreprise se dote pour atteindre ses objectifs. Elle est constituée du dirigeant lui-même, qui est au cœur du dispositif, d'une équipe autour de lui, pour le challenger et l'encourager (associés, administrateurs, comité de direction, conseils), et des règles qui assurent un fonctionnement harmonieux entre tous.

Si le leadership du chef d'entreprise reste une condition du succès, l'exercice solitaire du pouvoir n'est plus de mise aujourd'hui et la réussite repose tout autant sur sa capacité à s'entourer des bonnes personnes.

> Les nouveaux entrepreneurs sont à l'image de leur génération

Les nouveaux entrepreneurs sont à l'image de leur génération, la génération Y. Ils sont très informés, ils communiquent beaucoup, et n'ont pas peur de partager, avec d'autres entrepreneurs notamment. Ils incarnent un exercice beaucoup plus collaboratif, beaucoup plus en réseau de la gouvernance, contrairement à un mode plus solitaire du pouvoir qui a pu être pratiqué antérieurement.

> De nouvelles pratiques basées sur l'échange

Ils fonctionnent différemment avec Internet, les réseaux sociaux, l'information disponible et gratuite à tout moment et les échanges immédiats. L'ouverture au monde fait partie de leur ADN et cela se ressent dans la façon de diriger leurs entreprises, avec un exercice moins solitaire et davantage basé sur la communication interne et externe. Cette évolution n'est pas vraiment en rapport avec la personnalité du dirigeant, mais plutôt avec les modes de fonctionnement et la culture de notre époque.

Les dirigeants « moins jeunes » n'échappent pas à leur temps et adaptent leurs modes de gouvernance aux exigences de l'économie moderne : créer de la valeur, expliquer, informer, donner du sens...

> La remise en cause des modèles trop hiérarchisés

En termes de management, la tendance observée est clairement à la remise en cause des modèles trop hiérarchisés et directifs vers des modèles faisant davantage participer les salariés au fonctionnement de leur entreprise. On observe un mouvement de fond de co-construction, de responsabilisation des collaborateurs de l'entreprise jusqu'à certaines initiatives de libération qui aboutissent à modifier les processus de décision au profit du collectif. C'est un management moins centralisé, moins pyramidal.

En termes de communication, l'heure n'est plus au secret absolu mais à l'échange. Gilles Blanchard donne un exemple : « Je citerai le cas de deux chefs d'entreprise, pourtant concurrents sur le même marché local, qui s'échangent systématiquement leurs bilans et quelques ratios clés pour confronter leur business model. Ils considèrent qu'ils ont davantage à gagner en comparant leurs points forts et leurs points faibles, leurs marges, leurs ratios de gestion, qu'en s'enfermant dans le secret et l'appréhension. Ils ont décidé de jouer gagnant/gagnant. »

En termes capitalistiques ou de direction, on remet également en cause le mode d'exercice solitaire (un associé-dirigeant) qui a certes le mérite de la simplicité mais ne comble pas le besoin du dirigeant soit de partager son projet avec d'autres, soit d'organiser la concertation avant de prendre des décisions.

Le recours à un conseil externe ou à un coach constitue un premier niveau de réponse approprié.

> Une tendance à l'ouverture du capital et des conseils d'administration

En termes de management, on observe actuellement une tendance de plus en plus marquée à l'ouverture du capital ou à l'accès aux conseils d'administration à des personnes extérieures et non impliquées dans l'opérationnel et l'exécutif, qui vont enrichir le débat sur la stratégie de l'entreprise grâce à leur neutralité et à leur apport d'expérience.

Deux exemples peuvent être cités :
- un concessionnaire automobile qui a intégré dans son conseil d'administration un autre concessionnaire (certes d'une autre marque et dans un autre territoire) à même de challenger sa propre stratégie ;
- un jeune créateur d'entreprise, qui, après trois ans d'activité, avait déjà 25 collaborateurs, a intégré dans sa SAS des associés qui ne travaillent pas dans l'entreprise, mais qui sont eux-mêmes dirigeants et/ou ont une excellente compréhension des problèmes économiques.

La désignation dans les conseils de direction d'administrateurs indépendants moins exposés aux risques de conflits d'intérêts ou de considérations trop émotionnelles peut être une bonne pratique pour améliorer le processus de prises de décisions.

> Toutes les structures sont concernées

L'aménagement des règles de gouvernance n'est pas réservé aux seules grandes entreprises qui les ont adoptées souvent par obligation légale, pour donner des garanties de transparence aux actionnaires ou aux salariés. Toutes les entreprises, depuis l'entreprise individuelle artisanale ou libérale jusqu'aux PME de taille significative, sans oublier le secteur non marchand, sont concernées. La question de la gouvernance doit être posée non pas en termes d'obligation (la réglementation, qui n'apporte pas souvent l'effet attendu, est déjà excessive) mais en termes de volontarisme.

Les PME doivent se saisir de la question de la gouvernance, pour mettre en place une gouvernance sur-mesure, qui tienne compte du profil et de la personnalité du dirigeant et des besoins propres de son entreprise. L'idée est d'améliorer les processus d'information et de décision en constituant une équipe adéquate autour du dirigeant.

> Quelques conseils aux dirigeants

Selon Gilles Blanchard, le dirigeant doit se poser les questions suivantes :
- Quelle est ma vision, de quoi a besoin mon entreprise ?
- Qu'est-ce qui est essentiel pour moi ?
- Quel dirigeant je suis, quels sont mes talents ?
- Quels sont les "cailloux" qui m'empêchent d'avancer ?

Tous les dirigeants qui engagent cette réflexion constatent qu'ils ont besoin des autres pour trouver les réponses appropriées... et le processus de changement peut alors s'engager, avec un formidable levier pour l'entreprise.

> Le rôle fondamental des conseils

Les conseils de l'entreprise, et notamment l'expert-comptable, peut être cet "autre" qui aide le dirigeant à se questionner sur son mode de fonctionnement et son mode de pilotage, pour améliorer la gouvernance de son entreprise, le faire grandir en tant que dirigeant, et faire grandir son entreprise. Plus qu'une mission de conseil, c'est une véritable mission de coaching de dirigeant qui est utile à l'entreprise et à son dirigeant.

Les Annuaires du Monde du Chiffre