Philippe Barré : « Le conseil n’est pas le métier de demain des experts-comptables »

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Auteur du livre « Comment réussir la transformation numérique du cabinet ? », l’expert-comptable et commissaire aux comptes Philippe Barré expose son point de vue sur la transition digitale dans le monde du chiffre et plus généralement, sur l’avenir des cabinets.

Quel va être selon vous l’effet de la révolution numérique sur les cabinets d’expertise comptable ?

Vaste sujet… Pour aller à l’essentiel, le numérique aura un impact considérable en premier lieu sur le modèle économique des cabinets. L’activité actuelle des experts-comptables va être remise en cause, car les logiciels effectueront une large part des missions aujourd’hui assurées par les collaborateurs.

La seconde conséquence, directement liée, est que les employés auront moins d’activité. Tout l’enjeu du cabinet face au numérique consiste ainsi à repenser les process de production et retrouver d’autres missions, d’autres sources d’activité pour pouvoir maintenir le chiffre d’affaires et conserver les collaborateurs.

Comment réaliser cette transformation digitale qui semble aujourd’hui un impératif pour les cabinets comptables ?

Incontestablement c’est un impératif, les cabinets doivent se mettre en transformation. Comment faire ? Il faut commencer par savoir quelles missions nous effectuerons demain. Il convient d’y penser dès aujourd’hui car les activités traditionnelles vont baisser doucement. Il faut être prêt à les remplacer par de nouveaux services lorsque le seuil critique adviendra.

La question est comment trouver ces nouvelles missions. Contrairement à ce que l’on entend ou lit partout, ce ne sera pas du conseil. Le conseil n’est pas le métier de demain des experts-comptables. Pourquoi ? Parce que le conseil est un métier souvent extrêmement pointu et qui n’est pas récurrent. A l’inverse, le métier qui permettra aux experts-comptables non seulement de maintenir leur chiffre d’affaires mais aussi de conserver les collaborateurs, c’est l’accompagnement. On pourrait croire que c’est à peu près la même chose et que l’on joue sur les mots, mais ces deux missions n’ont rien à voir.

Tout d’abord, l’accompagnement est une activité récurrente, qui advient avec la même régularité que la mission historique de comptabilité, alors que le conseil n’a lieu que très ponctuellement. Ensuite, l’accompagnement peut être assuré par les collaborateurs historiques, généralistes, du cabinet qu’il faudra néanmoins former. Ce n’est pas le fait de spécialistes de très haut niveau qui intégreraient l’entreprise uniquement pour développer du conseil.

Je vous rappelle en effet que l’enjeu est de garder les collaborateurs. Il faut donc que les missions de demain aient les mêmes caractéristiques industrielles que celles d’aujourd’hui.

En quoi consiste l’accompagnement concrètement ?

Il y a différents types d’accompagnement. Le premier, qui est probablement le plus naturel, est l’accompagnement au pilotage. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Cela veut dire qu’il ne faut pas se contenter d’envoyer chaque mois un tableau de bord au client par mail. Cela ne sert absolument à rien. Il n’y comprend rien, il n’a pas le temps de s’en occuper et en définitive, il ne sait pas quelles décisions prendre avec ce document. A l’inverse, il convient chaque mois de prendre rendez-vous avec son client pour parler pendant une heure de son entreprise, voir ce qui a fonctionné depuis l’entrevue précédente et établir un plan d’action pour les semaines à venir.

Par exemple, si le client n’a pas été payé sur certaines échéances, il faut lui proposer de s’occuper des relances et du recouvrement. Lorsque le client encaissera de l’argent grâce à son expert-comptable, il saura pourquoi il a envie de le rémunérer !

Propos recueillis par Hugues Robert

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