Quelles sont les différentes formes de négociations entre repreneur et cédant lors d’une transmission d’entreprise ?

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Une tribune d'Olivier Meier, Professeur des Universités, et Thierry Lamarque, Président-Fondateur du cabinet Althéo.

Existe-t-il différentes stratégies de négociation dans le cas d’une reprise d’entreprise ?

Olivier Meier : Oui, absolument, les discussions relatives aux transmissions d’entreprises mettent en jeu plusieurs stratégies habituellement utilisées dans toutes formes de négociations. Dans ce domaine, on retiendra deux processus majeurs en matière de négociation. Le premier s’inscrit dans une logique d’affrontement, en vue de créer un rapport de domination pour imposer ses vues. Le second privilégie la logique de coopération dans une démarche gagnant-gagnant, en misant sur l’écoute active et la confiance. Très liés à la personnalité des acteurs en présence mais aussi au contexte (enjeux, intérêts, contraintes), ces choix en matière de stratégies ne présentent cependant pas la même efficacité. L’expérience tend à montrer qu’il existe quatre grandes stratégies de négociations. Celles-ci impliquent des comportements, pratiques et risques différents pour les deux parties. La stratégie la plus connue est naturellement le rapport de force. Par nature conflictuelle, cette façon particulière de négocier consiste à imposer sa loi à son interlocuteur. La formule « c’est à prendre ou à laisser ! » caractérise cette approche illustrée par le célèbre adage de Jean de La Fontaine « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Appliquée par l’une des parties, cette stratégie aboutit le plus souvent à l’arrêt brutal des pourparlers, ou à la soumission de l’interlocuteur qui risque alors de développer une certaine forme de rancune, préjudiciable à moyen ou long terme pour l’autre partie. Proche de la stratégie précédente par ses conséquences conflictuelles, on trouve également l’art de la manipulation (bluff, mensonge, dissimulation, menace, mauvaise foi...). Cette approche consiste à s’approprier l’essentiel de la valeur à négocier, non par la force mais par la ruse.

Peut-on citer des stratégies plus constructives, au sein desquelles chaque acteur économique peut réellement tirer bénéfice de la transaction ?

Thierry Lamarque : Les stratégies de rapport de force ou de manipulation sont en effet une pratique courante dans certains contextes tels que les revendications syndicales ou les négociations dans la grande distribution. Mais à côté de ces deux options, la stratégie du compromis est une façon de négocier qui s’inscrit dans une démarche collaborative. En effet, il ne s’agit pas de « gagner contre », mais de « gagner avec ». Même si ces discussions procèdent d’un jeu à somme nulle, dans lequel ce que gagne l’un, l’autre le perd, les interlocuteurs coopèrent pour partager la valeur dans l’intérêt bien compris de chacun. Cette stratégie du compromis est souvent utilisée « en fin de partie » par les partenaires concernés. Mais attention, tout de même, car « couper la poire en deux » peut constituer un bon compromis... mais aussi un mauvais arrangement ! Une autre stratégie est celle qui combine les intérêts des deux parties, dans une logique de gains mutuels. Développée par des chercheurs de Harvard dans les années 80, cette approche consiste à placer les négociations dans un jeu à somme non nulle, en créant de la valeur avant de la partager. Ce que gagne l’un ne se fait pas forcément au détriment de l’autre, et les négociateurs évoluent dans un schéma gagnant-gagnant. Par exemple, cette stratégie peut conduire un repreneur à acheter une entreprise au-delà de son « juste prix », à condition qu’elle continue à progresser dans les années suivant la cession (principe du complément de prix de type earn out).

Finalement, quelles recommandations peut-on donner en matière de stratégies de négociation ?

Olivier Meier : Il n’y a pas dans ce domaine de stratégie « one best way », compte tenu du nombre d’éléments personnels, relationnels et contextuels à prendre en compte. En soi, toute stratégie de négociation peut être envisagée et peut se justifier. Les choix finaux dépendent souvent du contexte et du profil des interlocuteurs. La bonne stratégie consiste donc en une approche contextualisée qui s’attache à préciser les avantages réels attendus dans le cadre de la transaction (pouvoir de marché, synergies, image et réputation), en veillant à éviter toute forme excessive de soumission.

Thierry Lamarque : Cet aspect est en effet très important. Toute négociation de reprise d’entreprise est en soi différente. Il n’y a pas de loi universelle. Les pourparlers repreneur-cédant voient alterner les stratégies évoquées, qu’elles soient de nature conflictuelle ou collaborative. Mais naturellement, il est judicieux de privilégier la stratégie des gains mutuels car elle permet de prendre en compte les intérêts des deux parties. De plus, elle contribue à pérenniser la relation entre le repreneur et le cédant, en particulier lors de la période d’accompagnement post-cession.

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