L’outil-logiciel au cœur de la transformation des métiers de l’expertise comptable

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Face à l’apparition du cygne noir qu’est le Covid-19, comment les experts-comptables peuvent-ils réagir et anticiper les transformations de leur métier ? Pour Inqom, la remise en cause des outils-logiciels constitue un élément de réponse. René-Pierre Marionneau, Co-Fondateur et expert-comptable, vous donne son point de vue sur ce sujet.

Deux phénomènes paraissent cristalliser les préoccupations des cabinets comptables et sous-tendre leurs orientations stratégiques, notamment à l’endroit de leur outil de production.

1) La rentabilité en question

La déplaisante réalité statistique de la diminution du panier moyen, même si elle recouvre des situations diverses, traduit des conditions de concurrence et de productivité accrues.

L’amélioration de l’efficacité des cabinets d’expertise comptable contribue nécessairement à cette tendance, mais sans doute pas de manière exclusive. Notamment : à la suite des offres low-cost des cabinets en ligne, les offres d’opérateurs extérieurs à la profession, type Indy, acquièrent de la visibilité et les banques commencent à entrer dans la partie (offre ACASI-Banque Populaire) avec des propositions financièrement de plus en plus alléchantes pour les entreprises.

L’introduction de la facture électronique agira probablement comme un accélérateur. En effet, compte tenu des risques que la pandémie fait courir à l’économie, la compétitivité des entreprises devra, plus que jamais, être au premier rang des préoccupations de nos gouvernants. Ceux-ci n’ignorant pas que les obligations déclaratives sont trop lourdes et ayant, depuis plusieurs décennies et toutes tendances politiques confondues, spectaculairement échoué à réduire ce boulet, ne manqueront pas l’occasion d’en diminuer le coût aux dépens des experts comptables ; une fois de plus, serais-je tenté de dire.

A cet égard, la conclusion du rapport de la Direction générale des Finances publiques « La TVA à l’ère du digital en France » est tout à fait éclairante. Il s’agit en effet de « renforcer la compétitivité des entreprises grâce à la diminution de la charge administrative de constitution, d’envoi et de traitement des factures au format papier ».

Sachant d’une part, que la généralisation de la facture électronique est un préalable à la vérification puis au calcul automatique des déclarations de chiffre d’affaires et d’autre part, que les données structurées présentes dans les factures électroniques constituent une matière première digitale de choix pour les logiciels d’IA dans la perspective d’une production automatique de données comptables, il est permis de penser que la prestation de l’expert-comptable, dans sa configuration présente, explique une bonne partie des économies évoquées.

Il n’est donc pas douteux que les marges continueront de baisser sur les missions traditionnelles. Il est même probable que la disponibilité de données structurées du type facture électronique et les progrès de l’IA/ML (machine learning) occasionneront un jour l’apparition d’offres de comptabilité gratuite, en contrepartie de la mise à disposition des données traitées.

Certes, ces offres low-cost voire « no-cost » ne concerneront que des entreprises dont les besoins se limitent à l’accomplissement de leurs obligations légales, mais elles auront inévitablement des conséquences sur l’acceptabilité par les autres clients de tarifs plus élevés sur les prestations de base. Il est donc grand temps pour les cabinets qui ne l’ont pas encore fait, de renforcer leur proposition de valeur sur les terrains où leurs compétences seront mieux reconnues que dans l’exécution de travaux dont la puissance publique est, dans les faits, le principal demandeur.

2) L’impératif du SaaS

A la faveur des investissements très importants réalisés dans la Fintech, s’est développée une offre de solutions SaaS, très performantes, spécialisées dans des domaines de gestion connexes aux travaux comptables (paie, gestion des paiements, gestion de trésorerie, CRM, suivi de gestion...).

Ces solutions, dont l’ergonomie et le fonctionnement (accès et utilisation exclusivement via le navigateur, favorisant ainsi le travail collaboratif) sont parfaitement en phase avec les usages actuels de l’informatique sur le plan privé aussi bien que professionnel, font l’objet d’une adoption massive par les entreprises. La nécessité du télétravail ayant fait loi, ce mouvement s’est encore amplifié durant la pandémie.

Il n’est pas acceptable que tout ou partie de la profession comptable puisse continuer de rester à l’écart de ces pratiques. La demande d’outils comptables collaboratifs cabinet-client existe depuis longtemps, mais n’a trouvé du côté des éditeurs historiques que des réponses timides, partielles et souvent à caractère cosmétique.

La généralisation de ces outils est pourtant une opportunité pour les cabinets. A eux, en tant que premiers conseils des entreprises, de détecter les besoins organisationnels, effectuer les préconisations sur la base d’une large palette d’offres et assurer l’intégration à la comptabilité des flux de données entrants et sortants. S’ils ne le font pas, d’autres prendront la place. Certains se sont déjà clairement positionnés.

Le changement d’outil : une réponse inévitable

Pour Inqom, la question de l’outil de production est centrale car elle conditionne l’évolution des compétences et l’attitude des équipes. Aujourd’hui, la maîtrise d’outils complexes, non conçus pour un apprentissage intuitif, focalise une grande partie de l’énergie des collaborateurs qui, une fois la compétence acquise, se satisfont d’objectifs routiniers conformes à la logique du logiciel, mais excluant la curiosité « orientée business » nécessaire à un bon accompagnement des clients et à la vente de nouveaux services.

L’outil de demain sera un outil collaboratif, intelligent, ouvert et favorisant la productivité. Il sera au service des collaborateurs et des entreprises. En back-office, il pourra fonctionner en tâche de fond, de manière largement autonome sous la surveillance de data contrôleurs pour une utilisation optimale par les conseillers opérant en front, au contact des clients.

En confiant à la machine l’essentiel des travaux matériels, on pourra « concentrer le travail humain sur l’incalculable et l’inprogrammable », ce qui suppose de faire évoluer les compétences clés des collaborateurs dans le sens de l’orientation client, de bousculer les hiérarchies et d’encourager les échanges au sein des équipes pour entretenir l’idée d’une œuvre commune.

C’est à ces conditions que le cabinet d’expertise comptable, tout en évoluant vers une organisation classique d’entreprise de service, pourra faire vivre les valeurs d’initiative et d’indépendance qui sont celles d’une profession libérale.

René-Pierre Marionneau, Co-Fondateur et expert-comptable, Inqom

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