Interview fiscalité des crypto-monnaies : « La jurisprudence du Conseil d’Etat propose un dispositif plus adapté »

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thomas rone

Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 26 avril 2018 est venu modifier le régime fiscal des fameuses crypto-monnaies. Thomas Rone, Associé Gestion de Patrimoine chez Exco Nexiom, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre à ce sujet.

En matière de fiscalité des crypto-monnaies, il semble qu’il y ait un avant et un après l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 avril 2018. Quel était le régime fiscal des crypto-monnaies avant cette jurisprudence ?

Avant cette jurisprudence, les crypto-monnaies étaient imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec les prélèvements sociaux.

Il y avait également une distinction entre une fiscalité professionnelle pour les activités professionnelles d’achats et reventes de crypto-monnaies, avec des opérations répétées, et une fiscalité des particuliers dans le cas de transactions ponctuelles. Cette dichotomie est toujours d’actualité, même après l’arrêt du 26 avril 2018.

Justement, quels sont les changements apportés par cette jurisprudence ?

Une personne qui effectue des transactions sur des crypto-monnaies à titre professionnel et habituel continue d’être imposée à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. La nouvelle jurisprudence ne concerne que la fiscalité applicable aux particuliers qui se livrent à des ventes occasionnelles de crypto-monnaies.

Depuis l’arrêt du 26 avril 2018, les gains alors réalisés sont imposables selon le régime des plus-values de biens mobiliers, à ne pas confondre avec les valeurs mobilières : actions, obligations, etc. Le taux d’imposition est un taux forfaitaire de 19 % auquel se rajoutent les prélèvements sociaux. Mais surtout, ce régime permet de bénéficier d’un abattement pour durée de détention qui est de 5 % par an à partir de deux années de détention.

On a pu parler de cadeau fiscal du Conseil d’Etat à propos de cet arrêt. Est-ce véritablement le cas selon vous ?

La fiscalité baisse, cela est certain. Mais pour moi, il s’agit moins d’un cadeau fiscal que d'un allègement logique, naturel. C’est une fiscalité pour les particuliers et auparavant, les gains étaient intégralement imposés à la tranche marginale. L’imposition était donc trop élevée. La jurisprudence du Conseil d’Etat propose un dispositif plus adapté.

Ce nouveau régime va-t-il se maintenir ? Quel est votre point de vue sur l’avenir fiscal des crypto-monnaies ?

Il est probable qu’une loi vienne entériner la solution du Conseil d’Etat pour qu’elle prenne place dans un texte du Code général des impôts. La logique devrait être ainsi.

Pensez-vous que les crypto-monnaies puissent à l’avenir basculer dans le régime de la Flat Tax ?

La Flat Tax est le régime d’imposition des capitaux mobiliers. Elle s’applique aux valeurs mobilières. Alors, est-ce qu’une crypto-monnaie est une valeur mobilière de placement ? A priori non, c’est une monnaie. Donc je ne pense pas qu’on puisse la considérer comme sujette à la Flat Tax.

Dans l’esprit des gens, la crypto-monnaie fonctionne comme une valeur mobilière de placement car ils l’acquièrent un peu comme une action, avec les risques correspondants : la fluctuation, la volatilité, le manque de liquidité... Mais ce n’est pas le cas, c’est une monnaie, sans d’ailleurs qu’elle corresponde à la définition stricto sensu d’une monnaie puisqu’elle n’est pas frappée par un Etat ou réglementée sur des marchés, etc.

De plus, la Flat Tax propose certes un taux d’imposition inférieur de 6,2 points à celui du régime des plus-values de biens mobiliers. Mais comme nous l’avons vu, ce dernier propose par ailleurs un abattement pour durée de détention faisant qu’en définitive, il pourra s’avérer plus avantageux que la Flat Tax.

Propos recueillis par Hugues Robert

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