Les trois conditions pour assurer la validité d’un forfaits jours

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Le forfait jours est couramment utilisé par les entreprises, entre autres pour éviter de comptabiliser les heures supplémentaires. Emmanuel Labrousse, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, attire l’attention des employeurs sur le respect strict qui s’impose quant à sa mise en œuvre. Faute de quoi, en cas de litige, les heures supplémentaires seront dues.

Deux articles du Code de travail précisent les conditions selon lesquelles un forfait jours est valable. Le premier (art. L. 3121-64 du Code du travail) concerne l’accord collectif. Celui-ci détermine :

- les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

- les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise.

> Des dispositions supplémentaires s'appliquent

Le deuxième article (art. L. 3121-65, I. du Code du travail) prévoit, quant à lui, des dispositions supplétives : à défaut d’accord respectant le premier article, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve de respecter les trois conditions cumulatives suivantes :

1) L'employeur doit établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié.

2) L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.

3) L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Dans une récente affaire*, un salarié, licencié, avait été embauché sous convention de forfait en jours. Conformément à la première condition du deuxième article (L. 3121-65), l’employeur avait bien mis en place un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées et celui-ci avait été validé par le salarié. Cependant, le salarié alléguait qu’il lui avait été interdit de procéder à toute modification du document.

> L'employeur est condamné pour non-respect des conditions

La convention de forfait en jours a été annulée par la Cour d’appel et l’annulation a été confirmée par la Cour de cassation, pour les raisons suivantes :

- L’accord collectif, permettant le recours au forfait en jours, n’était pas conforme au premier article (L. 3121-64). La Cour a donc vérifié le respect des exigences du deuxième article (L. 3121-65).

Elle a constaté le non-respect de deux conditions :

- Non-respect de la deuxième condition : les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié ; peu importe qu’ils aient été renseignés par ce dernier puisque les tableaux doivent être établis sous la responsabilité de l’employeur. Ainsi, l’employeur ne pouvait pas s’assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.

- Non-respect de la troisième condition : l’employeur n’avait pas organisé l’entretien annuel obligatoire avec le salarié pour évoquer sa charge de travail.

> Les leçons à retenir

Cet arrêt permet de rappeler qu’en l’absence de dispositions conventionnelles suffisantes, l’employeur peut prévoir des mesures supplétives qui doivent impérativement être respectées. À défaut, le forfait en jours est nul et le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures par semaine.

Selon Emmanuel Labrousse : « Si le forfait annuel en jours peut apparaître pour certains employeurs comme un moyen de contournement pour le décompte des heures supplémentaires, il n’en demeure pas moins un outil risqué dans sa mise en œuvre : les conditions d’éligibilité (dispositif réservé aux cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps) et de suivi devront être appliquées de façon particulièrement stricte pour éviter tout risque juridique et financier. »

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* Cour de cassation, Chambre sociale, 10 janvier 2024, n°22-15.782

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