Appréhender les 100 premiers jours après la reprise

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Lors de l'événement Transfair, le salon de la reprise d’entreprise, Pascal Ferron, Vice-Président de Walter France, et Stéphane Meunier, Conseiller reprise transmission à la CCI de Paris Ile-de-France, ont expliqué pourquoi le repreneur devait faire preuve de beaucoup de psychologie lors des 100 premiers jours après la reprise.

Généralement, avant de s’asseoir dans son tout nouveau fauteuil de dirigeant, le repreneur a passé un certain nombre de mois à négocier avec le cédant. Mais dès que la reprise est effective, très souvent, il va découvrir une autre facette de la personnalité de celui-ci. Et des deux côtés, le premier jour est synonyme de beaucoup d’émotions. Le repreneur doit quitter son costume de cadre dirigeant pour endosser celui de chef d’entreprise, et il va découvrir les exigences de sa nouvelle posture ! C’est une véritable révolution culturelle. Côté cédant, celui-ci tourne l’une des pages les plus importantes de sa vie professionnelle et doit accepter de laisser la place. C’est tout sauf évident...

Décompresser avant la reprise, se reposer pour être en pleine forme le jour J

Le parcours de la reprise d’entreprise est semé d’embûches : difficultés à trouver une entreprise, difficultés de négociation, perte de temps avec les cédants qui ne sont pas vraiment vendeurs, etc. Cela peut être usant. En revanche, juste avant la reprise, il ne se passe plus grand-chose. C’est le moment pour le repreneur de reprendre des forces. Car dès le premier jour, c’est un rythme souvent effréné qui va se déclencher. Et ce n’est pas toujours facile pour la famille qui a pu s’habituer à davantage de disponibilité.

Veiller à ce que le cédant ne présente pas son successeur comme un apprenti repreneur

C’est le repreneur qui est le nouveau boss, qui prend les décisions, et tout de suite, pas dans trois mois. Il s’est généralement beaucoup endetté, parfois il ne connaît pas ou peu le métier de l’entreprise qu’il reprend, il va donc manager en tenant compte notamment des contraintes engendrées par sa dette. Il est condamné à faire mieux que le cédant.

Mais en même temps, il doit le ménager pour ne pas le heurter, souvent à cause de détails insignifiants. C’est délicat sur le plan humain, et tout est affaire de psychologie.

Côté cédant, celui-ci est parfois plus détendu après avoir signé, mais il peut arriver qu’il soit néfaste. En effet, il a choisi son repreneur, l’important est de ne pas le décevoir. Il n’y a rien de pire qu’un cédant qui « savonne la planche » du repreneur, même inconsciemment, auprès des clients ou de l’équipe, parce que ce dernier le déçoit par rapport à l’idée qu’il s’en faisait !

Capter auprès du cédant tout ce qui n’est pas documenté

Dès le premier jour, le repreneur rentre dans le vif du sujet en essayant de « ménager la chèvre et le chou » ! Et surtout, en tentant de capter toutes les informations dont le cédant a connaissance et que l’on ne trouve nulle part documentées. Cela nécessite une certaine rondeur de la part du repreneur. Pascal Ferron conseille : « C’est sûr, si au bout de quelques jours le repreneur découvre des faits qui justifieraient la mise en œuvre de la garantie de passif, mieux vaut y réfléchir à deux fois. Si le montant en jeu reste raisonnable, on a vu certains repreneurs préférer y renoncer plutôt que de se mettre le cédant définitivement à dos ! »

Ne pas se laisser abattre par les mauvaises nouvelles, c’est normal !

Toutes les bonnes nouvelles, le cédant les a déjà annoncées pendant les négociations pour vendre son affaire au meilleur prix. Par voie de conséquence, une fois à la tête de l’entreprise, au début, le repreneur ne va plus découvrir que les mauvaises nouvelles. Selon Stéphane Meunier : « Si le cédant a bien préparé sa reprise, il aura optimisé ses comptes. En clair : il aura pu bloquer les salaires, ou retarder l’entretien des machines. Il appartiendra au repreneur de rouvrir, si besoin est, les robinets. » Même si les audits sont bien réalisés, le repreneur, à son arrivée, n’a qu’une connaissance superficielle de l’entreprise. Pour résumer, il va mettre 20 ans d’économies dans 20 % d’espaces connus…

Ne pas tout révolutionner les premiers temps

L’entreprise a vécu sans le repreneur pendant des années, elle peut perdurer quelques jours de plus ainsi. Cela n’est pas toujours facile, car le repreneur a tendance à vouloir immédiatement initier son plan d’actions. Oui, mais... il est tout aussi important pour lui de s’imprégner de la culture de l’entreprise et de comprendre toutes les interactions. D’autant plus que la to do list ne sera jamais celle qui était prévue au départ ! Une chose est le business plan vendu aux banquiers pour obtenir le prêt, une autre chose est la réalité de l’entreprise et le pragmatisme nécessaire, même s’il est tout à fait légitime que le repreneur agisse à sa manière et ne se laisse pas influencer par les autres.

La priorité : discuter avec les salariés

Tout ce qui est humain, l’entrepreneur va le découvrir les premiers jours. Pour Pascal Ferron : « La première urgence est d’aller à la rencontre des salariés, un par un, sur leur lieu de travail, pas dans le bureau de la direction ! En effet, le repreneur est le nouveau patron, et même s’il a un langage rassurant, les salariés savent que cela va changer, et ce qui les angoisse, c’est ce qui va changer pour eux. » Attention à ne pas garder le même rythme que lors des road-shows devant les banquiers et les business angels ! Car sinon les salariés vont être tétanisés, et vont laisser leur nouveau patron partir devant tout seul...

Aller voir les clients

Si la tentation est forte de rencontrer prioritairement les plus gros clients, cela est loin d’être une bonne idée. En effet, mieux vaut se faire la main avec les petits clients, et n’aller voir les plus importants que lorsque le repreneur sera suffisamment armé. Du côté des fournisseurs, rappelons que le premier argent gagné est celui qu’on ne dépense pas. Il peut être en conséquence judicieux de renégocier les contrats avec certains fournisseurs, y regarder à deux fois avant de payer les factures, etc. Et bien évidemment, le tour des banquiers sera obligatoire assez rapidement...

Stéphane Meunier insiste : « Quel que soit l’interlocuteur – salarié, client, fournisseur, banquier – le maître mot est : rassurer. »

Définir une période courte d’accompagnement par le cédant

Dans le protocole de reprise, il est recommandé de ne pas figer la période d’accompagnement, car le plus souvent, au bout de quinze jours, le repreneur aura du mal à supporter la présence du cédant qui ne pourra s’empêcher de faire remarquer que, lui, ne faisait pas comme ceci ou comme cela... Le mieux est de fixer une période courte, puis de faire appel ponctuellement au cédant pour des coups de main sur un appel d’offre ou un souci technique par exemple, avec des honoraires en contrepartie. C’est là réellement un point d’attention pour le repreneur : la confrontation de deux egos peut vite devenir compliquée.

Pour Pascal Ferron : « L’important pour le repreneur est d’arriver le premier jour serein et détendu, avec beaucoup d’humilité face au cédant qui a passé vingt ou trente ans à la tête de son entreprise. Il doit observer, écouter et rassurer. Hâtez-vous de prendre le temps… »

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