Les cabinets comptables connaissent-ils réellement leurs futurs nouveaux clients ? Bercée par les technologies, la nouvelle génération en phase de créer et diriger une entreprise ne s’apprivoise plus comme la génération précédente.
Que ce soit pour écouter de la musique (Spotify, Deezer…), regarder une série ou un film (services de replay, Netflix…), pour acheter des vêtements (livraisons et retours gratuits sur Asos), des repas (Deliveroo…) ou encore, pour acheter des biens de la vie courante (Amazon…), tout ce qu’un client consomme et achète est désormais régi par des règles : instantanéité, rapidité et simplicité de l’offre, liberté dans l’engagement, possibilité d’en profiter partout.
Il faut cesser de croire que le chef d’entreprise à la recherche d’un cabinet comptable est différent d’un client lambda. Entre acheter une paire de chaussures sur le web et confier les finances de son entreprise à une personne de confiance, évidemment il existe un gouffre. Le débat est ailleurs. En comprenant comment est le futur client, il sera plus facile pour un cabinet de le fidéliser. Bien souvent, adapter son offre sur la demande du marché est mal perçu par certaines corporations, presque comme une atteinte à la noblesse ou à l’expertise dudit métier. C’est un non-sens. Ou alors que dire des 75 000 professionnels de santé qui utilisent la plate-forme de mise en relation Doctolib ? Est-ce que ces praticiens sont des médecins « au rabais » ? Pas du tout, juste des médecins en adéquation avec les valeurs clients de leur époque.
Une demande client plus complexe à cerner
La profession comptable a longtemps pu s’appuyer sur « sa » catégorie phare : le dirigeant d’une entreprise familiale. Fidèle à son expert-comptable de père en fils, le chef d’entreprise était un prescripteur de choix pour les petits et moyens cabinets. Par exemple, avant les années 2000, la moyenne d’ancienneté client pour un cabinet régional était souvent comprise entre 10 et 15 ans, soit un taux de rétention des clients de plus de 90 % ! Un chiffre que beaucoup de professions ont envié aux comptables pendant de nombreuses années. Mais depuis, les nouvelles technologies et leurs outils, le cloud en tête, ont transformé les habitudes de consommation de la population.
En 2017, l’âge moyen des créateurs d’entreprise individuelle est de 36 ans, contre 37 ans en 2016 et 38 ans en 2015. La part des moins de 30 ans parmi les créateurs d’entreprise individuelle augmente : elle était de 37 % en 2017, contre 35 % en 2016. Les personnes actuellement en âge de créer et de gérer des entreprises ont grandi avec ces nouvelles offres technologiques, qu’elles utilisent quotidiennement, car celles-ci sont devenues le dénominateur commun de leur existence. Rien de plus logique, donc, que cette génération applique un schéma identique dans la conduite de la vie professionnelle.
Evidemment, ces nouveaux entrepreneurs ne représentent pas actuellement la totalité de la clientèle des cabinets. Mais de nombreux indicateurs montrent que nous en prenons irrémédiablement le chemin. Du coup, la demande client d’un cabinet risque de se complexifier invariablement. Il existera toujours des chefs d’entreprise à la recherche d’une forme de sécurité ou de connivence dans leur relation comptable, mais la nouvelle génération d'entrepreneurs fera, elle, de l’efficacité son critère de choix numéro un.
Vos futurs clients seront volatiles
Un entrepreneur n’hésite pas à faire des infidélités à son expert-comptable. C’est une réalité à laquelle il va falloir s’habituer. Si le bouche-à-oreille a toujours été la méthode de recommandation par excellence dans la profession, le monde de la comptabilité ne sera bientôt plus un pré carré, où cette simple recommandation garantit la fidélité du client. Aguerri aux nouvelles technologies, l’entrepreneur-client, lui, se sert d’internet pour se renseigner sur son expert-comptable. Il scrute les avis, cherche la personne la plus qualifiée pour son secteur d’activité, compare les prix dans une zone géographique large… Dans sa dernière étude sur les comportements du consommateur, le cabinet CSA Research avançait d’ailleurs une corrélation symptomatique de notre société actuelle : plus un client est technophile, plus il aura une attitude volatile vis-à-vis de sa consommation.
« La nouvelle génération technophile adopte un comportement de chasseur dans la recherche d'offres. Mais surtout, elle se montre particulièrement réceptive à la communication des marques. Son infidélité n'est pas liée à un désintérêt de sa part, envers un produit ou une offre, mais plus à une recherche constante d’efficience. » (David Juzdzewski, Data scientist pour l'institut CSA Research)
Vos futurs clients seront itinérants
La nouvelle génération de chefs d’entreprise se distinguent également par leur itinérance. Habitués à consommer depuis un ordinateur et un smartphone pour la plupart de leurs besoins, ils ne se limitent plus à un périmètre géographique. Prenons un exemple simple : je suis à la tête d’une entreprise de BTP. Si j’estime que je trouverais des meilleurs matériaux, non plus près de chez moi comme c’était le cas avant, mais à l’autre bout de la France, pour quelles raisons ne me fournirais-je pas ailleurs ? Surtout si le prix est plus avantageux. J’ai juste besoin d’être en contact régulier avec le nouveau fournisseur, afin de me faire livrer à temps. Le développement et la rapidité des transports permettront à mon activité de ne pas tourner au ralenti et, en plus, je proposerai un meilleur produit à mes clients. Cette logique s’applique à toutes les professions : pourquoi ne devrait-elle pas s’appliquer à la profession d’expert-comptable ? Votre moyen de transport ? Les nouvelles technologies. L’entrepreneur-client peut ainsi effectuer des appels vidéo avec son comptable et lui transmettre ses factures en temps réel sur son smartphone. La liberté géographique n’est plus un frein mais une force. Elle permet à l’entrepreneur de trouver l’expert-comptable qui lui convient le mieux et au cabinet d’élargir sa zone de chalandise.
Vos futurs clients seront insondables
L'environnement économique est de plus en plus complexe et les normes se multiplient dans tous les domaines. Déjà surbookés, les nouveaux chefs de jeunes entreprises ont besoin d'y voir clair et d'être aiguillés dans leurs prises de décisions et ce, plus souvent qu’avant. La prise de risque fait partie de leur quotidien. Être accompagnés sur tous les aspects de leur entreprise leur apparaît donc comme un gage de confiance. Mais puisqu’ils ne viennent plus du circuit traditionnel « entreprise familiale + recommandation par bouche-à-oreille », ils seront moins rompus à l’exercice de dialogue. Ils ne seront pas, le moment venu, capables d’exprimer et de formuler précisément leurs besoins en matière d’information, ne sachant pas à quoi ils peuvent prétendre.
Mon expert-comptable peut-il élaborer un prévisionnel sur les périodes creuses de mon activité ? M’aider à la négociation d'un prêt ? Peut-il évaluer les actifs de mon entreprise pour moi ? Gérer mon patrimoine ? Beaucoup de nouveaux chefs d’entreprise ignorent à peu près tout de ce que fait ou peut faire un cabinet d'expertise comptable. Cette distance entre « ce dont j’ai besoin » et « ce que le cabinet propose » obligera à l’avenir les cabinets à être pro-actifs sur leur communication et la mise en avant de leurs spécialisations.
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Romain Passilly, CEO de Fred de la compta
www.freddelacompta.com
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