Une tribune de Loriane Rapinat, Directeur Associée, et Margaux Parent, Directeur de mission, BM&A.
A quelques mois de son entrée en vigueur, focus sur quelques difficultés d’application et positions de places relatives à la norme IFRS 16.
Eléments de doctrine et positions de places
Durée des baux 3/6/9
Dans son relevé de conclusions du 16 février 2018, l’ANC s’est prononcée sur la durée à retenir pour les baux commerciaux français dits « baux 3/6/9 ». Sa conclusion a été qu’« au plan comptable, il n’existe pas d’option de renouvellement au terme du bail et la période pendant laquelle le contrat est exécutoire est généralement de 9 ans (la période non-résiliable étant de 3 ans) ».
Cette position constitue, en France, un élément de doctrine à prendre en compte. Comme le précise le relevé de conclusion, il a « pour seule vocation de refléter la position indicative de l’ANC sur ce qu’est la période pendant laquelle le contrat est exécutoire et ce qu’est la période non-résiliable d’un bail commercial d’un point de vue comptable ».
Dans certains cas particuliers et sous réserve d’une documentation probante, il pourrait être envisageable de justifier le fait de retenir une durée plus longue sur la base des critères énoncés aux paragraphes B34 et B37 à B40 d’IFRS 16. Cette justification de l’analyse et de la durée est par ailleurs demandée par l’AMF dans sa recommandation sur les états financiers 2018 (DOC-2018-12).
Remboursements aux bailleurs
Les baux immobiliers prévoient fréquemment que le locataire rembourse au bailleur certaines dépenses qui ne constituent pas un service, telles que la taxe foncière ou des primes d’assurance. Le montant de ces dépenses n’évoluant pas en fonction d’un indice ou d’un taux tel que décrit par le paragraphe 28 de la norme, ils sont à exclure de la dette de loyer sauf si ces montants sont fixés de manière forfaitaire dans le contrat.
TVA non récupérable
Lorsque les paiements de loyers contiennent de la TVA non déductible, soit en raison de la nature du bien, soit en raison de la situation du redevable, celle-ci est exclue de la dette de location. En effet, la TVA non déductible ne constitue pas un paiement locatif mais résulte d’une obligation fiscale non issue d’une négociation avec le bailleur.
Droit au bail
Jusqu’à présent, le droit au bail était, la plupart du temps, considéré comme une immobilisation incorporelle entrant dans le cadre d’IAS 38, le plus souvent non amortie (en considérant une durée d’utilité indéfinie). Ce montant payé répond néanmoins à la définition d’un coût direct initial au sens d’IFRS 16 et doit donc être intégré à l’évaluation du droit d’utilisation. Le droit au bail est alors considéré comme indissociable du contrat de location.
Deux approches peuvent être envisagées : considérer le droit au bail comme un élément fongible du droit d’utilisation ou bien comme un composant distinct ayant sa propre valeur résiduelle. La première approche permet notamment de revoir la valeur résiduelle du droit au bail à la hausse dans la limite de la valeur du droit d’utilisation, alors que la seconde approche limite la révision de la valeur résiduelle du droit au bail au montant initialement payé. Des discussions sont encore en cours sur la détermination de la valeur résiduelle de ce droit au bail.
Taux d’emprunt marginal
Dans le cas d’une transition selon la méthode rétrospective simplifiée, la norme est silencieuse sur la durée du bail devant être retenue pour la détermination du taux d’emprunt marginal. En effet, le paragraphe C8 ne mentionne que le fait d’utiliser « le taux d’emprunt marginal à la date de première application ».
Il est donc possible de considérer qu’il existe un choix de méthode comptable, similaire à celui qu’a autorisé la SEC dans l’application de la norme ASC 842 sur les contrats de location. En ce sens, il serait alors envisageable de retenir pour le calcul de la dette de loyer un taux déterminé, soit sur la base de la durée résiduelle du contrat de location, soit sur la base de la durée initiale de la convention. Comme le précise l’AMF dans sa recommandation sur les états financiers 2018, lorsque cette hypothèse est significative, elle devra être précisée.
Travaux en cours
Tests de dépréciation du droit d’utilisation
L’actif « droit d’utilisation » entre dans le champ d’application d’IAS 36 - Dépréciations d’actifs. Deux approches sont à l’étude. La première consiste à inclure le droit d’utilisation dans la base des actifs nets testés d’une UGT et à exclure les loyers des flux de trésorerie. La seconde approche consiste à réaliser les mêmes retraitements ainsi qu’à déduire la dette de location de la base d’actifs testés et de la valeur d’usage. Des discussions sont encore en cours concernant l’impact éventuel des dettes financières liées aux dettes de loyer sur le WACC.
Impôts différés
Par similarité avec les contrats de location financement, deux approches ont été envisagées. La première est de considérer que l’actif et le passif sont issus d’un même contrat et doivent être traités ensemble du point de vue des impôts différés. A la date de la comptabilisation initiale, dans la mesure où les valeurs sont équivalentes, il n’y a pas de différences temporaires, mais celles-ci apparaissent ensuite, conduisant alors à la comptabilisation d’impôts différés nets au fil du temps.
La seconde approche est de considérer que les exemptions de comptabilisation initiale des impôts différés prévues par IAS 12.15 et 24 s’appliquent séparément à l’actif et au passif issus du contrat. Ceci aboutit à ne comptabiliser aucun impôt différé, ni à la date de première comptabilisation, ni ultérieurement.
Néanmoins, en juin 2018, le Comité d’interprétation des IFRS a décidé de recommander au Board la proposition d’un amendement restreint à la norme IAS 12. Il suggère que l'exemption de comptabilisation initiale d’IAS 12.15 et 24 ne s'applique pas aux transactions donnant lieu à des différences temporelles déductibles et imposables, pour lesquelles l’entité comptabiliserait un actif d'impôt différé et un passif d’impôt différé du même montant au titre de ces différences temporelles.
Dans l’attente de cet amendement restreint à IAS 12, comme le rappelle l’AMF dans sa recommandation sur les états financiers 2018, il existe un choix de méthode comptable qui doit être précisé dans les états financier dès lors que son impact est significatif.
Loriane Rapinat, Directeur Associée, et Margaux Parent, Directeur de mission, BM&A