Une tribune de Vanessa Bastos. La Commission européenne a livré son projet de taxation fiscale des GAFA le 21 mars 2018. Celui-ci marque peut-être la fin d’un privilège fiscal pour les géants du numérique comme Google, Facebook, Amazon ou encore Apple.
Jusqu’à maintenant, les GAFA étaient taxés à hauteur de 9,3 % contre 23,2 % pour la plupart des entreprises. Cette pratique fiscale est principalement liée à la dématérialisation des activités de ces sociétés. Toutefois, dans plusieurs pays, les citoyens se sont penchés sur ces questions d’opacité fiscale des multinationales et dénoncent une injustice. Les gouvernements peinent quant à eux à justifier l’existence de ces pratiques.
Une taxe sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat
Le projet présenté par Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, vise à instaurer une taxe de 3 % sur les revenus de certaines entreprises du numérique. Celle-ci ne portera donc plus sur le résultat comme il est d’usage. En effet, le résultat servant de base fiscale et le résultat économique déclaré dans chaque pays ne coïncident pas toujours, les entreprises ayant développé de réelles compétences juridiques et comptables. Même si les entreprises du numérique ne sont pas les seules à mettre en œuvre cette pratique, la nature de leur activité leur facilite la tâche et fait perdre aux États d’importantes recettes fiscales.
Cette nouvelle taxe ne concernera que les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires total supérieur à 750 millions d’euros et celles dont le chiffre d’affaires européen excède 50 millions d’euros.
Un impôt qui pourrait rapporter plus de 5 milliards d’euros par an
La taxation des géants du numérique également désignés sous l’appellation GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) est une priorité pour la Commission européenne. La nouvelle taxe fiscale qui ne devrait pas être instaurée avant 2020 s’appliquera notamment aux recettes publicitaires des Groupes tirées des données des utilisateurs ou aux revenus provenant de la mise en relation d’internautes pour un service donné. Ainsi, Facebook, Uber, Google ou encore Twitter sont dans le collimateur de la Commission européenne. Les entreprises dont le « business model » repose sur des abonnements et celles dont les revenus sont issus du commerce électronique ne seront en revanche pas concernées par ce nouvel impôt. Au total, ce dernier affectera entre 120 et 150 entreprises et pourrait rapporter plus de 5 milliards d’euros par an.
Convaincre l’ensemble des pays membres
Pierre Moscovici précise qu’il s’agirait d’une taxe intermédiaire, le temps que la Commission crée une taxe pérenne. Cette réforme doit permettre aux pays membres de l’Union européenne de taxer les bénéfices réalisés sur leur territoire, même si l’entreprise n’y est pas présente physiquement. L’objectif est d’établir un standard européen définissant la présence numérique des sociétés selon trois critères : les revenus, le nombre d’utilisateurs et le nombre de contrats publicitaires signés notamment.
Pour cela, encore faut-il obtenir l’accord de tous les pays membres. L’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg, connus pour leur fiscalité favorable aux GAFA, plaident pour mettre en place une solution internationale, coordonnée par l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). En effet, ces sociétés implantées sur leurs sols fournissent à ces États des emplois et des recettes fiscales non négligeables. De son côté, la France met tout en œuvre pour que ce projet de taxation du chiffre d’affaires des GAFA aboutisse. Paris a déjà rallié Berlin à sa cause et promet de poursuivre sa bataille contre l’optimisation fiscale des géants du numérique.
La taxation des GAFA n’était pas le seul sujet central évoqué par les membres du G20 réunis les 19 et 20 mars 2018 à Buenos Aires sous la menace d’une guerre commerciale généralisée. Récemment, la Commission européenne ainsi que la Banque de France ont apporté leur point de vue face à l’émergence du trading Forex. La Banque de France a rappelé les risques, enjeux et perspectives relatifs à l’essor des actifs financiers et notamment des options binaires, des CFD ou encore des opérations de change à report tacite, ajoutant que l’hétérogénéité des réglementations nationales pourrait empêcher une pleine maîtrise des risques induits. La Commission a quant à elle publié un rapport dans lequel elle expose un plan d’action pour créer un marché unique numérique intégrant l’encadrement de ces produits. Reste à savoir quels seront les impacts de ces décisions une fois appliquées sur les marchés financiers.
Vanessa Bastos