A l’occasion de la Journée PE organisée par la CNCC le 20 novembre 2017, nous avons rencontré Jean Bouquot, Président de la CNCC, qui a accepté de répondre à nos questions sur la thématique des petites entreprises en rapport avec les auditeurs légaux.
Le développement des petites entreprises est une priorité du gouvernement. Quel est le rôle des commissaires aux comptes à cet égard ?
Il est important de le dire et de le redire car il y a manifestement une certaine méconnaissance de ce rôle. C’est une mission d’intérêt général fixée par les textes. Les auditeurs légaux doivent porter une opinion sur les comptes afin d’aboutir à une certification.
Mais leur intervention va bien au-delà. Cette mission de certification suppose en effet que nous nous intéressions à la viabilité de l’entreprise à l’horizon d’un an, avec la procédure d’alerte qui est codifiée, et que nous ayons aussi en tête le respect des textes par les entités que nous contrôlons. Nous avons le devoir de révéler les faits délictueux au Parquet. Il faut également relever la déclaration de soupçon auprès de TRACFIN, eu égard au respect des règles financières.
Ce modèle français du commissaire aux comptes nous différencie du cadre de l’audit financier et comptable présent dans presque tous les pays environnants, dans lesquels l’auditeur n’a en l’occurrence qu’une seule mission, celle de certifier les états financiers.
Quels sont les atouts mais également les pistes de progrès de la profession, eu égard à cette problématique du développement des entreprises ?
C’est une formule que l’on retrouve souvent mais ce n’est pas une formule creuse : nous apportons de la confiance, de la transparence.
C’est important pour ceux qui observent ou sont autour de l’entreprise : bien entendu, les actionnaires, notamment minoritaires, mais également les salariés. C’est important pour toutes les parties prenantes qui s’intéressent à l’entreprise. Cela peut être des investisseurs potentiels, des financeurs. C’est aussi une source de confiance pour l’Etat dans le tissu économique dans lequel nous intervenons.
Et au-delà de ce rôle de tiers de confiance et d’acteur de la transparence, le commissaire aux comptes peut détecter des zones de fragilité, de risques. Il doit alors partager ses observations avec les dirigeants, ce qui permettra à l’entreprise de corriger ces aspects. C’est une manière pour nous de donner des avis et des recommandations, sans pour autant, en aucune façon, s’immiscer dans la gestion de l’entité et avoir un rôle de conseil.
Ce regard extérieur, ce rôle de vigie est dans nos gènes, nos attributs, notre éthique. Il trouve notamment à s’appliquer en matière de cybersécurité. C’est un sujet que je porte depuis plusieurs mois maintenant. Notre intervention à cet égard, sans être des sachants, est un moyen de participer à l’éducation, au relèvement du niveau de conscience des dirigeants de PE et PME.
Pour finir, avez-vous un message à transmettre au monde des petites entreprises, lesquelles pourraient avoir tendance à percevoir l’intervention des commissaires aux comptes comme un simple coût à leur charge ?
Je pense que les entreprises doivent demander à leur commissaire aux comptes, s’il ne le fait pas spontanément, de ne pas simplement rendre son rapport mais d’enrichir celui-ci au moins verbalement de commentaires, appréciations, avis, recommandations afin d’apporter de la valeur ajoutée à son intervention.
Il y a toujours des choses à dire, surtout dans les petites entreprises, pas nécessairement de manière révolutionnaire. Ce peut être des remarques de simple bon sens, ou également des observations par comparaison avec ce que les auditeurs légaux observent dans d’autres structures ou environnements.
Selon moi, c’est une manière très importante et très riche d’engager un dialogue, permettant au dirigeant de rencontrer régulièrement son commissaire aux comptes et d’acquérir au fil du temps le sentiment que ce dernier apporte bel et bien un regard sur son entreprise, qui est différent de celui de son conseiller fiscal, de son expert-comptable, de son consultant en informatique ou bien de tout autre conseil dont il s’entoure.
C’est un regard objectif, fondé sur une connaissance de l’entreprise mais aussi de tout un environnement. C’est également un regard indépendant, qui n’est pas apporté pour vendre quoi que ce soit. C’est un jugement neutre et le plus utile possible.
Propos recueillis par Hugues Robert