Ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, puis ministre du Budget dans le gouvernement de François Fillon, Valérie Pécresse a pris la tête de la présidence du groupe UMP au conseil régional d’Ile-de-France en 2010. Députée des Yvelines de 2002 à 2007, elle est réélue en 2012 dans sa circonscription. Enfin, Valérie Pécresse gagne les élections régionales en 2015 et devient ainsi présidente de la région Ile-de-France.
Valérie Pécresse, durant la campagne des régionales, vous avez pris des engagements forts pour l’économie francilienne. Notamment en faveur des TPE et PME et de leur financement. Pouvez-vous nous en rappeler les principaux ?
Nous avons en effet mis en place des aides lisibles, adaptées aux besoins des entrepreneurs. Nous avons ainsi créé un "Prêt croissance" pour les TPE, en partenariat avec Bpifrance, sans caution prise sur le dirigeant : nous estimons que la Région doit prendre sa part de risque pour soutenir ces entreprises et les aider à grandir. Au-delà de ce prêt, les TPE peuvent également bénéficier, via le dispositif "TP’up", d’un soutien à leurs projets d’investissements durables comme ’internationalisation. Nous accompagnons aussi les start-ups dans leurs projets innovants grâce à "Innov’up", que ce soit pour transformer leurs brevets en produits commercialisables ou bien encore dans le financement de leur R&D. Les PME bénéficient quant à elles de l’aide de la Région via "PM’up", outil dédié à leur croissance et leur internationalisation. Tous ces dispositifs de soutien ont pour objectif de booster le travail dans notre région : c’est essentiel pour l’emploi !
En particulier, s’agissant de l’attractivité de l’Ile-de-France, quel est le sens de votre action ?
Dès mon arrivée à la présidence de la Région, nous avons mis en place une stratégie offensive d’attractivité, une démarche résolument pro-business. Nous avons également entamé une véritable révolution digitale pour faire de l’Ile-de-France la première Smart Région d’Europe en matière de Big Data, mais aussi de déploiement du Très Haut Débit dans les lycées, dans les transports et dans les gares. En parallèle, nous mettons tout en œuvre pour renforcer notre position de leader dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de l’espace, de la création, du luxe, du tourisme, de la santé, du numérique, et bien sûr, de la finance. Il faut bien avoir en tête que l’Ile-de-France, c’est un marché de 12 millions d’habitants, une vraie métropole avec de nombreux avantages pour les start-ups, les investisseurs, les chercheurs. C’est le moteur économique de la France, une région qui représente 30% de la richesse nationale et 40% de sa recherche, très bien desservie et très accessible avec trois aéroports internationaux dont le hub incontournable de Roissy-Charles de Gaulle, de nombreux aérodromes dédiés notamment aux voyages d’affaires, des trains à grande vitesse desservant tout le pays et nos voisins européens. Nous pouvons également nous vanter d’avoir le premier quartier d’affaires en Europe - La Défense - et le plus grand parc de bureaux en France. Nous avons d’importantes réserves foncières à des prix raisonnables et nous pouvons offrir une belle qualité de vie, notamment via notre système de santé, notre vie culturelle et notre environnement.
En parallèle, que faites-vous pour encourager les entreprises franciliennes à s'exporter ?
Nous aidons en continu les PME franciliennes à conquérir de nouveaux marchés à l’international et à exporter, notamment à travers toute notre gamme de dispositifs de soutien aux PME, tel que PM’up par exemple ou bien encore notre Fonds de garantie BPI. PM’up, c’est un dispositif régional de soutien au développement des PME, PMI et des structures de l’ESS franciliennes à fort potentiel. Il s’adresse aux PME franciliennes de 5 à 250 salariés qui souhaitent mettre en œuvre un plan de développement ambitieux. En devenant « lauréat PM’up », la PME concernée bénéficie ainsi pendant 3 ans d’une subvention pouvant atteindre 250 K€ ainsi que d’un accompagnement personnalisé par un conseiller de la Région. Cela permet donc d’accompagner la croissance des PME qui souhaitent accroître et moderniser leur outil de production, diversifier leurs activités, se développer à l’international ou bien encore faire du développement durable un levier de performance. Dans les faits, cela se traduit par le financement d’actions ciblant l’international : organisation de salons professionnels, financement de V.I.E (Volontariat International en Entreprise)… Saviez-vous par exemple que Blablacar, qui est maintenant leader mondial du covoiturage est à la base une entreprise qui était soutenue par PM’up ?
Vous semblez également très sensible aux questions relatives à la formation professionnelle depuis de nombreuses années. Que souhaitez-vous engager en Ile-de-France à ce sujet ?
C’est effectivement un sujet très important. Plusieurs mesures ont été mises en place sur ce front. D’abord, j’ai annoncé en mars dernier le triplement de l’offre de formation pour les chômeurs en Ile-de-France. Cet engagement, c’est la déclinaison du plan 500.000 formations dans notre région. Nous ne pouvions plus nous résigner à voir 40 000 emplois non pourvus en Ile-de-France, faute de personnels qualifiés. Moins de 10 % des demandeurs d’emploi avaient une formation. Aujourd’hui, les résultats sont déjà là. Nous avons même dépassé notre objectif puisque le nombre de places de formations disponibles s’élève à 132.000. En parallèle, nous avons signé une nouvelle convention avec Pôle emploi pour accélérer le retour à l’emploi. La Région exerce désormais intégralement sa compétence de formation professionnelle en reprenant à sa charge les formations individuelles. La nouvelle convention prévoit d’identifier pour chaque bassin d’emploi 10 métiers en tension pour lesquels seront proposées des formations qualifiantes. Ce travail est actuellement en cours. Pôle emploi s’engage aussi auprès de la Région à ce que chaque demandeur d’emploi obtienne un rendez-vous avec un conseiller dans le mois qui suit son inscription – le délai moyen était de quatre mois auparavant ! Nous allons par ailleurs développer avec Pôle emploi un service en ligne qui permettra de faire son propre bilan de compétences, et un outil en ligne pour mieux orienter les demandeurs d’emploi vers la formation adéquate. Enfin, la Région a demandé à Pôle emploi de s’associer à son plan de relance de l’apprentissage, voté lors de la séance plénière du Conseil régional de février.
Nous vous avons communiqué notre observatoire économique des TPE-PME du 2ème trimestre 2016, basé sur les déclarations fiscales et sociales d’environ 30.000 entreprises franciliennes. Quelles sont vos premières réactions ?
Je suis partagée. Je vois que la progression du chiffre d’affaires a été modérée dans notre région, comme dans le reste du pays, que l’activité à l’export a été moins dynamique que la moyenne française et que l’investissement a subi un effet-rebond : après avoir fortement augmenté l’année passée, il s’est effectivement replié partout au deuxième trimestre. De fait, ces résultats interpellent forcément. Ils s’expliquent aussi : par exemple, la destination "Ile-de-France" souffre toujours de la désaffection des touristes français et étrangers après les attentats de 2015, ce qui a des conséquences en cascade sur les secteurs qui dépendent en partie du tourisme, comme la restauration ou le commerce de détail. C’est un sujet sur lequel je suis également très engagée : il faut absolument convaincre les touristes étrangers et les tour operators, qui sont très prescripteurs, de revenir ! Pour promouvoir notre territoire et rassurer les touristes ainsi que les autorités locales sur la sécurité de notre pays, je me suis d’ailleurs rendue plusieurs fois à l’étranger depuis le début de mon mandat (Tokyo, Séoul et New York).
Vous avez également insisté sur votre volonté de ne pas augmenter les impôts locaux. Pourrez-vous tenir votre engagement ?
Bien sûr. Nous allons bientôt voter le budget pour l’année 2017 et, comme les Franciliens pourront euxmêmes le constater, je ne vais augmenter ni la carte grise, ni la taxe spéciale additionnelle annuelle, qui pèse sur les propriétaires fonciers, particuliers comme entreprises. Au-delà, j’ai plaidé auprès du Premier ministre pour que l’administration fiscale consente à une lecture souple du mécanisme de plafonnement de la taxe sur les bureaux, entrée en vigueur au 1er janvier 2016 et qui succède à l’ancienne redevance pour création de bureaux. Enfin, avec certains de mes collègues Présidents de Région, nous avons écrit à Philippe Richert, président de l’ARF (Association des Régions de France), pour l’encourager à s’opposer à la proposition du Gouvernement de créer une nouvelle taxe susceptible d’alimenter le budget des Régions.
Dans le même temps, le premier ministre a annoncé son intention d’allotir une part de la collecte de la TVA aux régions à partir de 2018. Y êtes-vous favorable ?
Soyons précis : le Premier ministre a proposé d’échanger la dotation globale de fonctionnement que l’Etat verse aux régions par une partie de la TVA qu’il collecte actuellement. Il ne s’agit en aucune manière d’une augmentation de TVA qui pèserait sur les ménages mais d’une substitution de recettes. Je suis tout à fait favorable à cette évolution : les finances des régions vont moins dépendre de l’Etat et davantage de l’activité économique. Ainsi, les Régions deviennent plus autonomes et davantage maîtresses de leur destin. Cela s’inscrit dans une logique de décentralisation qui est la mienne car je pense que l’Etat ne peut plus tout faire.
Les transports sont également au cœur de votre projet. C’est un sujet qui est d’ailleurs d’une actualité brulante, compte tenu de la fermeture des voies sur berges à Paris. Quels sont vos projets dans ce domaine ?
Je suis toujours sur la même ligne : je déplore la publication de l'arrêté municipal de la ville de Paris instaurant la fermeture des voies sur berge. Cette fermeture intervient de manière brutale, sans aucune concertation avec les collectivités impactées et surtout sans attendre la mise en place d'une méthodologie d'évaluation fiable et commune. Le comité régional d'évaluation de la fermeture des voies sur berges parisiennes montre un allongement effectif des temps de trajet des automobilistes et des bus de transport en commun, en contradiction avec les données de la ville de Paris : les temps de parcours ont ainsi plus que doublé sur les quais hauts de la Seine, avec 9 minutes supplémentaires entre Tuileries et l'Hôtel de Ville, les temps de parcours de 5 lignes de bus étudiées se sont allongés de 15% environ. Les travaux du comité ont montré aussi des conséquences négatives en termes de bruit et de pollution de l'air.
Il est très important pour moi que cette évaluation puisse se poursuivre sur une année pleine, pour mesurer l’impact réel de la fermeture des voies sur berges à l’échelle régionale, notamment en intégrant les pics de pollution du printemps, pour nous donner le résultat le plus objectif qui soit. Je continue également bien sûr de penser que le temps de la concertation avec les franciliens doit absolument être pris, avec une enquête publique sur un périmètre régional, afin que ce projet puisse être réexaminé et accompagné de mesures compensatoires telles que des parkings aux portes de Paris, des protections phoniques ou bien encore des solutions alternatives de transport.
En ce qui concerne le sujet des transports de manière plus large, c’est bien évidemment – comme vous le rappelez – l’une de mes priorités. Il faut quand même se rendre compte d’une chose, l’héritage de 17 années de gestion socialiste est très lourd, les usagers des transports en commun sont victimes d’une dégradation importante des conditions de transport. L’âge moyen des trains et métros est de 30 ans, c’est tout simplement hallucinant et inconcevable pour une région-capitale telle que la nôtre ! Pour pallier cela, nous avons engagé depuis 7 mois une véritable révolution des transports, dans le but d’en améliorer la qualité et pour lutter contre la vétusté des infrastructures. A ce jour, une partie non négligeable de mes engagements de campagne a d’ores et déjà été mise en œuvre : mise en œuvre du plan d’urgence « Matériel roulant », lancement du plan « 1000 bus », renforcement de la vidéoprotection dans les rames et les gares, mise en place d’un commandement unique des forces de sécurité par une police des transports disposant de compétences renforcées, investissements dans le Wifi et la 3G/4G dans les gares et les trains, création du Smart Navigo, renforcement de l’accessibilité des transports en commun, soutien à la création d’espaces de coworking, notamment en milieu rural…
A l’occasion de nos Universités d’été qui se sont tenues au mois de septembre, nous avons publié un ouvrage sur le thème de la « confiance ». Il laisse apparaître que le sentiment de confiance se délite en France laissant place à la défiance, notamment vis à vis des institutions et des politiques. Quelle est votre analyse ? Comment, selon vous, rétablir cette confiance nécessaire à l’harmonie des rapports humains ?
Il est vrai que ces dernières années, une certaine défiance – notamment vis-à-vis du monde politique – a eu tendance à s’installer chez les français. Malheureusement, plus le temps passe et plus celle-ci s’accentue. Il est important d’agir contre cela et de retisser la confiance. Celle-ci est indispensable, qui plus est dans des temps troublés comme en ce moment… Pour commencer à la construire dès maintenant, il nous faut prendre un peu de recul et imaginer la France de demain. En ce qui me concerne, l’idée que je m’en fais, c’est celle d’une société libérée. C’est le credo que je défends : une société dans laquelle toutes les décisions ne viennent pas d’en haut, où l’énergie créatrice vient de l’initiative locale, des PME et des TPE, des associations et des territoires. Le modèle vertical tel qu’on l’a connu ne peut plus perdurer, c’est impossible. En étant présidente dela Région Ile-de-France, j’ai acquis la conviction que certaines réformes seront inéluctablement bloquées si l’on tente toujours de les impulser d’en haut, alors qu’elles pourraient être mises en œuvre beaucoup plus sereinement par les acteurs eux-mêmes au plan local sur la base de l’expérimentation et du volontariat. En parallèle de ces constats, on voit bien que la France est actuellement en train de mourir d’un trop plein de bureaucratie, d’impôts, de plus en plus de normes. Les exemples sont multiples et aberrants… En Ile-deFrance, nous avons 5 niveaux administratifs. Je voudrais expérimenter le fait de faire des instructions communes pour éviter de doublonner. Ce qui aura l’avantage de simplifier et de gagner du temps pour une mise en œuvre opérationnelle plus rapide des projets.
La prolifération réglementaire n'est-elle pas le symbole d’une défiance de l’Etat vis-à-vis des citoyens ?
C’est surtout le symbole d’une France entravée ! Je l’ai dit et répété mais aujourd’hui, les freins à l’élan de notre société sont trop nombreux. Nos cloisonnements, nos doublons et nos empilements de strates administratives incompréhensibles font de notre pays un sujet de moquerie récurrent chez l’ensemble de nos voisins européens. Si nous voulons être efficaces, il faut vraiment arrêter d’étouffer notre société sous la bureaucratie, la fiscalité et la complexité si « française » des normes, qui font fuir les jeunes talents, les créateurs et les entrepreneurs à l’étranger. La France et les Français ont besoin de simplicité et de clarification, de rapidité et d’efficacité. Je vais vous donner un exemple simple : en prenant la présidence de la Région Ile-de-France, j’ai également pris la tête de l’EPFIF (Etablissement public foncier Ile-de-France). En septembre dernier, j’ai décidé de marquer l’engagement de la Région pour accélérer la construction de logements. Parmi les préalables à cela figure justement l’allègement des contraintes via une simplification des normes. Pour les porteurs de projet acquéreurs de terrains, cela signifie ne plus aller au-delà des exigences légales imposées par la loi SRU. Concrètement, c’est la fin des exigences de 40 à 50% de logement social pratiqués par certains des établissements désormais fusionnés. Désormais, nous avons une seule unité de mesure, celle de la loi : c’est-à-dire 25% de part de logement social à l’échelle de la commune, renforcé à 30% pour les communes carencées.
Vous connaissez bien notre profession puisque vous avez exercé le rôle de tutelle lorsque vous étiez ministre du budget. Qu’attendez-vous désormais des experts-comptables franciliens, en tant que présidente de la région Ile-de-France ?
Premier conseil de l’entreprise, les experts-comptables d’Ile-de-France, notamment grâce à leur réseau de proximité et leur connaissance de l’ensemble des TPE et PME franciliennes, sont un relais essentiel de l’action de la Région en matière économique, au service de la croissance et de l’emploi. C’est un rôle clé. Ils apportent tous les jours un appui irremplaçable aux entreprises qui, les unes comme les autres, ont le même réflexe, chaque fois qu’elles sont confrontées à une question financière ou fiscale : se tourner vers leur expert-comptable, qui leur apporte les éclaircissements et les conseils dont elles ont besoin. A mon sens, on ne souligne d’ailleurs pas assez la proximité et la relation de confiance qui existent entre les experts-comptables et les entrepreneurs : elle est pourtant fondamentale. Enfin, je voudrais ajouter que j’ai bien conscience du fait que, ces dernières années, la profession a su s’adapter à des nouveaux défis, en sachant se remettre en question pour apporter les bonnes réponses à ses clients et je tiens particulièrement à saluer cette évolution.
A propos
Cet article provient du numéro 94 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France.