Interview de Stéphane Cohen, Président du Conseil régional de l’ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France.
Pourquoi avez-vous choisi de vous diriger “ vers une carrière d’expert-comptable ?
Assez naturellement. Enfant, j’ai passé beaucoup de temps avec mon père, que j’admire beaucoup. C’était un chef d’entreprise très sensible aux questions financières et comptables. Je le voyais d’ailleurs s’affairer avant ses rendez-vous avec son expert-comptable et comprenais combien ces moments revêtaient une importance capitale à ses yeux. Son expert-comptable était celui avec lequel il prenait toutes ses décisions ; en tout cas les plus stratégiques. Alors il n’est pas étonnant que l’envie me soit venue de m’engager dans cette voie. J’ai donc suivi des études de comptabilité tout en travaillant aux cotés de mon père. Puis il a vendu son entreprise et j’ai à mon tour créé ma propre structure, « eformalites » que j’ai développée puis cédée. De là, je me suis associé au sein d’un cabinet, puis il y a quelques années, j’ai créé mon propre cabinet. Les périodes passées en entreprise ont été déterminantes dans mes choix ultérieurs. Cela m’a permis de comprendre les questions de stratégie de gestion ou de création, les nécessités de savoir s’adapter, restructurer. Ce qui m’a donné envie de reprendre le métier d’expert-comptable et de conseil. Tant et si bien qu’aujourd’hui, j’ai axé mon activité sur le restructuring et le financement. J’aide ainsi les dirigeants en difficulté à repartir de l’avant, à trouver un nouveau souffle et de nouveaux financements. Et je dois dire que j’y trouve une vraie motivation.
Quel a été votre parcours au sein de l’institution ?
En 2008, on m’a proposé de figurer sur la liste ECF menée par Bernard Lelarge et Françoise Berthon. Et nous avons gagné pour la première fois les élections. C’était très enthousiasmant de faire partie d’une équipe totalement neuve, avec des projets et des idées. Bernard Lelarge m’a proposé de prendre en charge l’exercice illégal. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir ainsi fait confiance. J’ai mis toute mon énergie dans cette lutte. Et très vite, nous avons obtenu des résultats.
Le nombre des condamnations a augmenté. Et puis surtout, nous avons communiqué auprès du grand public pour montrer les désastres qu’occasionnaient les illégaux. Nous avons obtenu des articles dans la presse, une pleine page dans le Monde par exemple. Mais également des reportages dans le JT deFrance 2 ou de Canal +.
Nous avons conclu des accords avec le site « Leboncoin.fr ». Et puis nous avons créé un site, www. compta-illegal.fr, afin d’informer notre environnement et permettre de signaler les cas posant problème. Nous avons de nouveau remporté les élections en 2012 avec Julien Tokarz qui a fait les deux premières années de présidence avant que je ne lui succède en décembre 2014.
Ce qui ma touché dans cette histoire qui a commencé il y a bientôt huit ans, c’est l’ouverture d’esprit de mes colistiers : je n’étais pas investi dans les instances syndicales à l’époque mais j’avais envie de m’engager pour la profession. Et on m’a fait confiance. C’est important la confiance…
Comment décririez-vous le rôle de président d’un Conseil régional ?
Etre président, c’est avant tout animer une équipe : car seul on ne peut tout mener de front. Nous ne sommes pas des professionnels de la politique : nous avons nos cabinets à faire tourner. Avec mon associé, nous dirigeons une petite structure, qui requiert un investissement permanent. Entre membres élus, nous nous répartissons donc les rôles. Je suis admiratif du temps que chacun donne pour faire fonctionner les commissions, résoudre des difficultés individuelles, mener à bien des projets innovants.
Alors, bien sûr, la charge de président est lourde. Il faut impulser, représenter, préparer les réunions, trancher les litiges… Mais quand je crois en ce que je fais, je m’investis sans vaciller.
Avez-vous été confronté à des situations auxquelles vous ne vous attendiez pas ?
Bien sûr, la vie est pleine d’inattendu ! Ce qui est important, c’est de savoir s’y adapter.
Mais pour répondre à votre question, ce qui m’a le plus touché, ce sont des cas de professionnels en détresse, souvent en raison d’évènements personnels. Ça peut arriver à chacun d’entre nous, il faut être humble devant la souffrance. Dans ce cas, nous sommes aussi là pour écouteret accompagner. Les aider à remonter la pente. Il m’est arrivé de me déplacer sur leur lieu d’exercice pour trouver avec eux des solutions.
Quels sont vos objectifs de mandature ?
Ils sont dans la continuité de mes prédécesseurs. Le premier est celui de l’efficience. L’Ordre doit évoluer en permanence pour accomplir sa tâche à moindre coût. A force de volonté, nous multiplions les actions tout en réduisant depuis sept ans les cotisations.
Le deuxième, c’est celui d’accompagner les cabinets dans cette forte période de mutation. Le numérique impacte le business model des cabinets. Parallèlement, la réglementation évolue et nous autorise de plus en plus de missions pour répondre aux attentes des clients. Et l’Ordre a un rôle à jouer en informant et en mutualisant les réflexions et les bonnes pratiques.
Le troisième, c’est le rayonnement de notre profession en Ile-de-France. Communiquer sur notre profession qui souffre d’un déficit d’image est une exigence de tous les jours. C’est pour ça que nous multiplions les manifestations grand public comme Allo Impôt que notre conseil a créé en 2010. En 2015 nous avons reçu plus de 40 000 appels sur notre numéro vert. Et nous faisons d’autres manifestations, comme, notamment, Transfair sur la transmission d’entreprise, ou encore le forum de l’emploi et de l’alternance pour permettre aux cabinets de recruter plus facilement les talents dont ils ont besoin…
Quelle touche personnelle apportez-vous à cette seconde partie de mandat ?
En prenant mes fonctions, j’ai utilisé le terme « d’intelligence collective ». Nous sommes un réseau confraternel et professionnel. Aujourd’hui, les moyens de communication nous permettent de mieux partager nos expériences, nos échecs, nos réussites. J’ai donc voulu favoriser ces échanges confraternels, que ce soit avec le TALK, qui est une web émission en direct pendant laquelle les consœurs et confrères peuvent poser leur question en direct ou encore avec les universités d’étéqui prennent une nouvelle dimension cette année en arrivant au palais des congrès de la porte Maillot pour accueillir encore plus de participants que les 4 500 professionnels de l’an passé. Je souhaite également consacrer la fin de mon mandat à nous battre contre la complexité qui étouffe nos cabinets et les empêche de se consacrer au conseil. L’élection présidentielle devrait nous permettre d’ouvrir concrètement le débat.