Interview de Bernard Sansot et Vanessa Bousardo

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Bernard Sansot et Vanessa BousardoMaîtres Bernard Sansot et Vanessa Bousardo sont les avocats du Conseil régional de Paris Île-de-France pour les affaires d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable.

Quelle est votre mission ?

Elle est plurielle.
Avocats pénalistes, nous sommes amenés à défendre les intérêts de l’Ordre, chaque fois qu’il se constitue partie civile dans un procès où une personne est poursuivie pour avoir commis le délit d’exercice illégal de la profession.
Mais notre rôle ne se limite pas à intervenir au stade répressif, puisque nous intervenons également dans un cadre préventif, et notamment en participant aux actions d’information et de sensibilisation organisées par la commission auprès des CCI, des tribunaux de commerce, des administrations, etc.
Il s’agit d’informer et d’alerter les opérateurs économiques et les professionnels quant aux dangers qu’ils courent, en faisant appel aux illégaux et de mettre en garde les candidats à l’illégalité, au regard des risques pénaux et fiscaux qu’ils prennent en s’engageant dans cette voie.
La commission Exercice illégal est ainsi, en quelque sorte, une gare de triage, car il appartient à l’Ordre de déterminer les dossiers justifiant un signalement au Parquet, ce qui implique de s’assurer auparavant que les pièces en sa possession sont suffisamment probantes pour fonder une telle saisine.

Que pensez-vous de la légitimité de l’action de l’Ordre, en matière de répression de l’exercice illégal de la profession ?

Le but n’est pas tant de protéger le "périmètre du chiffre" que d’appliquer des textes qui ont pour objectif essentiel de protéger les usagers et les victimes potentielles des illégaux, qui sont évidemment dépourvus de toute déontologie, et bien sûr d’une quelconque assurance professionnelle régulièrement souscrite.
Cet objectif de protection des victimes est le fondement des décisions juridictionnelles en la matière.
Bien plus que le préjudice éventuel causé à un expert-comptable ou, plus généralement à l’institution, les juridictions répressives sont généralement sensibles aux risques encourus par les clients qui ne peuvent pas être protégés par une assurance professionnelle.

Qu’en est-il de l’atteinte portée à la profession ?

La défense de l’ordre public économique n’est pas incompatible avec la défense et la protection de l’image de la profession. Bien au contraire. C’est ce qu’a rappelé la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er juillet 1986 confirmé par la cour de cassation :
"L’exercice illégal de la profession d’expert-comptable ou de comptable agréé, porte une atteinte grave au prestige d’une profession strictement réglementée et porte un préjudice certain aux entreprises qui, abusées par les affirmations du prévenu, lui ont confié leur comptabilité, avec tous les risques, notamment commerciaux et fiscaux que cela comporte, et alors qu’aucune assurance professionnelle ne garantit la clientèle quant à l’incompétence en la matière du délinquant".

Comment se défendent les illégaux devant les tribunaux correctionnels ?

Ce qui est surprenant, c’est que les illégaux sont parfaitement informés de la jurisprudence. Ils l’utilisent dès qu’ils pensent qu’une brèche s’ouvre.
Il y a eu le multisalariat : les illégaux avaient une multitude de contrats de travail à temps partiel. La cour de cassation a mis fin à cette fraude en constatant que ces contrats étaient fictifs.
Puis, les illégaux ont prétendu que le périmètre du chiffre ne concernait que les commerçants qui ont l’obligation de tenir une comptabilité.
La cour de cassation a rejeté cette argumentation, en jugeant de façon constante que « l’article 2 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 n’établit aucune distinction selon la nature, l’objet et la finalité des documents comptables dressés » ou qu’il n’y a « pas lieu de distinguer selon la nature, l’objet et la finalité des documents comptables ».
De même, ils n’hésitent pas à prétendre que la comptabilité des BNC serait extérieure au monopole.
Toutefois, la jurisprudence est claire sur ce sujet et n’hésite pas à rappeler que l’"entreprise", visée à l’article 2 de l’ordonnance statutaire, est entendue comme étant à la fois commerciale, civile, industrielle, agricole, ou encore artisanale et intègre donc les professionnels libéraux.

Que nous réserve l’avenir en matière d’exercice illégal de la profession ?

Nous voyons apparaître des situations nouvelles devant les tribunaux.
D’abord certains experts-comptables qui "couvrent" les illégaux, dont ils attestent les écritures sans toujours les vérifier.
Ensuite, les illégaux qui élaborent des comptabilités dévoyées, dans le cadre de la criminalité organisée.
Il ne s’agit plus d’officines comptables prodiguant des conseils à de petits opérateurs économiques, mais de véritables délinquants, qui concourent à la réalisation d’une opération délictueuse de grande envergure, comme la présentation de comptes falsifiés pour obtenir des concours bancaires.
C’est la question du blanchiment qui est posée.

A propos

francilien86Cet article provient du numéro 86 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France  qui comprend notamment un dossier sur la médecine générale.

 






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