Confrontés à un environnement professionnel en mutation permanente, les experts-comptables font face au défi de l'adaptation de leurs cabinets, mais également une formidable opportunité de développement, ainsi que l'ont souligné Françoise Berthon et Arnaud Debray, rapporteurs généraux, à l'occasion de l'ouverture de ce 69è Congrès.
"L'économie est une guerre de mouvement, et si l'on ne bouge pas, on perd". Fin connaisseur du monde de l'entreprise, l'ancien directeur général de Cap Gemini France, François Mazon, a résumé, lors de la plénière d'ouverture, le message que voulaient faire passer les rapporteurs généraux du 69è Congrès. Face à la conjoncture économique incertaine, au vu des évolutions réglementaires qui touchent la profession, mais aussi au regard des progrès technologiques considérables de ces dernières années, les experts-comptables font aujourd'hui face à de nombreux défis qui leur imposent d'évoluer. "Le temps est à l'action", ont rappelé, tout au long de la séance inaugurale, l'ensemble des intervenants. "L'évolution est permanente, il faut changer, s'adapter, et pour cela être sans cesse à l'écoute du marché", a résumé Serge Anouchian, rapporteur adjoint. Il faut également savoir prendre des risques dans cette adpatation au changement. Laurent Benoudi, rapporteur adjoint, en a d'ailleurs livré une version toute personnelle, appréciée du public, en arrivant sur scène par les airs, muni d'une corde de rappel !
Face à ce constat, les chevilles ouvrières du congrès se sont donné pour priorité d'accompagner tous les cabinets dans cette nécessaire marche en avant. Afin de ne pas être pénalisés par les mutations profondes qui traversent la profession, mais également de déployer une stratégie leur permettant de conquérir de nouveaux marchés. En des temps incertains sur le plan économique, plusieurs intervenants ont appelé à transformer en atouts ce qui pouvait, à première vue, apparaître comme une série de handicaps. L'arrivée des nouvelles technologies ? Pour François Mazon, devenu aujourd'hui avocat pénaliste, "elles offrent des opportunités et toutes les professions peuvent les utiliser. On ne peut arrêter leur progression, alors il faut chercher à en tirer profit." Et de résumer son propos : "La concurrence est un moteur d'innovation !".
De quoi donner le ton à ce 69è Congrès, dont les mots d'ordre, volontairement offensifs, ont été répétés sur la scène comme dans la salle : "oser, agir, conquérir". "Quel magnifique programme, a acquiescé le président du Conseil supérieur Joseph Zorgniotti. C'est le départ d'une formidable aventure collective qu'il reste à écrire (...). Nous ne pouvions rester en marge d'un monde qui bouge !".
La plenière d'ouverture a été l'occasion d'avoir une première approche des pistes d'évolution cernées par le Conseil supérieur : le conseil social, le financement participatif, le conseil en gestion... Le temps de la plénière a ainsi été conçu comme une porte ouverte sur différents secteurs d'activités qui ont su bouger pour survivre et poursuivre leur développement. A travers cet efficace travail de benchmarking, il a été donné de voir l'impérieuse nécessité d'aborder frontalement les défis posés par une nouvelle concurrence, de se remettre en question, et, ce faisant, de savoir faire évoluer ses produits ou prestations.
Compétition naissante entre taxi et VTC, arrivée du numérique pour les agences de voyages ou pour le monde l'édition, les exemples ne manquent pas. Nicolas Ragonneau, directeur marketing et développement éditorial des éditions Assimil, a ainsi détaillé les mutations successives de son entreprise qui propose depuis 85 ans des méthodes d'apprentissage des langues étrangères. "Dans l'édition, l'offre doit permettre de répondre à une demande non exprimée, presque inconsciente, des consommateurs", a-t-il indiqué. L'observation attentive des clients est allée de pair avec l'adaptation aux évolutions technologiques. Une offre numérique a notamment été créée. La capacité de la marque à se réinventer a été décisive pour faire face à la concurrence et rester une référence dans son secteur.
Le regard des congressistes s'est également porté vers l'immobilier. Un focus riche d'enseignements : malgré la vague numérique favorable au développement des relations directes acheteurs-vendeurs, les agents immobiliers contrôlent une part croissante des transactions. "Ils en assurent 7 sur 10 en France aujourd'hui contre 4 sur 10 en 1995", indique David Targy, directeur d'études Xerfu-Precepta. pour une telle évolution ? "Les agents immobiliers ne sont pas que des metteurs relations.
Ils ont d'autres fonctions essentielles qui les rendent incontournables : ils produisent de la confiance autour de l'échange. Et ce sont des tiers de négociations qui amènent les parties en présence à converger vers un juste prix." Si une adaptation est donc nécessaire, les fondamentaux d'une profession, les gages de sécurité qu'elle véhicule auprès des clients, ne doivent pas être oubliés. C'est précisément le message que portait à l'occasion de cette plénière Joseph Zorgniotti : "Les changement à mettre en œuvre ne devront en aucun cas fragiliser notre édifice et ses fondations. Notre réglementation modernisée reposera toujours sur nos valeurs : science, conscience, indépendance. C'est là notre point d'ancrage !"
Nicolas Bouzou : "Se réinventer, un cap extrêmement mobilisateur !"
L'économiste Nicolas Bouzou en est persuadé : "Nous sommes au début du plus grand cycle d'innovations et donc de croissance que nous ayons connu depuis la Renaissance". Et face à ce vaste mécanisme de "destruction créatrice" qui nous fait face (une nouvelle croissance remplace la précédente et menace les acteurs de l'économie traditionnelle), plusieurs attitudes sont, à ses yeux, possibles. "La première, c'est le refoulement : je déconseille !", a-t-il tranché, dans un sourire, lors de la plénière d'ouverture. La seconde consiste à tenter de limiter la portée de la vague d'innovation par l'intervention des pouvoirs publics (lois restrictives, application du principe de précaution...). "Mais le couple économie-technologie l'emporte toujours à moyen terme", prévient Nicolas Bouzou. Seule vaut donc, selon lui, une troisième option : "se réinventer". "Et pour un cabinet d'expertise comptable, c'est une chance extraordinaire, un cap extrêmement mobilisateur !".
Comment les agences de voyage ont-elles fait face à la vague numérique ?
Le secteur des agences de voyage a été touché de plein fouet par la montée en puissance de nouveaux acteurs sur internet. A partir de 2008, les entreprises traditionnelles, dotées d'un réseau d'agences "physiques", ont souffert de la concurrence uniquement présente sur le Net. Des agences, mais aussi des sites collaboratifs tels TripAdvisor ou Airbnb. Que faire ? "Nous avons trop longtemps fait semblant de ne pas voir venir cette vague", reconnaît Jean-Pierre Mas, président du syndicat national des agences de voyage.
Aujourd'hui, la profession s'organise. "Nous nous adaptons : 80 % de nos investissements sont désormais technologiques", explique-t-il. Dans le même temps, le champ d'intervention des professionnels s'élargit. "Nous proposons une offre de loisirs et des activités connexes aux voyages. Et pour mieux cerner les besoins de nos clients, nous travaillons sur l'utilisation des datas numériques. Nous voulons ainsi anticiper leurs attentes". La profession se concentre enfin sur le développement du "cross canal", qui doit permettre aux agences d'être tout à la fois présentes numériquement "dans la poche" du consommateur, mais aussi "physiquement" via une agence implantée dans sa ville.