Une tendance de fond prend actuellement de l’ampleur au sein des cabinets sous l’impulsion des collaborateurs qui aspirent à un nouveau rapport au travail. Au-delà de bousculer les certitudes des générations anciennes et sans lier nécessairement l’évolution à un changement de dirigeants, leurs attentes constituent un formidable moteur pour construire le cabinet de demain et affirmer sa singularité sur le marché !
Grandir et faire grandir l’expérience collaborateurs
Le secteur de l’audit-conseil est aujourd’hui à la croisée des chemins. Alors que les experts-comptables et commissaires aux comptes étaient des professions très attractives, les cabinets sont aujourd’hui confrontés à une tension sur les talents. Dans les années 80-90, notre profession a contribué à la modernisation de l’économie. Les équipes ont eu l’opportunité d’intervenir sur de grands projets structurants de la vie économique : accompagnement de l’organisation des grands groupes, expansion internationale, développement du contrôle de gestion et de l’information financière. L’auditeur ou le comptable reste toujours au cœur de la vie des entreprises avec un défi intact de conseil ; pourtant, il est aujourd’hui nécessaire de rendre visible la valeur de ses missions et d’enrichir l’expérience perçue pour attirer des candidats : nouvelles offres innovantes, pluridisciplinarité et développement des nouvelles technologies (IA-data-IT) notamment. En complément de l’intérêt des missions, les collaborateurs ont également de fortes attentes concernant la place du travail ainsi que les modalités d’exécution au quotidien.
Un modèle managérial bousculé
Plusieurs signaux faibles interpellent. Les cycles d’apprentissage se raccourcissent : un jeune collaborateur a tendance à réduire son temps de formation en cabinet. Un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle est souhaité par beaucoup. Enfin, les attentes d’apprentissage sont davantage axées sur l’humain et non plus exclusivement sur la technicité du poste. Alors qu’en 2011-2012 le salaire et le contenu du poste étaient des facteurs prioritaires à plus de 70 %, en 2020-2021 le climat social est aussi important que les missions à 52 %, suivi à plus de 30 % par la qualité du management, la qualité du portefeuille clients, des horaires souples ainsi que l’équilibre entre la vie professionnelle et familiale. Des parcours de carrière qu’il est nécessaire d’accompagner avec un objectif principal : mettre les collaborateurs au cœur du projet d’entreprise.
Ce schéma est d’autant plus marqué depuis l’émergence du Covid, devenu un « facteur temps accéléré ». Avec la mise en place du télétravail, des éléments forts de nos métiers ont été affaiblis et le lien avec l’entreprise s’est distendu. La promesse d’intérêt qui reposait sur un fort sentiment d’appartenance, une dynamique de groupe avec ses collègues et de nombreuses interactions avec les clients a été altérée. Elle permettait à chacun de s’insérer, de transmettre les codes et les savoirs et d’appliquer la méthodologie. La période Covid constitue néanmoins une opportunité de changement afin de définir un nouveau collectif au sein de l’entreprise prenant appui sur les nouvelles attentes.
De moteur à acteur du changement
Faire évoluer notre métier est nécessaire pour que les jeunes générations s’y retrouvent. Commissaire aux comptes, expert-comptable et consultant sont des métiers de contact auprès des chefs d’entreprise et de stratège afin de pérenniser l’activité des entreprises. Comment leur (re)donner envie ? Tout d’abord, les collaborateurs doivent se sentir acteurs de l’entreprise. Pour avoir du sens dans leur mission, ils doivent percevoir le travail fourni au contact des clients et être impliqués dans le projet d’entreprise. Par ailleurs, les cabinets doivent séduire en prenant en compte un nouveau registre de valeurs exprimées par les collaborateurs, avec deux axes forts : les nouvelles technologies et la durabilité. Les nouvelles technologies permettent d’améliorer et de simplifier les processus pour que l’auditeur ou l’expert-comptable puisse dédier ses heures de travail aux missions à haute valeur ajoutée. Quant à la durabilité, elle constitue une finalité pour toute organisation en donnant du sens à son action.
Pour créer un ensemble cohérent et solide, nous devons piloter tout en favorisant l’autonomie et placer l’humain devant les processus. Au sein des cabinets, cet équilibre repose sur deux piliers principaux : un ADN collectif organisé et la promotion de l’intelligence individuelle. En interne, cela se traduit par des outils efficaces, des processus rationalisés au service du collaborateur et une pluralité d’expertises au sein des équipes. Il ne s’agit pas seulement d’une opportunité de changement mais également d’un changement de paradigme ! Collaborateurs, clients, générations... La perception de l’entreprise et les modèles professionnels évoluent. Créons une nouvelle dynamique collective pour « pivoter » et donner envie aux nouvelles générations de nous rejoindre.
Stéphane Marie, Associé RSM en France