Une tribune de Jean-Charles Boucher, Associé RSM.
Avec la crise du Covid-19, la situation économique de nombreuses entreprises continue de se dégrader. Pour éviter des faillites en cascade, le gouvernement s’appuie sur les commissaires aux comptes. Par deux ordonnances prises en mars et en mai dernier, les auditeurs jouent un rôle déterminant pour anticiper les difficultés financières des entreprises et alerter le cas échéant. Le gouvernement vient de déposer un amendement au projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique destiné à prolonger d'un an ce dispositif prévu pour s'éteindre à l'origine au 31 décembre 2020. Une nouvelle ère pour les commissaires aux comptes ?
Le pilotage en duo encouragé
Nombreux dispositifs, multiplicité des acteurs publics, critères et formalisme... les entreprises, en particulier les PME et ETI, sont démunies. Le gouvernement encourage une dynamique de dialogue en amont avec les dirigeants : le CAC doit inciter ce dernier à dépasser le contrôle de gestion classique. Il doit s’assurer que l’entreprise a connaissance des outils mis à sa disposition par l’Etat et des dispositifs spécifiques qui ont été aménagés par les textes d’urgence.
Cette démarche peut être également l’occasion d'expliquer les procédures de protection sous lesquelles l’entreprise peut se placer, notamment le mandat ad hoc et la conciliation, dans l’esprit de l’ordonnance adaptant les procédures collectives.
Un garde-fou pour les entreprises en difficulté
Ces analyses sont indispensables dans une démarche de prévention des difficultés. Les comptes doivent être certifiés par un CAC ou établis par un expert-comptable pour pouvoir bénéficier des procédures de sauvegarde accélérées, dispositif qui se veut être accessible à davantage d’entreprises.
En cas de difficultés, le gouvernement a aussi renforcé le rôle d’alerte du CAC qui dispose de souplesse pour apprécier la situation de l’entreprise et informer le président du tribunal compétent dès la première information faite au dirigeant. Les délais sont également adaptés entre la date de cessation des paiements et la procédure de redressement judiciaire.
Ces délais « élastiques » visent à anticiper la défaillance de l’entreprise, en complément de l’assouplissement des conditions de la procédure de sauvegarde et du redressement judiciaire. Réticents à mobiliser les dispositifs existants, les dirigeants d’entreprise peuvent ainsi être épaulés en cas de difficultés financières.
Une approche crescendo qui renforce le rôle du CAC
Désormais, une approche progressive se met en place d’une phase 0 – inventaire des dispositifs existants – à une phase 1 en cas de difficultés de l’entreprise. Le CAC analyse en amont la situation financière de l’entreprise aux côtés du dirigeant, avant de lancer une procédure d’alerte. Cela permet à l’entreprise de s’organiser et de solliciter, si les conditions le permettent, un PGE, des reports d’échéances, etc.
Depuis la crise du Covid-19, le rôle de tiers de confiance du CAC est donc renforcé. Pourtant, une question se pose : qui lancera l’alerte pour les petites entreprises et les ETI, qui se situent en dessous des seuils de l’audit légal ? Depuis la loi PACTE, ce sont pas moins de 10 000 entreprises qui n’ont plus cet appui aujourd’hui, pour prendre les mesures au plus vite en cas de difficultés. Ne devrait-on donc pas envisager une baisse des seuils, comme l’ont fait la Suède, l’Italie et la Roumanie pour éviter les risques de faillite ?
Jean-Charles Boucher, Associé RSM