Dans le cadre d’une mise à jour de sa base Bofip du 15 décembre 2022, l’administration fiscale a décidé de se ranger derrière la jurisprudence du Conseil d'État en matière de rémunération des associés de Société d’exercice libéral (SEL).
Par Caroline Mounier,
responsable de l'expertise juridique et patrimoniale chez Eres,
société de conseil et de gestion spécialisée en épargne salariale.
Depuis un certain temps, une divergence d’interprétation demeurait entre l’administration fiscale et le Conseil d’État.
Pour l’administration fiscale (sur le fondement d’une réponse ministérielle « Cousin » ; AN 16-9-1996 n°39397), l’ensemble des rémunérations perçues par un associé de SEL devait être déclaré dans la catégorie des traitements et salaires. Dans certaines SEL, pour être mandataire social il convient d’être également associé. Ainsi, par ricochet, cela avait pour conséquence de devoir déclarer la totalité des rémunérations perçues (tant en qualité d’associé que de mandataire social) dans cette même catégorie des traitements et salaires. Une telle modalité déclarative a alors donné naissance à une certaine confusion : bien qu’étant Travailleurs Non Salarié (TNS) sur le volet social, certains professionnels se faisaient refuser le bénéfice du dispositif de l’article 154 bis du CGI par l’administration fiscale puisque les rémunérations étaient imposées en traitements et salaires1.
Pour la jurisprudence2, ces modalités déclaratives ne devaient pas remettre en cause le bénéfice du dispositif de l’article 154 bis du CGI. Ainsi, les TNS qui avaient la possibilité d’isoler les rémunérations issues des actes professionnels (conservant leur « nature » de BNC, bien que déclarées en traitements et salaires) des rémunérations issues du mandat social avaient la possibilité de bénéficier dudit dispositif dès lors qu’ils exerçaient leur profession en dehors de tout lien de subordination à l’égard de la SEL.
Un chapitre définitivement clos
Prenant acte de la jurisprudence du Conseil d'État, l’administration considère désormais que :- Les rémunérations perçues par les associés d’une SEL au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société sont imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), sauf à ce que soit démontré un lien de subordination entre le professionnel et la société auquel cas les rémunérations relèveront de la catégorie des traitements et salaires.
- Pour les gérants de SEL, ces règles s’appliquent lorsque ces mêmes rémunérations, tirées de l’exercice de leur activité libérale, peuvent être distinguées de celles qu’ils perçoivent au titre de leurs fonctions de gérance. À défaut, les rémunérations tirées de l’exercice de leur activité libérale dans la SEL sont, comme celles perçues au titre de leurs fonctions de gérance, imposées dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI ou imposées en traitement et salaires.
Modalités déclaratives
Compte tenu des difficultés pratiques rencontrées par les contribuables, dans le cadre de la mise en œuvre de ces nouvelles règles (initialement prévues à compter du 1er janvier 2023), l’administration a précisé dans une seconde mise à jour Bofip du 5 janvier 2024, que les associés de SEL qui ne seraient pas en mesure de se conformer aux nouvelles règles d’imposition dès le 1er janvier 2023 pouvaient continuer, jusqu’au 31 décembre 2023 à déclarer les rémunérations perçues au titre de leur activité libérale dans la catégorie des traitements et salaires.
Ainsi, pour l’imposition des revenus encaissés en 2023 et déclarés en 2024, les rémunérations techniques perçues par les associés de SEL sont imposables soit dans la catégorie des BNC, soit par tolérance administrative dans la catégorie des traitements et salaires.
A compter du 1er janvier 2024 (déclaration souscrite en 2025) ces rémunérations techniques seront imposées obligatoirement dans la catégorie des BNC.
Quelles conséquences sur l’éligibilité au dispositif Madelin (154 bis CGI) ?
Cette prise de position est une bonne nouvelle pour les gérants de SELAS et SELAFA qui n’étaient pas éligibles au dispositif 154 bis CGI puisque l’ensemble de leur rémunération relevait des traitements et salaires (bien que TNS sur le volet social). Désormais ils seront éligibles au bénéfice du 154 bis CGI au titre de la rémunération perçue au titre de l’activité libérale imposable en BNC (s’il n’existe pas de lien de subordination avec la société, auquel cas la rémunération relèverait des traitements et salaires et ferait perdre le bénéficie de la déduction 154 bis).
Quant aux gérants de SELARL (gérants majoritaires) et SELCA, ils continueront toujours à bénéficier du dispositif Madelin, que ce soit par le biais de leurs rémunérations issues de leur fonctions techniques (BNC) ou celles issues de leur mandat social (article 62 CGI).
1 L’article 154 bis du Code général des Impôts (CGI) ne couvre dans son champ d’application que les travailleurs non-salariés qui perçoivent des BIC ou des BNC, ou les mandataires sociaux dont la rémunération relève du champs d’application de l’article 62 du CGI.
2 CE 16-10-2013 n° 339822 ; CE 8-12-2017 n°409429