Entre facturation électronique, intelligence artificielle et identité numérique, les experts-comptables se trouvent au cœur d'une révolution numérique qui redéfinit leur rôle auprès des entreprises. Nous avons rencontré Damien Charrier, président du Conseil national de l'Ordre des Experts-Comptables (CNOEC), pour faire le point sur les transformations majeures qui touchent la profession. Un entretien qui expose notamment la manière dont le CNOEC accompagne les cabinets sur la réforme de l’e-invocing, tout en préservant ses fondamentaux.
L’Expert. La réforme de la facturation électronique semble s'accélérer. Où en est la préparation de la profession ?
Damien Charrier. En effet, la facturation électronique a clairement pris de l’ampleur ces derniers mois. L'une des avancées majeures, c'est que les experts-comptables peuvent désormais faire signer à leurs clients un mandat pour choisir une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) à leur place. C’est un pas très attendu, car nos enquêtes montrent que près de 70 % des entreprises comptent sur leur expert-comptable pour les guider dans cette réforme. Nous avons d’ailleurs mis à disposition de la profession un modèle de mandat, et nous travaillons à l’automatiser via notre plateforme dédiée. Il faut savoir que le sujet de l’e-invocing va monter en puissance de janvier 2026 au 1ᵉʳ septembre, avec une période haute concentrée sur février-juin 2026.
Où en sont vos rapports avec les pouvoirs publics sur ce sujet, sachant que ces derniers avaient tergiversé sur les dates et sur la possibilité de PDP gratuite ?
D.C. : Lors d'une réunion récente à Bercy, les ministres Véronique Louwagie, Amélie de Montchalin, ainsi que la DGFiP ont confirmé le calendrier de mise en œuvre. L’annuaire des PDP établi par Bercy est opérationnel, avec déjà une cinquantaine de plateformes connectées. Certains acteurs ont annoncé un modèle freemium. C’est-à-dire que, pour les TPE avec peu de volume, un service de facturation électronique simple sera gratuit. C’est notamment le cas de la plateforme mise en place par l’ECMA (Expert-Comptable Media Association) « JeFacture.com », pour laquelle l'envoi de factures de base sera également sans frais.
On parle de gratuité, mais cela implique forcément des coûts et des adaptations pour les entreprises, non ?
D.C. : Bien sûr, il y a des ajustements techniques. Mais pour les plus petites entreprises, la barrière du coût ne doit plus être un frein. Il existe désormais plusieurs offres gratuites pour des besoins basiques. Ce que l’on appelle « fonctionnalité basique », c’est simplement mettre une facture dans un « tuyau », soit la capacité à déposer une facture dans un flux électronique conforme. Des solutions plus avancées existeront, mais elles ne seront pas obligatoires.
Concrètement, comment le CNOEC accompagne-t-il les professionnels dans cette transition ?
D.C. : C’est un chantier colossal. Nous publierons un guide complet sur la facturation électronique lors de notre congrès, accompagné d’un guide d’analyse des offres PDP. Chaque nouvelle immatriculation ou nouvelle offre commerciale fait l’objet d’un examen détaillé permettant d’évaluer la fiabilité, la pérennité et le coût réel des acteurs. Nous voulons permettre à chaque cabinet de savoir qui fait quoi et avec quel niveau de fiabilité. Il s’agira d’un ouvrage de référence, constamment mis à jour, pour guider les choix des cabinets et de leurs clients.
Vous avez aussi lancé une websérie d’information sur le sujet. Pourquoi avoir opté pour ce format ?
D.C. : L’enjeu est de diffuser efficacement l’information et la formation. Notre websérie, diffusée en direct puis en replay sur notre canal TV, a rencontré un vif succès au premier épisode, avec plus de 1 200 participants et plus de 300 questions collectées. Ainsi, chaque épisode se conclut par un échange de questions/réponses, pour un parcours d’apprentissage évolutif et interactif. Par ailleurs, nous allons lancer une campagne nationale de communication en septembre pour renforcer encore la pédagogie auprès de l’ensemble de la profession [...]
Propos recueillis par Samorya Wilson
Retrouvez la suite de l'interview dans le dernier numéro du magazine L'Expert