Julien Mimoun, Associé MR CAPITAL : « Les impacts comptables des ICO sont multiples »

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Le cabinet MR CAPITAL a publié un guide synthétisant les bonnes pratiques en matière de comptabilité et de fiscalité dans les opérations d’ICO (Initial Coin Offering), ces levées de fonds qui fonctionnent par émission d’actifs numériques ou tokens échangeables contre des crypto-monnaies.

Julien Mimoun, Associé du cabinet MR CAPITAL, a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre à ce sujet. Il évoque notamment des missions possibles des commissaires aux comptes sur les ICO.

Quels sont les impacts comptables liés aux opérations d’ICO ?

Comme toute opération de financement, les impacts comptables des ICO sont multiples.

Cependant, en l’absence de cadre réglementaire enfin bien défini, ces impacts restent encore difficiles à appréhender pour un public non averti. C’est la raison pour laquelle notre cabinet a décidé de publier un guide comptable et fiscal des ICO afin d’éclairer les porteurs de projets sur les principaux effets que peuvent avoir ces opérations. Ce document, qui n’a pas valeur de loi, synthétise selon nous les « best practices » à adopter en matière de comptabilité et de fiscalité dans le cadre d’opérations d’ICO et permet aux porteurs de projets d’en appréhender les principaux enjeux.

Comptablement, la vente de tokens peut s’assimiler à une prestation de service non encore réalisée au moment de l’ICO puisque c’est précisément les montants récoltés via l’opération qui vont permettre au porteur de projet de créer son service. A ce titre, il convient selon nous, pour l’entreprise émettrice, de comptabiliser les fruits de la vente de tokens comme du chiffre d’affaires.

La prestation n’étant pas encore réalisée au moment de la vente, il est de notre point de vue possible, sous certaines conditions, de différer la reconnaissance du chiffre d’affaires au fur et à mesure de la réalisation du projet par l’émetteur selon la méthode dite « de l’avancement », la durée de développement des services financés s’étalant généralement sur plusieurs exercices.

Se pose également d’autres problématiques telles que la comptabilisation des tokens attribués aux conseils de l’entreprise lors de l’opération et l’impact des variations de cours des crypto-monnaies : comment comptabiliser des écarts de change sur des actifs qui ne sont pas considérés comme des devises ?...

On voit donc que les problématiques comptables peuvent être extrêmement variées.

Et qu’en est-il des impacts fiscaux ?

Ils sont tout aussi importants. La vente de tokens étant assimilable à une prestation de service, il nous apparaît logique de considérer que la TVA s’applique à ces opérations.

Par ailleurs, ces ventes entrant dans la constitution du résultat comptable et donc fiscal de l’entreprise émettrice, cette dernière devra également s’acquitter de l’impôt sur les sociétés correspondant.

Selon vous, les ICO peuvent également produire un effet en termes de nomination d’un commissaire aux comptes. De quoi s’agit-il et quel rôle ce professionnel du chiffre peut-il jouer dans les ICO ?

On voit en pratique que les montants levés via les opérations d’ICO sont souvent très significatifs : de 10 à 50 millions d’euros en moyenne. Donc, si l’on suit la logique selon laquelle la vente de tokens est assimilable à du chiffre d’affaires, il y a de grandes chances pour que les sociétés concernées dépassent les seuils les obligeant à nommer un commissaire aux comptes.

Autre mission possible pour l’auditeur légal : celui de rassurer les investisseurs post-ICO, notamment quand on sait que c’est le principal frein à la réussite des projets. On peut tout à fait imaginer des interventions ponctuelles post-opération visant à certifier l’exactitude des montants levés, la répartition des tokens émis – entre cessions, attributions gratuites… – et naturellement, la réalité de l’identité du bénéficiaire effectif final de cette opération.

C’est d’ailleurs le cas du cabinet Grant Thornton qui a été mandaté par la société DDF Asset Ltd dans le cadre de son ICO réalisée au mois de juillet 2017. Cette intervention nécessite cependant pour l’émetteur, de faire appel à un professionnel ayant une certaine connaissance et un intérêt marqué pour l’écosystème blockchain.

Propos recueillis par Hugues Robert