Pas de révolution dans la loi de finances pour 2015

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finances-publiques2Dans un contexte difficile et sous le regard de Bruxelles, la loi rectificative pour 2014 et la loi de finances pour 2015 ne présentent pas de mesures exceptionnelles. Jean-Claude André, associé, et Renaud Duval, fiscaliste Baker Tilly France, commentent les évolutions fiscales et leurs conséquences pour les particuliers et les entreprises.

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"Avec un PIB de 2.132 milliards d'euros et une dette de 2015 milliards d'euros, ce n'est pas ainsi qu'on va créer de la richesse", regrette Jean-Claude André. Selon lui, pas vraiment de mauvaises nouvelles à annoncer, mais pas d'excellentes non plus. La France a perdu sa 5e place au rang des puissances économiques mondiales en se faisant doubler par l'Angleterre qui caracole avec un PIB de 3 % alors que celui de la France n'atteint que 0,4 %. S'ajoutent à cela un indice de production industrielle qui se tasse, un indice des prix en chute libre à 0,3 %, la dégradation continue du marché de l'emploi (- 0,4 %), un taux de chômage qui caracole à 9,9 %, une consommation des ménages qui n'augmente que de 0,2 % malgré des taux d'intérêt très bas (3,8 % pour les ménages et 2,3 % pour les entreprises) et un volume des crédits qui descend de 14,1 % pour les entreprises et 9,9 % pour les ménages.

> La France va gagner en compétitivité

Quelques bonnes nouvelles cependant : "La baisse du prix du pétrole, avec un baril à 52 dollars, peut nous faire réaliser 17 milliards d'euros d'économie et, si on cumule cela avec un euro qui décroche, nous allons être plus compétitifs", poursuit Jean-Claude André, ajoutant que pour les entreprises, le CICE va commencer à produire ses effets avec quelque 13 milliards d'euros qui vont être réinjectés dans l'économie.

> Quelques changements à la marge pour les entreprises et les particuliers

Pour Renaud Duval, l'impact sur les PME de ces dernières lois de finances reste assez relatif. Les évolutions en matière de fiscalité des groupes de sociétés étant finalement très techniques - consécration de l'intégration fiscale "horizontale", restrictions du champ d'application du régime mère-fille, auprès de certaines filiales étrangères notamment -, la généralisation de l'imposition selon le régime des plus-values pour toutes les opérations de rachat par les sociétés de leurs propres titres constitue certainement la nouveauté la plus significative.

Au-delà de la prorogation désormais classique de nombreux régimes de faveur, plusieurs mesures méritent d'être signalées : suppression de certains avantages fiscaux pour les adhérents d'organismes de gestion agréés, majoration de 50 % de la Tascom (taxe sur les surfaces commerciales) pour les entreprises dont la surface de vente au détail excède 2 500 m², abandon de l'assiette spécifique pour le calcul des droits d'enregistrement sur les cessions de parts de SCI, création d'une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises en Île-de-France.

Enfin, plusieurs dispositions s'inscrivent dans la mouvance actuelle de durcissement du contrôle fiscal : alourdissement des sanctions dans le domaine des prix de transfert ou de la présentation de la comptabilité informatisée sur support dématérialisé, renforcement du droit de communication de l'administration, ou encore instauration de nouvelles mesures anti-abus en matière de TVA, qu'il s'agisse du secteur du bâtiment et de celui des véhicules d'occasion.

Côté particuliers, l'actualité a pour partie déjà été largement commentée, en particulier concernant la suppression de la première tranche d'imposition à 5,5 % et la possibilité, pour les communes situées en "zones tendues", de majorer d e 20 % le montant de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

Outre l'assouplissement bienvenu du crédit d'impôt en faveur de la transition énergétique (ex-crédit d'impôt en faveur de la qualité environnementale de l'habitation principale), la loi de finances donne naissance à un énième dispositif en faveur de l'investissement locatif baptisé réduction d'impôt « Pinel », laquelle n'est en fait que la refonte de la réduction d'impôt « Duflot »... Cette innovation n'est d'ailleurs pas la seule en matière immobilière, puisque l'alignement du régime des plus-values immobilières des terrains à bâtir sur celui des immeubles bâtis est à présent consacré par le législateur, et que deux régimes temporaires d'exonération des droits de donation voient également le jour afin de doper un marché en panne.

Pour finir, l'absence de réforme d'envergure constitue parfois un (maigre) gage de stabilité fiscale, en témoigne le régime des plus-values mobilières, lequel n'est pas modifié dans le cadre de loi de finances pour la première fois depuis 2012 !

 

Par Jean-Claude André, associé, et Renaud Duval, fiscaliste Baker Tilly France.