Le 81ᵉ Baromètre des TPE, réalisée par l’IFOP pour Fiducial et publié le 27 octobre dernier, révèle un moral en berne chez les patrons de très petites entreprises. Inquiets et en colère face à l’instabilité politique, ces derniers gèlent leurs investissements et préparent des mesures drastiques, même si l’emploi dans le secteur montre encore des signes de résistance.
Le verdict est sans appel : 8 dirigeants de TPE sur 10 expriment un sentiment négatif à l’égard de la situation actuelle en France, selon l’enquête Fiducial menée auprès de 1 013 patrons de petites structures. L’inquiétude domine (55%), suivie de la colère (25%). Ces émotions se renforcent encore dans des secteurs comme l’industrie ou le BTP, où la colère dépasse de 15 points la moyenne nationale. La démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, le 6 octobre 2025, a accentué cette défiance. Après cet événement, la colère a grimpé à 32% contre 21% auparavant, et les opinions négatives culminent à 85%.
Des arbitrages douloureux : embauches gelées, salaires suspendus
Le baromètre souligne que face à l’incertitude, les dirigeants de TPE prévoient des ajustements brutaux. Ainsi, 67 % envisagent de réduire leurs investissements, un chiffre qui culmine à 84 % dans le BTP. De plus, 56 % d’entre eux songent à réduire leurs effectifs ou à geler les embauches, avec un pic à 66 % dans le BTP. Ils prévoient même des mesures drastiques telles que diminuer ou cesser de se verser un salaire à 49%, une proportion qui atteint 64 % dans l’hôtellerie et 63 % dans les services aux particuliers.
Ces mesures reflètent une anticipation pessimiste : 53 % des patrons craignent des répercussions « fortes » ou « très fortes » sur leur secteur d’activité d’ici six mois.
Une défiance historique envers le gouvernement
Seuls 12% des chefs d’entreprise disent encore faire confiance à la politique économique du gouvernement d’Emmanuel Macron, du jamais vu depuis la création de ce baromètre en 2002.
Le moral des patrons est également en berne : 83 % se déclarent pessimistes quant au climat général des affaires, et 54 % le sont pour leur propre activité.
Cette défiance se traduit par un rejet des figures politiques traditionnelles : 54 % des patrons souhaiteraient un Premier ministre issu de la société civile, et 47 % appellent à une dissolution de l’Assemblée nationale, un chiffre qui grimpe à 54 % après la démission de Sébastien Lecornu.
Le doute envers la classe politique s’installe profondément avec 64% de dirigeants de TPME qui jugent que le Président Macron devrait démissionner en cas de dissolution sans majorité absolue à l’Assemblée.
Les priorités des TPE : santé, dette publique et pouvoir d’achat
Malgré ce contexte morose, les dirigeants de TPE identifient trois priorités pour le gouvernement :
- La santé (38 % des citations).
- La réduction des déficits et de la dette publique (35 %).
- Le pouvoir d’achat (35 %), incluant la lutte contre l’inflation, le relèvement des salaires et la maîtrise des impôts.
Pour résorber la dette publique, 41 % des patrons estiment que les 1 % les plus riches devraient contribuer en priorité, tandis que 38 % considèrent que ce n’est pas le problème des Français.
Une économie plus solide que le moral
Malgré l’inquiétude généralisée, l’emploi résiste légèrement : 13% des dirigeants ont embauché ou prévoient d’embaucher d’ici fin septembre, soit 5 points de mieux qu’au trimestre précédent. Le solde net d’emploi reste positif (+4 points), même s’il demeure loin des meilleures années. De plus, seulement 9 % ont supprimé ou prévoient de supprimer des postes, un chiffre inférieur à celui du troisième trimestre 2024 (15 %).
Un paradoxe saisissant s’installe donc : les carnets de commandes ne s’effondrent pas, mais la visibilité politique alimente une méfiance telle qu’elle pourrait freiner la mécanique économique.
À noter toutefois que 38 % des TPE continuent de rencontrer des difficultés financières, ce qui reste un niveau élevé, proche du record de 46 % enregistré fin 2024.
En définitive, le 81ᵉ baromètre des TPE dessine le portrait d’un secteur en tension, tiraillé entre une colère et une inquiétude sans précédent et une résilience forcée. Alors que les dirigeants appellent à des réformes structurelles, leur défiance envers les institutions politiques atteint des sommets. Reste à savoir si un gouvernement parviendra à rétablir la confiance, ou si les TPE devront continuer à naviguer à vue dans un climat d’incertitude persistante.
Samorya Wilson